La mort à portée d'ailes : Fugitive (tome 1)

Chapitre 46

Pour la première fois depuis des semaines, je pus dormir tranquillement, bien au chaud, dans les bras de mon petit ami. Je n'avais même pas imaginé à quel point une bonne nuit de sommeil m'avait manquée. Je culpabilisais légèrement en sachant Sam enfermé chez Igor, mais je savais qu'il serait bien traité. Je n'avais qu'une envie : ne pas bouger. Kai s'était allongé près de moi après m'avoir portée jusqu'au lit et nous avions dormi comme des loirs. D'ailleurs, mon compagnon de voyage préféré dormait toujours à poings fermés et grogna à peine quand je bougeai un peu contre lui. D'accord, pas bouger. Le feu rougeoyait encore un peu dans la cheminée, mais je n'avais pas envie de me lever pour aller le rallumer. Le monde pouvait s'écrouler, je n'essayerais même pas de le sauver, enfin ça, c'était le scénario dans mes rêves les plus fous. Dans la réalité, il allait falloir que je me bouge les fesses et que je réveille mon ours de petit ami pour aller nous battre contre des forces cosmiques. La joie.

J'entendais depuis un petit moment de l'agitation dans la maison. Je n'avais aucune idée de quelle heure il pouvait bien être, mais le soleil était déjà levé. Je me retournai pour me retrouver face à Kai et lui déposai un léger baiser sur les lèvres. Sa bouche s'étira en un léger sourire et je recommençai. Il me serra contre lui et m'embrassa sur le front avant de glisser sa tête dans mon cou pour me couvrir de baisers.

- Tu ne peux pas savoir ce que ça fait du bien de se réveiller comme ça, murmura-t-il à mon oreille.

- Si, j'imagine bien, riai-je, son nez toujours dans mon cou.

- Quand je te tiens dans mes bras j'oublie presque que tu as... quel âge déjà ?

- N'y pense pas, ça fait beaucoup trop vieux, je vais complexer. On va en rester à vingt-et-un, comme je te l'avais dit quand on s'est rencontrés.

- Ça marche, répondit-il en m'embrassant.

Son baiser se fit un peu plus insistant et je me laissai totalement aller contre lui. Mes mains se perdaient dans ses cheveux ébouriffés tandis que les siennes allaient et venaient dans mon dos, sur ma taille, dans ma nuque. Mon cerveau décida de partir en vacances, et je l'embrassai plus profondément. Ses lèvres caressaient les miennes tandis que ses doigts glissaient lentement dans le bas de mon dos, à la lisière entre mon pantalon et mon t-shirt légèrement relevé. Je devenais brûlante, et son regard en disait long sur son taux d'envie. Ses pupilles dilatées me promettaient un réveil que j'allais adorer.

Enfin ça, c'était dans mes rêves les plus fous. Dans la vraie vie, une jeune russe venait frapper à votre porte pour vous apporter le petit déjeuner, vous coupant l'envie de poursuivre ce que vous aviez commencé.

Je bougonnai et sortis du lit en trainant des pieds. J'ouvris la porte et remerciai Natasya, qui venait nous apporter notre plateau dans notre chambre, puis le déposai devant le feu, que Kai était en train de raviver. Quand la flamme grandit un peu, il s'installa à côté de moi et nous mangeâmes les tranches de pain et la confiture que notre hôte nous avait apporté. C'était absolument délicieux, presque autant que le réveil auquel j'avais eu droit ce matin.

Une fois le repas fini, il allait bien falloir redescendre de notre petit nuage. Nous enfilâmes les vestes que Natasya nous avait données la veille, Kai prit le plateau et nous nous dirigeâmes vers la cuisine. La Russe était attelée aux fourneaux, deux petites filles dans les jambes. Les enfants arrêtèrent de jouer quand elles nous aperçurent et nous dévisagèrent avec de grands yeux marron. La plus grande devait avoir six ans, l'autre quatre. La cadette avait un teint très pâle, presque cadavérique. En voyant que je fixais sa fille, Natasya me dit un mot en anglais qui ressemblait à « malade ». Je fis un geste pour lui demander si je pouvais approcher de la fillette et elle hocha la tête. La petite me regarda m'accroupir à côté d'elle et broncha à peine quand je pris sa main dans la mienne. Son énergie vitale était très faible, à un niveau vraiment inquiétant.