Noir - Noir

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Noir-Noir

Monde impensable construit pour moi
C'est un temple en l'honneur de la peine
Inébranlable rivière noire
Qui trouve sa source dans ton cœur
Qui remonte dans tes larmes
Et qui obstrue tes poumons
Qui pousse contre ta gorge
Et qui coule à ton menton


TaeHyung marche sur les toits plats des buildings vides. Complètement vides, comme des corps assassinés, qu'il ne faut plus venir déranger. Il passe d'un toit à un autre, le pas pressé, mais tel un intrus, vagabond qui se faufile entre l'oubli. Tout est à sa place, immobile et figé pour l'éternité. Pas lui. Il est au courant. Il n'y a pas d'éternité.

Les gens. Ce qu'il reste des gens. Ils sont là. Debout, en lignes brisées, les gens sont comme le volcan avant l'éruption, grondant et mystérieux, parlant d'une voix seule, qui fuse de tous les côtés. Ils sont là, dans les ruines, devant la montagne d'écrans qu'ils ont bâtie, devant cette consécration de métal et de débris. C'est l'éphémère de ce qui s'arrête un jour. Et la longueur de ce jour qui ne s'arrête jamais. Les gens n'ont rien à dire. Ils ne savent pas parler. Ils ne savent même pas être. Ils ne savent qu'exister. Et exister dans la nuit, quelle misère est-ce là.

Les gens sont venus de tous les recoins de la ville. Par les ruelles, par les avenues, et par le lit du fleuve qui longe le centre, des masses sont venues contribuer à ce mont de silence. Mais les gens grondent quand même. C'est un murmure qui vient d'ailleurs. C'est un chuchotement presque intime qui ne signifie rien. C'est de la colère à l'état le plus véritable.

Ou alors peut être
Est-ce un sens profond
Qui lui échappe ?

Les gens ont peur. Ils attendent le pardon ou bien le châtiment. Ils attendent parce qu'il y a quelque chose à attendre. Ils sont un vaste groupe fébrile, craintif et impulsif, qui se bouscule, qui s'agrippe, qui regarde vers le ciel lointain et qui angoisse à l'idée d'y voir apparaître une lumière, celle des vaisseaux, celle d'une bombe, ou bien une lumière toute autre. Les gens sont là, sans réellement savoir pourquoi. Ils sont là car c'est le seul endroit, le seul, où ils pouvaient aller. Le seul où ils peuvent pleurer ou espérer. Et ils ne font rien de cela.

JungKook marche lentement au milieu de cette foule humaine. Ces êtres sont indéchiffrables. Leurs visages sont brouillés de noir, couverts de masques ou de tissus. Ils se cachent car il n'y a rien en eux qui ne peut être reconnu. JungKook les survole, n'y voit rien, retire sa capuche. Les pilleurs s'aventurent dans la masse de gens, savent quoi faire, savent où aller. JungKook balaye les alentours des yeux, en silence. Il ne sait pas si le monde est parfaitement calme ou terriblement agité. Le brouhaha semble grandir à mesure que les secondes passent.

Soudain il aperçoit un groupe de pilleurs sur les pauvres restes d'un bâtiment. Il suit les autres et les rejoint. Il grimpe sur les ruines, et observe. De là où ils sont, les gens ne sont plus qu'une vaste forme noire en mouvement, sur un sol noir immobile. Puis il aperçoit NamJoon et lui attrape l'épaule.

« -Qu'est-ce qu'on fait ?

-On attend. »

NamJoon fixe JungKook qui l'interroge du regard.


« -Où est YoonGi ? »


NamJoon le toise, illisible, durant un long moment. Il ne dit rien. Puis il jette un regard sur une autre ruine, quelques mètres au dessus d'eux, puis retrousse ses manches et s'éloigne. JungKook reste là, seul visage clair sur la plate-forme. Il voit la base de cette tour de métal brisée. Dans son dos, il y a son sabre, il le prend dans ses mains. Et la foule gronde et gronde et gronde de plus en plus fort. Le monde s'est rassemblé. Il est minuit, encore. Les pilleurs sur la plate forme s'agenouillent. JungKook sent leurs corps s'abaisser autour de lui, comme des buildings qui s'effondrent. Puis finalement, il s'abaisse lui aussi. Il serre son sabre dans son poing.

Minuit - TaeKookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant