Blanc - Blond

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Blanc-Blond

Chère folie qui m'habite,

Je
Ne
Te
Comprends
Pas.

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TaeHyung ne parle pas, ne regarde nulle part, n'écoute personne.
TaeHyung refuse de manger, de bouger, de se remettre à vivre.
TaeHyung n'a plus le goût de l'existence.

Dans sa tête, sous la sueur, en plein cauchemar, quand la bile remonte, il se croit fou.

Il a des images vides de sens.
Vide sans sens.

Des autres vieux en blanc viennent lui raconter des histoires qui parlent de chiffres et qu'il ne comprend pas. Il ne comprend rien. Il ne veut surtout pas comprendre. Ils s'agglutinent autour du lit et se plient de toutes les façons pour lui faire comprendre que tout ira bien. Tout ira bien. Il répond que JungKook est mort et que rien n'ira bien.
Et il hurle, et il pleure, et il n'y comprend rien.
Jour ou nuit ?
Minuit ?
Il l'a dit. Sans lettres, avec des lignes, et de la peinture. C'est quoi le nom déjà ?
C'est quoi ces formes déjà ? Jaunes. Dansant toute la nuit sous ses paupières ternes.

On ne dort plus complètement quand l'autre nous laisse seul.
On ne dort plus en paix quand on sait que l'autre ne reviendra pas.
Est-ce qu'il y croit ?


Cette nuit il a rêvé de ces bars branchés en centre ville où les riches vont vider leur pactole dans des machines à fantasmes. Et il repense aux flots dorés qu'ils balançaient dans des fils de verre et qu'ils enfonçaient droit dans leur chair, avec leur bouteille bue au goulot, et les femmes, des femmes minces, maigres, inexistantes accrochées à leur peau. Les femmes elles s'épuisent sur des machines à maigrir. Les femmes il en voit pas des masses dans la rue. Parce que les hommes sont méchants et qu'elles feraient mieux de fermer leur gueule, et que c'est comme ça, c'est pas autrement. Et dans ces bars là, il y a des pièces fermées où l'on met les privilégiés, et là on leur donne de quoi sourire. Fils de verre. Flots dorés. Rire strident.

TaeHyung n'y est allé qu'une fois, il est parti en pleurant.

La ville fait peur. En plus il fait nuit tout le temps.

Alors il s'enferme et il repense à maman mais maman est partie et papa aussi et papa l'a laissé avec les autres enfants comme lui qui savent lire les formes jaunes sur les écrans et même qu'après il y avait une télé où des gens mourraient et que les autres enfants riaient et bavaient et se plantaient les ongles dans les bras et que TaeHyung pleurait alors on l'a mis dans une salle à part tout seul, et puis on dit qu'il a grandi qu'il a trouvé un travail où il se sert de son seul talent à se crever les yeux devant des ordinateurs dans des salles immenses et puis ensuite il se retrouve tout seul dans des bibliothèques fermées à relire le même livre enfin pas totalement tout seul parce que JungKook est arrivé et il a montré à TaeHyung ce que c'est la couleur et TaeHyung lui a montré ce que c'est la nature et ils se sont montrés ce que c'est d'aimer mais comme le vieux l'a dit, JungKook est mort alors TaeHyung se remet à pleurer et à se mordre les lèvres et à se griffer les avants bras, pour que ça fasse moins mal, pour que ça soit plus comme ça.

Et puis après il se réveille, il se rend compte qu'il a nagé en plein délire, et il se dit qu'il ne sait comment sortir, sortir par un mur sans porte, sortir quand on a plus l'énergie.

Et puis après il se rendort, il est fiévreux, sa tête parle à sa place, mi chemin entre Terre et Espace. C'est qu'il fait nuit partout, des bouts à bouts de nuit sur des carrés de lune rouge et des livres sapins qui brûlent. Un idéogramme cardinal barré, ah s'il savait.

Parfois il a des moments de lucidité. Et peut être que la douleur est si grande qu'il n'a rien à en dire, ou alors peut être qu'elle s'atténue. Ou peut être qu'il est mort aussi. Dans cette sale blanche toute blanche tellement qu'il n'y a rien. C'est peut être ça le paradis.

Et puis les autres vieux reviennent et il se rend compte qu'ils sont trop réels pour que ce soit un faux monde. Alors il leur fait comprendre qu'il veut crever, bien comme il faut. Sauf que quand il a commencé à refuser les plats, on a commencé à lui faire des injections de nutriments par les tuyaux dans le mur. Sauf que quand il a commencé à vouloir s'abîmer, on a commencé à lui faire des injections de sommeil juste au milieu du bras.

Il n'a même pas le droit de mourir.
Alors dans le présent, il regarde le plafond.

Et des vieux ( pas si veux ) en blanc, le regardent regarder le plafond.

« -TaeHyung ? »

Il entend mais ne répond rien.

Les hommes s'en vont.

Puis finalement, TaeHyung se réveille, seul. Il se redresse, scrute la chambre, seul, pose ses pieds sur le sol, tombe, essaie de se lever, mais c'est dur, alors il avance sur des genoux endoloris, attrape un objet en métal, une seringue ou une spatule, il ne sait pas. Puis contre le mur blanc, il plante le bord de la tige, l'enfonce et trace, trace les formes jaunes dans sa tête. Et quand c'est fini il se recule, contemple, s'évanouit. Un peu plus tard, il se réveille dans le lit.

Quelqu'un demande :

« -Qu'est-ce que ça veut dire ? »

Quelqu'un dit :

« -Je ne sais pas. »

Quelqu'un ordonne :

« -Allez le chercher. »

TaeHyung tourne la tête vers les autres vieux. Chercher qui ?


Et quelque part dans le bâtiment, des types bien bâtis ouvrent une porte ( parce qu'il y en a beaucoup des portes ) tire un autre type qui était dans la pièce et le guide dans le couloir. Le gars en question, tenu par les bras, se laisse presque traîner sur le sol, sauf qu'il est trop léger et eux trop forts, alors il commence à rire, rire beaucoup. Il rit même quand les grands costaux le jettent dans la chambre blanche. Tout est blanc ici.

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Viens m'éblouir
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Il s'appelle Jimin.

Il rit en titubant, et c'est seulement en voyant les deux yeux cernés de violet de celui allongé dans le lit que son sourire disparaît. TaeHyung fixe ce visage d'ange à moitié perverti et ces pupilles brillantes sur un fond de noir. Il a les cheveux blonds et la jeunesse gâchée.

« -Le pédéraste !

-La ferme, font les hommes. Déchiffre ce qu'il a écrit. »

Il rit encore. Puis s'arrête. Se tourne vers le mur où sont alignés des séries de 0 et de 1.

Il plisse les yeux. Murmure.

« -Parle plus fort ! On comprend rien.

-Il y a écrit : un homme mort à minuit




TaeHyung le regarde quand on l'emmène hors de la chambre.

Car c'est un autre qui comprend son langage.

Minuit - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant