- Chapitre Vingt-Deux -

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 « Alors, prêts pour cet exam ? demanda Yousef en s'arrêtant à côté d'Even et Mikael qui étaient assis sur le muret, silencieux.

— L'exam, commença Even en se redressant subitement, putain de merde.

— Me dis pas que tu t'es bourré la gueule sans moi après être rentré, hier soir ! s'exclama alors Mikael qui, apparemment, ne se souciait grandement du fameux examen d'économie dont il se plaignait depuis l'annonce de sa date.

— Mais non, j'ai juste galéré à dormir, marmonna le blond en s'affaissant de nouveau.

— Isak...? tenta son meilleur ami.

— Je t'expliquerai après... »

La sonnerie retentit. Les étudiants encore présents à l'extérieur du bâtiment y entrèrent l'un après l'autre afin de se rendre à leurs cours respectifs. Le trio marcha rapidement jusque la salle où avait lieu l'épreuve qu'ils passaient pour finalement s'arrêter devant la porte.

« Bonne chance à vous, chers frères. » lança Mikael.

Il salua alors les deux garçons et entra dans la pièce, laissant Yousef et Even s'échanger un regard désespéré. Leur ami était vraiment irrécupérable.

Le tic tac de la montre d'Even paraissait une trentaine de fois plus fort à ses oreilles. Son poignet tremblait légèrement, dessinant de petites lignes bleues sur le coin de sa copie. Le temps passait, et Even en était conscient. Pourtant, il semblait impossible pour lui de parvenir à écrire ne serait-ce que le numéro de la question. Isak. Isak. Isak. Son nom se répétait en boucle dans sa tête, comme la sirène du camion de pompiers qui passait par là. Il n'aurait même pas été étonné s'il avait écrit ces quatre lettres à la place de son propre prénom en haut de la feuille. Les chiffres valsaient sous ses yeux comme des flammes noire d'encre. Fallait-il les additionner ? Les soustraire ? Les diviser ? Even ne voulait qu'une chose ; les arroser afin qu'ils disparussent de sa vue.

Sans qu'il ne s'en fût rendu compte, Even finit par tracer des courbes sur sa feuille. Il ne savait pas ce que formerait cet ensemble une fois terminé — il était peut-être même en train d'inscrire le nom d'Isak un maximum de fois —, mais il écrivait. Les pages tournaient, l'encre colorée du stylo à bille se vidait, les courbes dansaient. Jusqu'au moment où le temps finit par s'écouler.

Les personnes présentes dans la salle sortirent dès qu'ils en eurent l'autorisation par le surveillant le plus rapidement possible, Even inclus. Il avait besoin de prendre l'air, d'essayer de se poser deux secondes afin d'au moins se souvenir s'il avait répondu à la totalité des questions ou s'il n'avait noté que le prénom du blondinet qui hantait ses pensées encore et encore jusqu'à ce qu'il n'y eût plus de place sur sa copie.

Quand Even sortit de l'établissement, le vent fouetta son visage et il soupira de bien-être. La plupart des élèves était resté à l'intérieur pour discuter de leurs réponses et pour manger un petit quelque chose à la cafétéria, mais ce n'était pas le cas d'Even. Il n'avait même pas attendu Mikael et Yousef. Il voulait simplement respirer à nouveau.

Son moment de répit et de solitude fut de courte durée puisque son meilleur ami le secoua violemment, comme s'il essayait de le sortir d'une quelconque sorte de transe.

« Mec, faut que tu m'expliques ce qui se passe entre vous deux, annonça Mikael en croisant les bras quand il finit par se rendre compte qu'Even était bien réveillé et prêt à l'écouter.

— De quoi tu parles ? nia Even en se frottant la nuque.

— D'Isak. Joue pas à l'innocent. Hier soir, c'était la balade la plus gênante que j'ai jamais vécue ! J'ai loupé un truc ou quoi ? »

Pauvre Mikael, si seulement il savait...

Even finit par lui raconter chaque détail alors qu'ils marchaient lentement jusqu'au logement du métisse. Il n'en oublia pas un seul ; il lui parla des étoiles, du silence apaisant, de l'effleurement de leurs doigts qui avaient fini par s'entremêler, du rapprochement, des sourires, des regards échangés, de cette troisième chose sur la liste, du baiser inattendu, de la chaleur qui l'avait suivi, puis de la tension horriblement inconfortable qui les avait suivi comme leur ombre le reste de la soirée. Mikael écoutait d'une oreille attentive, son visage essayant toutes les émotions possibles. Arriva le moment où le blond eut fini son récit :

« Putain, mec, t'as merdé. »

C'était vraiment tout ce qu'il avait à dire ?!

« Hein ?

— Pourquoi t'as mentionné cette liste ? s'exclama-t-il en faisant des gestes exaspérés avec ses bras. Et c'est quoi même ce délire de liste ? »

Even fit mine de réfléchir quelques secondes. Il ne voulait pas dévoiler le secret d'Isak, ce serait trahir sa confiance — de plus, ils n'étaient pas vraiment en bon termes en ce moment, et l'étudiant ne voulait risquer d'aggraver la situation.

« Il est triste, j'essaie juste de lui rendre le sourire en faisant des trucs qu'il veut faire, expliqua-t-il alors, sans vraiment mentir mais sans dire la vérité non plus. Mais, tu vois, il a écrit 'embrasser quelqu'un' dessus, donc j'ai pris ma chance ! Au moins, j'avais une excuse pour tenter un truc... Je voulais pas que ça se termine comme ça.

— Encore heureux que tu voulais pas que ça se termine comme ça. Je pense que tu devrais éclaircir les choses dans ta tête avant d'en parler avec lui, conseilla Mikael.

— Éclaircir les choses dans ma tête ? répéta-t-il bêtement.

— Ouais ! Histoire que tu saches ce que tu veux et que tu lui fasses comprendre. »

Even ne répondit rien. Ce qu'il voulait ? Il ne voulait rien ! En tout cas, il ne voudrait rien tant qu'Isak ne voudrait rien. Il était trop tôt, de toute façon. Non ? Ils ne se connaissait que depuis une quinzaine de jours. Oui, c'était beaucoup trop tôt. Il fallait leur laisser le temps de se connaître mieux, de se découvrir, afin de finalement — peut-être — passer à une étape supérieure. C'était ce qu'il y avait de plus sage, n'est-ce pas ? Even n'avait envie que de se frapper le crâne contre le béton. Isak ne voulait sûrement même pas rester à l'étape actuelle, alors passer à la prochaine ? Dans ses rêves, oui !

Mikael dut remarquer le léger soupir qui traversa les lèvres du blond, puisqu'il posa une main sur son épaule :

« T'inquiète pas, va. Tu vas le récupérer ton Isak. »

Ce garçon allait rester dans ses pensées pendant un long moment, on dirait.


[ En espérant que l'histoire soit toujours aussi bien à vos yeux :) x ]

That Boy | EvakOù les histoires vivent. Découvrez maintenant