Noir-Ocre
A ces histoires morbides
Qu'ils n'ont pas voulu raconter
Et à ces hommes qui nous suivent
Sans identité
Je lève mon verre vide
Et ma pauvreté
Je jure comme si j'étais ivre
De ne jamais m'agenouillerC'est quoi la devinette ?
Dans cette ville abîmée, où l'on se débat sans arrêt, deux gars plutôt grands et plutôt fins, se sont réfugiés chez des inconnus. Ils ont disparu. Au sixième étage d'un immeuble avec trop d'appartements, et pas assez de place pour qu'ils soient assez grands, TaeHyung et JungKook écoutent l'écho vibrant de la ville. Les vitres sont fissurées, les paravents déchirés, et il règne là un bordel sans nom. TaeHyung et JungKook s'en fichent, il n'y a plus personne ici. TaeHyung marche à travers le salon. La table basse est cassée en deux. Il passe par dessus et allume miraculeusement une lampe de chevet, posée sur le sol. Elle n'éclaire pas beaucoup. Mais il ne fait plus noir. Plus complètement. TaeHyung souffle sur ses mains froides.
Pendant ce temps, JungKook fouille dans le frigo, les yeux avides.
« -Il y a de l'eau. »
TaeHyung se redresse et le rejoint. Il boit après lui, il mourait de soif. Il se dit qu'ils ont de la chance. Ça ne fait pas longtemps que l'appartement est désert. Il y a du pain sec dans un placard, ça fera l'affaire. JungKook le donne à TaeHyung qui le sépare en deux, alors que l'autre avance et guette, guette toute cette misère. Il finit son tour des lieux, sous le regard silencieux de TaeHyung. Le bruit du dehors est comme étouffé. C'est tant mieux. TaeHyung mange le pain, en fixant un point de vide. Et même qu'un jour ce point deviendra un trou noir. Qui fera que tout sera vide. TaeHyung relève la tête et demande à JungKook de manger aussi. C'est plus un ordre qu'une demande, tout compte fait. TaeHyung est fatigué, il va s'asseoir sur le canapé. JungKook vient s'installer près de lui.
« -Qu'est-ce qu'on va faire ? demande TaeHyung.
-On continue de fuir.
-Pour toujours ? »
Un instant de silence. Leurs regards convergent sur la lueur étrange de la lampe. Puis la voix grave, un peu rugueuse, un peu triste, lui dit ;
« -Pourquoi pas. »
La lueur ocre danse comme un feu. Ils n'ont jamais vu de feu. Ils n'ont que cette couleur qui frissonne. TaeHyung a un soupir qu'il étouffe dans sa gorge. Alors JungKook se tourne vers lui, prend son visage dans ses mains, pas dans un geste de tendresse, mais avec fermeté, un geste qui dit qu'il est là, qu'il faut qu'il l'écoute. Écoute moi.
« -TaeHyung ? TaeHyung. Regarde moi. Baisse pas la tête comme ça. Regarde mes yeux. Tu me vois ? Et tu m'entends ? Il faut que tu m'entendes. Il faut que tu m'écoutes. Que tu te souviennes de ce que je te dis. D'accord ? »
TaeHyung se mord la lèvre et fait oui de la tête, plusieurs fois.
JungKook parle. Parle. Parle.
TaeHyung fait oui. Oui. Oui.
Riposte parfois.
JungKook insiste.
TaeHyung acquiesce.
Son corps est lourd.
JungKook garde son visage dans ses mains.
Il faut qu'il le voie.
Il faut qu'il l'écoute.« -TaeHyung, ferme les yeux maintenant. Prends cette main. »
Il lui donne une de ses mains. Il met l'autre sur ses paupières.
« -Souviens-toi de la couleur de la craie. Souviens-toi des mots. Et du jaune sur les tableaux. Et de la peinture sur ma paume. Souviens-toi des symboles que je t'ai appris. Souviens-toi de mon nom. Et puis du rêve. Souviens-toi de ce rêve là. »
TaeHyung ne bouge pas. Ne dit rien. Il a la bouche entrouverte. Et les cils contre sa peau.
« -Il y a une plaine très longue qui va jusqu'à l'horizon.
Et sur la plaine, des forêts morcelées
Avec des arbres grands et sombres
Et puis il y a des champs qui tapissent le sol
L'herbe est haute
Tout devant, une rivière
L'eau est bleue.
Et il y a ce chemin, tu ne sais pas où il mène.
Tu vois ? »TaeHyung attrape la main sur son visage, il la retire lentement. Il murmure :
« -Est-ce qu'il y a des fleurs au bord de la rivière ? »
JungKook répond qu'il l'aime. Il passe ses bras autour de lui, il le serre,
pour qu'il n'ait pas peur,
pour qu'il n'ait pas froid.
Pour qu'il se souvienne de tout ça.Dis moi
Où vont les bateaux.
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Minuit - TaeKook
FanfictionMinuit, dans une ville. Minuit, en haut des immeubles. Minuit, des perles dans les yeux. Minuit, et un ciel sans dieux.