Chapitre 5 : Le squatteur de banquette arrière

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Mais bon sang, où avait-il déniché ce pistolet ?! Il était en caleçon aux dernières nouvelles ! Et, à ce que je sache, on ne pouvait pas cacher un flingue dans un sous vêtement ! 

Je reportai mon attention sur l'inconnu, qui était parfaitement éveillé. Je voyais la peur dans ses yeux, mais aussi l'incompréhension, un peu de surprise même. Il se demandait certainement pourquoi il était toujours en vie. Sa main tremblait, mais il n'hésiterait pas à tirer s'il se sentait menacé. Il me faisait penser à une bête sauvage acculée par des chasseurs, apeurée mais imprévisible. Prudemment, je sortis les mains du plaid et les levai devant moi pour lui montrer qu'il n'avait rien à craindre. Il ne se détendit pas mais il recula son arme, toujours braquée sur moi. 

- Tu es qui ? me dit-il d'une voix grave mais légèrement chevrotante. Tu es au service de Victor ? 

- Quoi ? Je ne suis au service de personne ! répondis-je, un peu sur les nerfs d'avoir un pistolet braqué sur mon front. Au fait, de rien, je t'ai sauvé d'une mort lente et pénible dans la forêt.

Il me regarda d'un air totalement perdu. Ses grands yeux gris passaient de mon visage à mes mains, essayant de comprendre ce qui lui arrivait. Il finit par s'asseoir en face de moi et par baisser son arme. Alléluia, je détestais être visée par un de ces trucs ! Je me débarrassai du plaid pour être libre de mes mouvements et me levai. 

- Où as-tu trouvé ton joujou ? lui demandai-je, toujours énervée.

- Dans un des tiroirs de la cuisine.

J'avais oublié, tout le monde avait une arme dans ce pays. Un peu dangereux à mon humble avis, mais que pouvais-je bien y faire ? 

Le jeune homme me regardait toujours avec cet air intriguant, comme s'il parvenait à lire en moi. Ses prunelles gris argent me dérangeaient de plus en plus, cela lui donnait un air trop gentil pour être honnête. 

- Qu'est-ce que tu faisais dans la forêt ? le questionnai-je. Je n'ai jamais vu quelqu'un sans papiers courir par une nuit d'automne au milieu des bois.

- Je pourrais te poser la même question, riposta le garçon. 

Touché. Le squatteur de banquette arrière n'était pas totalement idiot. J'eus un petit sourire en coin, mais pas du genre avenant, plutôt du genre loup qui tourne autour de sa proie. 

- Si tu allais prendre une douche ? Tu ne sens pas la rose, lui proposai-je. 

J'aurai le temps de fuir incognito s'il allait se laver. Je m'éloignerai des Faucheurs et lui ne serait pas en danger. 

- Rien ne me prouve que tu n'es pas au service de Velázquez, qui me dit que tu n'en profiteras pas pour l'appeler ? avança-t-il.

Mon Dieu, un parano ! Je lui servis mon sourire dévastateur et mis ma main sur le cœur. 

- Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en Enfer ! ironisai-je. 

Il eut un petit rire mais cela n'eut pas l'air de le convaincre. Il marmonna quelque chose du genre "Victor et ses larbins n'ont pas peur de l'Enfer", sans me lâcher des yeux. Bon sang, je devais partir au plus vite ! Et, en plus, il avait toujours cette odeur de chien mouillé insupportable. Son visage était brun de boue, ce n'était pas super agréable à admirer.  

On se regardait en chien de faïence, essayant de chacun de faire craquer l'autre. Evidemment, aucun des deux ne voulait céder. 

- Tu ne veux pas non plus que je vienne dans la salle de bain avec toi ? le provoquai-je. 

Ma remarque n'eut pas l'effet escompté. Au lieu de devenir tout rouge (enfin, avec la boue sur le visage, pas sûre que je l'aurais vu), il éclata de rire et me jeta un coup d'œil taquin. Si je n'étais pas un ange déchu, j'aurais très certainement fondu sous ce regard de braise. Hélas (pour lui), j'étais insensible à son charme. Il ne me restait qu'une solution, qui, bizarrement, me semblait la plus logique.

La mort à portée d'ailes : Fugitive (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant