Chapitre 35

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Nous y étions enfin. Ce fichu observatoire avait failli avoir ma peau. Il nous avait fallu trois longues heures de car, durant lesquelles le chauffeur s'était amusé à me retourner l'estomac. Sara et Jem ne nous avaient presque pas adressé la parole, faisant mine de dormir d'un sommeil de plomb, et Kai n'avait pas tardé à s'endormir réellement. Ensuite, il avait fallu marcher. Longtemps. Sam n'avait absolument aucun sens de l'orientation et nous avions failli nous perdre à plusieurs reprises à cause de ses « tracasse, je gère ». J'avais fini par lui reprendre la carte et la boussole des mains pour ne pas que ce trajet s'éternise. Nous étions donc finalement arrivés à bon port, au bout d'une lune.

Je n'avais pas adressé un mot à Kai depuis des heures, préférant me chamailler avec Sam pour ne pas avoir à penser à mes sentiments beaucoup trop fort pour mon compagnon de voyage. Des papillons se déchaînaient dans mon estomac dès que je croisais son regard, mes joues rougissaient comme celles d'une adolescente dès qu'il prononçait mon nom, et mon cerveau se mettait en veille quand il me souriait. C'était vraiment affreux comme sensation. Jamais encore je n'avais été amoureuse, je me croyais même incapable d'éprouver ce sentiment, mais il était là, puissant et prêt à ficher ma routine en l'air. Je voulais résister, ma tête me hurlait de l'envoyer à l'autre bout de la Terre pour le protéger, pour me protéger aussi, je devais bien l'avouer, mais mon cœur désirait uniquement sa présence, son corps, ses lèvres, encore et encore. Il avait marché aux côtés de Priya pendant toute l'après-midi, à l'écart du groupe. Les Déchus étaient tout sauf amicaux avec les deux humains, les mettant volontairement à l'écart, mais cela ne semblait pas les déranger.

J'en avais un peu parlé à Sam pendant notre longue randonnée, et même s'il me comprenait, il gardait son âme de guerrier : aucune attache en-dehors du champ de bataille et tout ira pour le mieux. Il n'avait que deux faiblesses, et j'étais l'une d'elles. Il m'avait un jour confié que l'une d'entre elles causerait sa perte, et je savais qu'il ne parlait pas de moi. Elle avait déjà causé en partie sa Chute, et je savais qu'il luttait jour et nuit pour ne pas qu'elle finisse par le tuer. Il avait beau se battre jour après jour, c'était un combat qu'il n'était pas certain de gagner.

Nous étions donc à présent devant la lourde porte en fer qui servait d'entrée unique à l'observatoire, au milieu d'un terrain envahir par les hautes herbes et les petites bestioles. Sam s'écarta, me laissant comprendre que j'avais l'honneur d'inaugurer notre nouvelle maison. Je sortis ma fidèle épingle à cheveux de mon sac à dos et crochetai la serrure en moins de deux minutes, avant de pousser le battant qui, comme il le laissait paraître, pesait une tonne. Je bénis ma force d'Archange qui m'avait permis de ne pas me ridiculiser devant mes rivaux. Nous avions beau être en stand-by pendant quelques temps, les luttes reprendraient dès que nous aurions botté les fesses d'Azazel, de Lucifer, de Dieu, et de tout ce petit monde, je me devais donc de ne laisser transparaître aucune faille. Au fil des siècles, j'avais appris que le pouvoir ne faisait pas tout, la ruse était beaucoup plus efficace.

Sam entra avec moi dans la pièce sombre, un long corridor défraîchi, envahi par la poussière et les araignées. Je trouvai un interrupteur et une lumière diffuse apparut sur quelques néons au plafond. Le courant électrique fonctionnait toujours, visiblement, même s'il n'était plus au meilleur de sa forme. Nous explorâmes le gigantesque bâtiment par petits groupes, avant de faire un compte-rendu. Il y avait une myriade de petites pièces, autrefois des laboratoires, des bureaux, et même quelques chambres, qui serviraient de dortoirs, en plus d'un immense réfectoire, d'une salle avec un gigantesque télescope que nous allions utiliser comme salle commune, et, miracle, d'une minuscule salle de bain. De vieux livres à la couverture élimée traînaient çà et là, accompagnés de crayons, de carnets divers, d'instruments de mesures, etc. J'avais dû remplacer quelques néons par de l'énergie pure, mais l'endroit était globalement en bon état, loin de tout, parfait donc. Nous nous étions mis d'accord pour rester minimum par deux dans les chambres, en cas de problème. Et mon amie Priya me trahit lâchement en choisissant Sam comme colocataire. Ce dernier était tout aussi étonné que moi, mais elle prétexta qu'elle avait besoin de son esclave pour déchiffrer le journal. Quelle fourbe. J'avais donc le choix entre Sara et Jem, Kai, qui sinon devrait se trouver un groupe, ou tenir la chandelle à mes deux traîtres d'amis. Malgré mes réticences, le choix fut vite fait et j'embarquai Kai et mon sac à dos dans un des anciens bureaux. Le parquet au sol craquait légèrement sous nos pas, et je tombai sous le charme des murs tapissés de clichés d'étoiles, d'astres, et de constellations. Une petite fenêtre permettait à la lumière de l'extérieur d'entrer, mais l'électricité serait indispensable dès la tombée de la nuit. Nous installâmes nos lits de fortune, nos affaires, puis nous finîmes par devoir nous regarder dans le blanc des yeux.

