Minuit - TaeKook

Noir - Outremer

Noir-Outremer

Lourdes eaux profondes et troubles
D'outre-mer et d'outre-tombe
Une forme blanche s'y balade
Et je vois le rêve malachite
Au milieu d'une abysse noire.

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JungKook sur des toits en ruine, jaillissant de l'océan infini, accrochés à la ville, à la ville qui ne brille plus. Il n'y a plus que des torches électriques qui scintillent à travers l'obscurité de ce puits d'acier. Les reflets pointent un à un sur les vagues désormais calmes. Et on n'imagine pas la profondeur de ces eaux tumultueuses et repues d'où sortent les buildings les plus grands, triomphants, un peu comme une métaphore, une qu'on n'aurait pas envie de comprendre. JungKook se précipite, retourne les débris de métal, s'enfonce dans l'eau, là où il a pieds, et puis là où il n'y a rien. Rien que les reflets de ces torches qui clignotent. Même dans cette foutue ville, il n'a jamais fait aussi noir. JungKook crie dans le silence plat, il lance des appels, et remue tout ce qu'il y a sur son chemin. Il n'y a rien. Rien que le vent, et ce dégoulinement interminable.

JungKook persiste. Il se coupe les mains. Il pleure. Il ne s'en rend même pas compte.

« -Tu sais ce qui est le plus terrifiant dans tout ça ? »

YoonGi est debout sur un bâtiment, dominant JungKook et son corps trempé, et ses espoirs abîmés. La lumière d'une torche l'inonde, puis inonde la mer. Une mer de ville et de nuit.

« -C'est que tous ces gens, juste avant de mourir, ont réalisé qu'ils n'avaient pas vécu du tout. »

JungKook cesse de le regarder, et continue ses fouilles.

« -Ils se sont rendu compte qu'ils étaient des esclaves, et non des empereurs, esclaves des autres, esclaves d'eux même. Ils ont compris que la ville les avait trompés, qu'elle leur a fait croire qu'ils avaient de la valeur pour qu'ils sortent leur porte-monnaie, et que c'est justement pour cette raison qu'ils sont en train de crever. »

JungKook attrape une plaque de métal, elle est trop lourde, ses paumes sont fendues.

« -Ce qui compte c'est la sueur, même si elle tombe dans les larmes, même si elle tombe dans le sang. Ce qui compte c'est chaque petite minute passée à genoux pour se faire caresser la tête du dos de la main, comme d'infâmes chiens. »

JungKook prend son sabre, donne un coup sur les tiges de métal et retourne la plaque d'un coup de pied. Elle s'étale dans un grand fracas humide.

« -Et personne ne vous aime. Et personne ne vous voit. »

JungKook s'arrête. Ses épaules se soulèvent, sa bouche est ouverte, les larmes ont disparu dans le fleuve. Il respire à s'en faire mal. Il écoute même s'il sait qu'il ne devrait pas.

« -Qui croit en l'amour ? C'est pire que Dieu. C'est trop beau, c'est trop pur, c'est trop clair pour des gens comme nous. Pour des misérables lépreux de l'âme qui ont tout vu mais rien compris, tout vu mais tout oublié. Et qui bientôt ne verront plus du tout. Car le toit s'affaisse, car le ciel se ferme, et que bientôt même les néons ne laisseront plus passer la lumière. »

JungKook lève la tête. La lumière de la torche l'éblouit trop fort.

« -Les Hommes iront jusqu'au bout de tout ce qui les inspire, la domination et la destruction. L'anéantissement d'un monde qui n'était déjà rien. »

La clarté crépite comme un feu, à l'intérieur de l'eau.

« -Quand je vois les Hommes, tu sais quoi ? Je vois un idiot qui s'auto-mutile. Un idiot qui rêve d'amour. Un hypocrite qui ne réalise pas. Et je suis en lui ce qu'il y a de pire. »

Leurs regards se croisent. JungKook voit comme YoonGi le toise.

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Abysses
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« -Il n'y a personne à sauver ici. Arrête de chercher. Tu es pathétique. »

Il se détourne et disparaît. La torche tombe, se fracasse contre l'eau, se brise, coule. Et JungKook s'égare dans le noir complet. Et même dans cette ville, il n'a jamais fait aussi noir.