- Chapitre Trente-Huit -

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 « Il va être temps d'y aller. »

Une voix grave fit détourner l'attention d'Isak de son téléphone portable où il faisait défiler photos et messages qu'il partageait avec Even, son petit-ami. Il ne lui avait pas répondu. Il n'avait même pas ne serait-ce qu'ouvert le SMS. Rien. Et ça faisait plus de dix heures qu'il lui avait envoyé – mais ce n'est pas comme s'il avait compté. Dix heures. Ce n'était sûrement rien de grave. Après tout, il devait retourner en cours aujourd'hui, alors il avait dû passer la journée et soirée d'hier à rattraper son retard. Mais quand même... Il pourrait ne pas ressortir vivant de cette opération. Les risques étaient minces, certes, mais ils étaient présents. Isak faisait son possible pour sortir ces statistiques de sa tête – il était beaucoup trop endormi pour ça. Il aimerait tellement qu'Even fût là...

« Pas d'inquiétudes ; tout va bien se passer, tu ne sentiras absolument rien et d'ici deux mois, tu retourneras à ta vie normale, et ce pour un tas d'années. »

Le garçon regarda enfin l'infirmier debout en face de son lit. La peau sombre de son crâne dépourvu de cheveux reflétait la lumière artificielle de l'ampoule accrochée au plafond. Il tourna lentement la tête vers sa mère, assise à son chevet. Son cerveau, embrouillé à cause du médicament qu'il avait avalé une heure plus tôt, ne parvenait pas à distinguer ses traits aussi bien qu'il le souhaiterait. Elle lui offrit un sourire crispé, et Isak put presque sentir son angoisse depuis son oreiller blanc. Est-ce que ça a une odeur, l'angoisse, d'ailleurs ? Il demanderait à Even quand il viendrait le voir, à la sortie du bloc. Si il sortait du bloc.

« Ça va aller, dit sa mère, même si Isak n'était pas sûr de qui elle essayait de rassurer. On se revoit vite. »

La sensation de lèvres sur son front ne sembla être qu'un mirage. Les secousses des virages que prenait son lit roulant le gardèrent conscient quelques instants encore. Mais ce fut l'aiguille de la perfusion le ramena à la réalité et Isak fut de nouveau capable d'utiliser ses sens. Mais, au fond, il se doutait qu'il était encore dans les vapes, parce que c'était maintenant Even qui tirait son lit à la place du médecin chauve de tout à l'heure. Il sentit sa bouche s'ouvrir pour laisser échapper un soupir. Even... Si seulement des sons pouvaient sortir de sa gorge, il aimerait lui parler. Lui dire merci. Lui dire à plus tard. Lui dire que, d'ici une paire de mois, ils seraient de nouveau ensemble – et pour de bon, cette fois. Lui dire qu'il ne le quitterait pas, qu'il ne le quitterait jamais. Lui dire qu'ils vieilliraient ensemble, qu'ils vieilliraient ensemble pour longtemps. Lui dire qu'il ne mourrait pas, qu'il ne mourrait pas de si tôt. Lui dire qu'il l'aimait, qu'il l'aimait si fort...

Les yeux d'Isak se fermèrent enfin, son corps et son esprit s'abandonnant à la profonde abysse de l'inconscience. Une dernière pensée germa néanmoins ; elle fut pour Even, son petit-ami, et pour l'amour inconditionnel qu'il ressentait et ressentirait toujours à son égard...

Ce garçon allait rester dans ses pensées pendant un long moment, on dirait.

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(Très) court chapitre de transition. J'espère qu'il vous aura plus ! :) x

That Boy | EvakOù les histoires vivent. Découvrez maintenant