- Chapitre Treize -

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 Après ces mots, Mikael s'était éclipsé, laissant les deux garçons seuls, les joues rouges, devant l'université. Le temps passait si lentement alors qu'une seconde semblait une heure aux yeux des protagonistes. Isak, pour être honnête avec lui-même, savait qu'il commençait à regretter d'être venu. Que pensait-il qu'il allait se passer, de toute façon ? Il avait pratiquement craché à Even la vérité sur sa personne. Que pouvait-il penser à son propos à part « Il est trop bizarre », « Il est malade, ce gars », ou bien « Il ne mérite pas que je lui donne mon amitié » ?Ses neurones ne pouvaient digérer une pensée ou une question de plus, son cerveau était en ébullition, à chercher une manière de s'enfuir de cette situation qui dépassait les limites de la gêne. Il n'aurait jamais dû lire ce mot, il n'aurait jamais du l'écouter, il n'aurait jamais dû venir. Ses paupières avaient recouvert ses globes oculaires, ses écoutilles s'étaient closes, plus aucun des sens d'Isak ne semblaient fonctionner. Il avait l'impression d'avoir perdu sa bouée de sauvetage et de se mettre à couler dans le vent qui soufflait légèrement comme s'il s'agissait d'une mer agitée. Son cœur qui frappait contre sa cage thoracique était la seule chose qui lui rappelait qu'il était encore en vie. Il se trouvait dans un état second, comme s'il était autre part, dans un cauchemar.

Tout ceci s'évapora au moment où une paire de bras entoura son corps frêle. Isak sut à qui ils appartenaient. Après tout, qui viendrait enlacer un inconnu ? Ses yeux noisettes se dévoilèrent de leur cachette pour se poser sur un cou pâle, le cou pâle d'Even. Était-il vraiment en train de lui faire un câlin ? Pourquoi faisait-il... ça ? Perdu, il ramena ses bras tremblotants autour du dos du blond. Il espérait qu'Even ne remarqua pas les petits mouvements de ses bras, ça le ferait fuir.

« Tu n'es plus seul. »

Cette seule phrase permit à Isak de relâcher ses muscles. Les larmes se mirent à couler, sans qu'il ne sût réellement pourquoi. Il imaginait qu'il était simplement soulagé de savoir que quelqu'un tenait à lui, était là pour lui... qu'il n'était plus seul.

Isak se sentit bien nu quand Even se retira de l'étreinte. Sa chaleur corporelle lui manquait déjà. Un petit sourire étira ses fines lèvres.

« Je suis tellement heureux que tu sois venu, Isak. »

Ces simples paroles furent accompagnées d'un ravissant sourire qui ne put s'empêcher de réchauffer le cœur du blondinet. D'un geste de la tête, Even lui indiqua de le suivre, ce qu'il fit. Où allaient-ils ? Le blond n'en avait aucune idée, mais il faisait confiance à son ami.

Son ami. Il avait un ami. Quelqu'un qui ne fuyait pas à sa simple vue. Pourtant, quand Even découvrirait ce qu'il lui cachait, il fuirait. Ce n'était qu'une question de temps. Ce n'était toujours qu'une question de temps, avec quelqu'un comme Isak...

Alors qu'ils marchaient, aucun ne prononçait un mot. Even profitait de la simple compagnie d'Isak, savoir qu'il était là, à côté de lui, semblait suffisant à ses yeux. Isak était plongé dans ses pensées. Il ne savait toujours pas où ils se rendaient et il était trop gêné pour lui demander. Il avait vraiment une confiance aveugle en ce garçon qu'il connaissait à peine. Ça allait le mener à sa perte, à leur perte. Mais Even semblait si déterminé à faire ami-ami avec lui qu'Isak ne pensait pas qu'il pourrait l'en dissuader, peu importait l'argumentation qu'il lui donnerait.

« On est arrivé ! » s'écria un Even tout souriant.

Isak releva la tête et s'aperçut qu'ils étaient au parc. Ça le fit sourire à son tour; c'était ici que tout se déroulait toujours, avec Even.

« J'ai pensé que ça serait plus calme si on venait ici... admit-il en se grattant la nuque, voyant que le blondinet ne répondait rien.

— Ça me va, t'en fais pas, ricana Isak. Je... je voulais te dire quelque chose, en fait, donc ça m'arrange qu'on soit quelque part où personne ne peut nous interrompre ou nous entendre... »

Cette phrase parut envelopper les garçons d'un voile d'appréhension. L'un se demandant ce que pouvait être cette annonce qu'Isak tenait à lui faire, l'autre hésitant à vraiment la lui dire, de peur qu'il ne s'enfuît par la suite.

Ce fut pas après pas que les deux amis rejoignirent le banc. On pouvait apercevoir par les fenêtres des appartements non-loin de là des personnes qui zieutaient discrètement ce qui se passait. Une fois que leur corps reposait sur le bois usé, Even tourna sa tête vers Isak, qui lui avait la tête baissée. Cela rappela à l'étudiant le premier jour où il l'avait vu, comme ça, la tête baissée, sa casquette aplatissant ses cheveux blonds... Ça paraissait être arrivé il y a si longtemps, alors que ce n'était que quelques semaines plus tôt. Even remarqua alors une larme dévaler la joue du plus jeune. Il s'empressa de poser sa main sur son épaule, pour lui montrer qu'il était là, qu'il ne bougeait pas, qu'il ne bougerait pas. Ce geste causa au blondinet de relever la tête pour croiser le regard d'Even. Les larmes coulaient à flot sur son visage. C'était le moment.

« Je vais mourir, Even... »

Et, à ce moment-là, Even sut que ce garçon allait rester dans ses pensées pendant un long moment.

That Boy | EvakOù les histoires vivent. Découvrez maintenant