- Chapitre Seize -

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 Even n'avait pas réussi à s'endormir, la veille au soir, alors il tentait de rattraper son sommeil en cours de biologie — le seul où il pouvait se le permettre sans risquer de faire baisser sa moyenne. Assis au fond de la classe, la professeure ne semblait pas le remarquer. Elle disait la leçon sans grand enthousiasme, comme si elle-même se fichait pas mal de tout ce charabia que les trois-quarts des élèves ne comprenaient pas.

Le blond aimait penser au fait que les professeurs enseignaient quelque chose qu'eux-mêmes détestaient. Au moins, ça leur donnait peut-être une idée de ce que pouvaient ressentir certains étudiants.

« Even, tu vas bien ? »

Ce dernier ôta sa tête de ses bras croisés et tourna la tête vers la voix en question. Mikael.

« Ça va... juste un peu fatigué.

— Un peu ? ricana Mikael.

— J'ai pas vraiment dormi cette nuit... mais ça va, assura Even en levant ses deux pouces.

— T'as été trop occupé à réviser l'éco pour penser à récupérer ?

— J'aurais préféré ça... admit-il.

— Isak ? Demanda le métisse en plissant les lèvres.

— Isak, soupira le blond. Il peut pas sortir de ma tête juste deux secondes, c'est énervant. Isak par-ci, Isak par-là ! Tout le temps ! (Il souffla et Mikael tapota le dos de son ami avec un sourire en coin, comme s'il tentait tant bien que mal de ne pas dire quelque chose qu'il pourrait regretter.) Enfin, assez parlé de lui. Ça fait longtemps que tu m'as pas parlé de Sana. Ça avance, avec elle ?

— Mec, elle est à fond sur Yousef, ça se voit à mille kilomètres ! J'ai aucune chance, vraiment.

— Mais non, dis pas ça ! Un jour, elle se rendra compte que... (Mikael tapota l'épaule du blond, fixant un point derrière la tête de ce dernier.) Quoi ? »

Doucement, Even se retourna. Il vit sa professeure de biologie à côté de lui — il était placé en bout de rangée, à la toute droite —, les mains sur les hanches, un regard sévère sur le visage. Ses cheveux blonds vénitiens retombaient sur son buste et les deux étudiants sentirent sur eux les yeux de tous les élèves présents. Cela devait faire quelques temps qu'ils écoutaient leur conversation. Le rouge montait déjà aux joues du plus pâle, et la déclaration de la femme n'arrangea pas l'état de son teint :

« Personne n'a quelque chose à faire de votre Isak ou de votre Sana ! s'exclama-t-elle, faisant ricaner quelques-unes des personnes présentes dans la classe. J'essaie de faire un cours, moi ! Alors, si vous vous ennuyez tant que ça, vous pouvez partir ! »

Even et Mikael échangèrent un coup d'œil avant de se lever et de s'éloigner de l'enseignante énervée.

Ce ne fut que quand les deux amis furent assez loin de la salle qu'ils éclatèrent de rire. Ça faisait bien longtemps qu'ils n'avaient pas ri de la sorte, et encore moins qu'ils avaient fait une connerie en plein cours. Ça leur avait manqué, à tous les deux.

« Ça te dit d'en profiter pour réviser l'éco ? proposa le métisse quand ils furent tous les deux calmés.

— Ça me va, j'ai pas vraiment commencé, de toute façon. »

Il était déjà seize heures quand ils arrivèrent chez Even. Ils sortirent leurs affaires et s'installèrent sur le lit du blond.

Ils étudièrent jusqu'à ce qu'Even dût se préparer pour aller travailler au café. Ils avaient surtout rigolé, il fallait l'admettre, mais quel genre de meilleurs amis arrivent à étudier ensemble ? Au moins, Even avait réussi à ne pas penser à Isak.

Mais, dès que son alarme lui indiquant de s'en aller sonna, le blond débarqua dans son crâne une fois encore.

Lui et Mikael rangèrent rapidement leurs cours et se chaussèrent avant de sortir de l'appartement. Even proposa à son ami de l'accompagner jusqu'au café puisqu'il habitait de ce côté, et ce fut avec plaisir qu'il accepta. De cette façon, il pourrait lui présenter plus solennellement le petit blond qui occupait constamment ses pensées.

Mikael passa son temps à taquiner Even au propos d'Isak tout le long du trajet. Even, pour répliquer, lui disait d'envoyer un SMS à Sana pour l'inviter quelque part. Généralement, le métisse finissait par abandonner avant de revenir à la charge quelque minute plus tard.

Finalement, ils arrivèrent devant le parc.

Mais personne n'était là. Il n'était pas venu. Pourquoi n'était-il pas venu ?

« Il va arriver, je... je vais l'attendre, il... il va forcément arriver. »

Even tentait de se rassurer, de se dire que rien de grave n'était arrivé. Mais, depuis qu'il savait pour ça, il appréhendait chaque minute, de peur qu'Isak succombât plutôt à l'inévitable.

Mikael ne dit rien du tout et accepta sans broncher. Ils attendirent ensemble quelques minutes jusqu'à ce qu'Even dut s'en aller travailler. Il n'avait plus aucune once de bonheur sur le visage. Quelque chose était arrivé à Isak, il le sentait. Et il ne pouvait rien faire. Sans adresse, sans numéro, sans rien du tout pour le contacter... Il était juste destiné à attendre.

« Ça va aller, Even, il a sûrement eu un empêchement. Tu le verras demain. »

Son ami frotta son dos et il hocha la tête à contre-cœur.

Ce garçon allait rester dans ses pensées pendant un long moment, on dirait.

That Boy | EvakOù les histoires vivent. Découvrez maintenant