- Maintenant qu'on va cohabiter dans cette petite pièce, tu ne vas plus pouvoir m'éviter, commença-t-il. Je ne te demanderai pas qu'on parle, on l'a déjà fait, mais essaie au moins de ne pas m'ignorer totalement.

- Je ne... bégayai-je, la tête baissée.

- Si, tu le fais. Tu m'as à peine regardé de la journée, et tu ne m'as pas adressé un mot depuis le départ du car ce matin. Je suis peut-être naïf et pas futé par moments, je ne suis pas idiot non plus. Tu m'évites, je le sais. Les choses sont claires entre nous, non ? Ce n'est pas ce que tu crois ?

- Si, murmurai-je, le regard toujours vissé sur mes baskets.

- Regarde-moi, bon sang ! s'écria-t-il.

Je levai les yeux, et je ne sus plus quoi dire, quoi faire. Kai avait perdu son air timide et calme. Une colère sombre brillait dans ses yeux. Je l'avais blessé, j'en étais consciente, mais je ne pensais pas que ça l'affecterait à ce point. Je croyais avoir évité le pire en rejetant nos sentiments en bloc, mais affronter la fureur de mon ami était bien pire. Il était également déçu de mon comportement, toutes ses émotions transparaissaient dans ses yeux. Ses poings serrés en disaient long, il était à bout, l'énervement refoulé pendant des jours entiers prenait le dessus et guidait ses actes. Je ne voyais plus aucune douceur en lui, il était redevenu un loup sauvage, un homme qui n'avait plus rien à perdre. Ses muscles étaient tendus sous son t-shirt, et ses mains passaient sans arrêt dans ses cheveux déjà hirsutes.

- Tu veux avoir le contrôle de tout, jamais un seul écart, reprit-il sur le même ton. Tu préfères te mentir à toi-même que de te permettre un écart. Ne me fait pas croire que tu te fiches de tout, je sais que c'est faux. Tu veux vivre ton éternité en te bridant et en ne jurant que par la prudence ? parfait, mais essaie au moins de voir la réalité en face. Tu sais quoi ? Je te donne une chance, une seule. Tu la saisis, ou tu la laisses passer, c'est ton choix. Soit tu prends un risque, soit tu restes dans ta routine.

D'une manière ou d'une autre, ce choix me conduirait à ma perte, quoi que je fasse. 

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Bonjour tout le monde ! 

Je tiens tout d'abord à m'excuser de l'attente pour ce chapitre, comme je vous l'avais expliqué, j'ai eu de gros soucis familiaux qui ne m'ont pas laissé le temps d'écrire, encore merci de votre compréhension en tout cas ! 

Passons aux choses plus joyeuses, j'espère donc que ce chapitre vous aura plu :) je vous prépare une petite surprise pour fêter les 10 000 vues ! L'histoire a désormais atteint les 11 600 vues, c'est absolument incroyable, merci à vous <3 

J'ai été, comme vous avez pu le lire dans la partie précédente, nommée pour les wattys2018 ! C'est juste pas croyable, je suis super heureuse d'être déjà arrivée là :) J'ai également passé a 4e étape du concours Plume d'or, j'ai hâte de voir la suite, ce concours est vraiment très chouette :)

J'avais juste une petite question : quel est votre passage préféré de cette histoire ? ça m'intrigue beaucoup d'avoir votre avis sur la question !

Comme chaque semaine, votez, commentez, partagez ! :) et n'hésitez pas à aller liker la page facebook Charlotte Sohet - auteur pour avoir les informations plus facilement concernant l'avancée des chapitres :)

à bientôt pour la suite de La mort à portée d'ailes ! :)

La mort à portée d'ailes : Fugitive (tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant