Noir - Ambre

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Noir-Ambre

Je savais que tu étais là,
Derrière l'ombre de mes paupières.
Mais tu as su aussi
Qu'il fallait rejoindre les ténèbres,
Bien avant une aube
Qui ne viendra pas.

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C'est drôle.
Tu es toujours là.
Dans ma tête.

Le monde n'est pas content. Le monde n'est pas content. Le monde n'est pas content. Insatisfait, irrité, impatient, fébrile, haineux. Dans le métro, dans les rues, sur les vaisseaux, même au travail, les gens sont en colère. Un rien leur donne envie de faire imploser l'atmosphère. Si seulement ils pouvaient tout contrôler. TaeHyung sait qu'il ne peut rien contrôler. Et même quand il croise des regards noirs, aperçoit ses bouches à deux doigts de lui cracher dessus, il reste calme. Il ne peut rien faire. Il la sent dans ses veines. La vie est en colère. Alors il va là où il n'y a personne. C'est son jour de congé. Il peut oublier. Il peut essayer.

Pas après pas, l'allure lente, il traverse les allées du musée. Il y en a un. Maigre coup de vent dans la tempête. Un seul. Pour une ville entière. Mais ses tournants sont vides. Le peuple est ailleurs. Et les artistes se meurent. TaeHyung passe devant les murs aux tableaux numériques, aux images tremblantes, diffusées depuis des vidéos projecteurs au plafond. Et puis le silence alentour. Et s'il tend l'oreille, TaeHyung peut entendre le râle du savoir. Celui qui s'estompe. TaeHyung sait qu'il succombe.

Il finit par s'asseoir devant des plaques de verre sur lesquelles on a peint des formes abstraites. Rien n'est sûr. Tout est hésitant. Mais TaeHyung trouve ça vrai, ces couleurs en mouvement. Le monde est comme ça. Et pourtant cette œuvre là semble différente. C'est sûrement le vert. Non c'est plutôt le jaune. Le jaune vif. C'est la couleur déterminée. C'est celle qui accroche sa pupille et l'empêche de trembler. Il croit voir le grand soleil.
Mais ça ne peut pas être lui.
Il est parti.

A genoux, comme pour offrir sa prière, TaeHyung contemple l'œuvre. Contemple l'Art. L'art meurt comme le soleil. Le jaune coule. Recouvre le vert. Recouvre les mains de TaeHyung, jointes, abandonnées sur ses jambes. Le jaune coule sur son front. Goutte après goutte. Des perles de soleil, venues du paradis. Et TaeHyung sent un souffle dans sa nuque. Tu es toujours dans mon dos.

Tu es toujours là.
Et moi je n'ai toujours pas peur.

Les mains de JungKook cache la vue du tableau, par dessus les yeux presque jaunes de TaeHyung. Mais ses paumes ne le touchent pas. Il ne s'y trompe pas. Ses paumes tremblent. TaeHyung laisse tomber ses paupières. JungKook passe son menton tout près de son épaule. Il parle pour son oreille. Il parle à quelques frontières de sa conscience.

« -Raconte moi un autre rêve. »

TaeHyung respire très fort. Son souffle est une éternité. Puis il pose ses mains sur celles de JungKook. Lui, frémit. Il sent la poudre et la pluie. Le bout des doigts de TaeHyung appuient sur ses os saillants. Il abaisse l'une de ses mains, la porte jusqu'en bas, puis la garde dans la sienne. JungKook regarde TaeHyung, et il n'a jamais été aussi près de son visage, de sa joue, de sa pommette, de sa paupière. Un véritable univers. TaeHyung lui parle d'une voix calme.

« -Regarde le jaune. »

Jaune Ambre. JungKook le sait.

« -C'est comme le soleil
Je suis sûr qu'il y a du soleil, quelque part.
Peut être en toi.
Peut être en moi.
Mais peut être ailleurs aussi.
Moi je veux le voir.
Je ne veux plus raconter mes rêves.
Je veux les vivre. »

TaeHyung se retourne pour s'asseoir face à lui. JungKook le regarde comme on regarde un miracle. Prêt à se réveiller. Les mains de TaeHyung se lèvent dans les airs, s'approchent de sa paupière, de ses cernes, de son œil noir. Et une de ses phalanges, délicate, le côtoie docilement. Il ne le touche pas. Et les yeux de JungKook sont grand ouverts. Il tressaille.

« -Personnage sans nom, qui me suit et me frôle, est-ce que c'est toi qui a peur ? »

Les lèvres de JungKook s'ouvrent, se ferment. Et presque impunément TaeHyung les fixe.

« -Je suis terrifié. »

Les mains se retirent et s'éloignent. L'homme des ombres les regarde faire.

« -Apprends moi ton langage, dit alors TaeHyung. »

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Viens m'observer
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« Et je t'aiderais à rêver. »

Minuit - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant