Blanc - Blanc

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Blanc-Blanc

Un quai de gare
Des fleurs
Un champs
De fleurs
Dans sa bouche
Sur son cœur


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« Vous m'entendez ? »


« Vous m'entendez ? »


« Est-ce que vous m'entendez ? »


« Il va se réveiller. Bientôt. »


« TaeHyung. »


TaeHyung rêve de JungKook.
TaeHyung est endormi.
TaeHyung est épuisé.
TaeHyung ne se sent plus.
Mais il sait qu'il est là.
Il entend cette chose battante à l'intérieur.
Il est encore en vie.
Quelle drôle d'idée.
Mais TaeHyung est fatigué.
TaeHyung dort.
TaeHyung rêve de JungKook.


A une heure qui n'existe pas – il n'y a pas d'heure là où ils sont – quelqu'un qu'on ne peut pour l'instant pas décrire rentre dans la salle – quelle salle ? - on ne sait pas – TaeHyung ne sait pas donc on ne sait pas. Une porte s'ouvre, quelqu'un entre, s'approche de TaeHyung qui s'imagine soudain réveillé. Ses mains le font souffrir. Il a la gorge sèche et malade, et le reste de son corps n'est plus rien. Le quelqu'un sans apparence s'affaire au dessus de sa tête. Il entend des bip, un certains nombres, des bip qui se répètent. Et puis des pas. Quelqu'un s'en va. TaeHyung se rendort, bercé par le tintement incessant.

TaeHyung rêve de JungKook.
Et de formes jaunes alignées.
Il ne sait pas ce que c'est.


TaeHyung se réveille un peu plus tard, les sens plus aigus. Le toucher est revenu. Il sent une texture lisse sous ses doigts. Il sent l'air froid contre ses orteils, posé sur ses paupières, entre ses cils, à la surface de ses lèvres. Une odeur forte affleure dans ses narines. Et un goût amer remonte, remonte avec sa salive. Ça brûle. Ça brûle ! Il ouvre alors la bouche – ou est-ce son corps qui le fait ? Et une vague d'oxygène s'abat à l'intérieur, si grande qu'il ne sait pas quoi en faire. Il sent son cœur s'accélérer, incendier sa poitrine, l'air est insupportable ! Les bip remontent à ses oreilles, accélérés, sont suivis de pas rapides, et de porte poussée et de voix humaines. On attrape ses bras, on pose quelque chose sur son visage. Il se calme. Il ne voit rien. Il respire à nouveau. Et toujours dans le noir, il s'endort.


Et il voit les pieux errants
Nageant dans le sang
Et dans des mers de gâchis
Se noyant sans bruit


« TaeHyung vous m'entendez ? »


Non je n'entends rien. Je n'entends rien. Qu'est-ce que c'est ?
Les formes qui bougent devant moi. Tout cet amas de jaune, répété à l'identique.
Est-ce que ça parle ? Est-ce que c'est vivant ?
Ou est-ce que je suis seul ?
Est-ce que je suis vivant ?
Vivant ?
Vivant ?
Vivant ?
Vivant ?

Un être.
Qui parle.
Qui écoute.
TaeHyung qui dort
Dans un champs de fleurs
Sur un quai de gare.
Une mare d'eau très noire
Qui n'a pas de sens.


TaeHyung connaît ces formes jaunes.
Elles sont imprimées contre sa rétine.

Il rêve encore. Et sous ses paupières, ses iris vont de gauche à droite. Il dort encore. Encore un peu. Il sent le monde autour de lui. Il le sent. Un peu comme la vie, dans ses veines.

Un peu comme un cri, jailli de sa peine.


Je veux que tu me promettes que même si l'air est trop lourd, même si tu as mal, même si tu n'arrives plus à te lever, même si on t'attrape, même si on t'enferme, tu vas persister.


« TaeHyung. »


Et soudain ses yeux s'ouvrent. Le monde se précipite dedans.
Mais soudain, le monde est tout blanc. Où suis-je ?


Il avale l'air comme si ses poumons étaient affamés. Mais il a un masque à oxygène sur le visage et ça le gène. Il lève une main, tremblante. Ses muscles font si mal. Cette pauvre paume tente d'attraper l'objet et de s'en débarrasser. Amorphe, elle ne se saisit de rien. Quelqu'un s'en charge à sa place. Et alors qu'il ne voyait que du blanc, un visage interrompt sa vision. Il comprend que derrière c'est un plafond. Un plafond blanc. Et il s'aperçoit que c'est un homme. Un homme âgé, grisonnant, les yeux subtils, qui le regarde.

Il est étrange cet air.

L'homme, debout, à côté du lit, observe TaeHyung qui tourne la tête, qui cherche à savoir où il est, puis qui la repose sur le matelas et qui le fixe, faible, et vide. Du mur à son bras, s'étendent plusieurs tuyaux. Et il y a une machine bruyante au dessus de sa tête. Et puis tout autour d'eux, des murs blancs. Et autour encore, du silence.

TaeHyung ne dit rien, le regarde.

L'homme pose une main sur son avant bras et se met à parler lentement. Au début TaeHyung n'a pas l'air de comprendre. Alors il répète. Plusieurs fois.

« -Vous êtes en sécurité.
Nous ne vous voulons aucun mal.
Au contraire, nous avons besoin de vous.
Vous êtes en sécurité.
Nous avons besoin de vous.
Mais je vous le répète, nous ne vous voulons aucun mal.
Vous êtes en sécurité.
Vous m'entendez ? »

L'homme fixe TaeHyung, qui demeure inexpressif. Il a même un froncement de sourcils devant ce visage pâle, aux yeux cernés de noir, et au regard sans fond.

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Viens me réveiller
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« -Où est JungKook ?

-Pardon ?

-Je veux voir JungKook.

-Vous n'avez besoin de personne ici. Nous sommes là, vous êtes en sécurité. »


TaeHyung commence à se sentir nerveux, les bip s'accentuent, ses yeux cherchent une issue. Elle est étrange cette salle blanche, un peu comme l'air, un peu comme l'homme. Et ce silence infini. Rien que ne reconnaît son esprit. Il se redresse sur le lit, mais son corps est si lourd, et les mouvements difficiles, il suffoque, d'autres hommes en blanc entrent, l'attrapent par les bras et les épaules, le clouent sur le matelas pendant que lui gigote inutilement.

« Il faut que vous coopériez TaeHyung.»

Lui, fait non de la tête, remue les jambes, tente de repousser ces mains qui le maintiennent.

« Où est JungKook ?! »

Tous sont attentifs, et pourtant si lointains, comme s'ils faisaient semblant d'être présents.

« -Je veux voir JungKook ! »

Le premier homme jette un regard sceptique et lassé à un second homme. Il se rapproche du lit, les bras dans le dos, l'aura glacée, il se penche un peu, comme pour dire un secret. TaeHyung le considère cette fois avec des yeux grands de peur. Un instant de battement. Et puis la voix.

Et puis le néant.


« JungKook est mort. »


C'est alors que ce corps frêle lâche prise, s'abandonne complètement, là, la bouche entrouverte, les yeux humides. Ses pauvres mains s'accrochent au tissu propre qui recouvre sa poitrine, le serrent violemment et dans un élan de douleur, son dos se cambre en arrière.

Et même à l'autre bout du bâtiment, on l'entend hurler.
Hurler des heures durant.
Hurler comme un dément.
Hurler, seul, dans cet enfer.






Pas d'idéogramme sur un mur inexistant.

Minuit - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant