Chapitre 15 :

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Au fil des jours, elle commençait à prendre l'habitude, mais ce qui la troubla le plus, c'est qu'elle s'était mise à l'aimer. Ma mère n'aimait l'argent que pour sa famille, pour survivre et pour faire venir ses parents à Dakar, alors vous imaginez sa réaction lorsqu'elle compris qu'elle pouvait aussi aimer...mais d'un vrai amour. Je sais que c'est incompréhensible qu'une sorte de femme soumise se mette à aimer l'homme qui la violait, mais celui qu'elle décrivait dans son journal semblait tellement doux.

Elle raconte même qu'il la préparait toujours avec soins de sortes à ne pas la blesser...ça ne pouvait pas être quelqu'un de méchant..."
Des larmes se mettent lentement à couler sur mes joues. Monsieur Ndiaye me tapote sur l'épaule et me rétorque que ça serait mieux pour moi de m'asseoir pour continuer. Je me retourne et me dirige vers un des sièges près du distributeur, et lui me rejoints d'emblée.

M. Ndiaye : - "Je suis désolé.

Bintou : - :Non, ce n'est rien. Je vais continuer.

M. Ndiaye : - "Tu n'es pas obligée...

Bintou : - "Je vais y arriver. J'ai besoin de le faire. Je n'en ai jamais parlé à personne auparavant, alors il faut que je vide mon sac...

M. Ndiaye : - "Si c'est ainsi, je suis à ton écoute."

Je tente de me calmer, mais il n'y a rien à faire, mes yeux ont décidé de se rebeller contre mon grès.

Bintou : - "Ils passèrent des jours comme ça, jusqu'au jour où ma mère n'eut pas ses règles menstruelles. Pour elle, c'était la catastrophe. Elle ne pouvait lui annoncer son retard et donc la possibilité qu'elle soit enceinte. Elle le cacha, parce qu'elle ne voulait pas qu'il la prenne de pitié. Elle ne voulait plus de son argent, de sa pitié, de sa gentillesse. Elle craignait d'être enceinte et d'avoir des problèmes, ou de lui en causer. Et le pire, c'est qu'elle n'osait pas aller avoir un médecin pour en être sûre. Elle essaya une dizaine de tests de grossesse, et tous présentèrent le même résultat : enceinte. Elle ne savait plus quoi faire, le garder ou avorter ? L'annoncer ou le cacher ?

Elle pensa même à se suicider. Mais au final, elle attendit tellement longtemps, qu'elle ne pouvait plus se débarrasser du bébé, et donc de moi. Et entre-temps, mon père était déjà retourné en France, après lui avoir laissé plus de 2.500.000fcfa, pour la "remercier". Les mois passèrent, et mon père revint ici à Dakar pour de nouvelles affaires, sauf qu'au lieu d'aller le voir, le ventre plein, elle préféra l'éviter. Elle prit congés, sans être payée et sans être sûre de pouvoir récupérer son travail après ça. Et bien plus tard, elle accoucha de moi...sans que mon père ne soit au courant. Et le comble est que dans la tradition suis un enfant conçu hors mariage avec toutes les insultes qui vont avec...Et aussi la famille de mon père des vrais sans cœurs.

M.Ndiaye : - "Cela veut dire que...tu ne l'as jamais vu, c'est ça ?

Bintou : - "Si. Si, je l'ai vu. Mais je ne souviens plus de son visage, et c'est ça le plus terrible. Connaitre son père sans le connaître véritablement...

M. Ndiaye : - "Bintou...

Bintou : - "Ma mère est tout de même revenue à l'hôtel, des mois après ma naissance, pour retravailler. On ne l'accepta pas, mais une des employés, très amie avec elle, lui donna les coordonnées de mon père. Ils prirent contact, et, d'après ce que j'ai lu, il a accepté d'en prendre la responsabilité. Il n'avait pas de femme, pas d'enfants, rien à perdre. Tout ce qu'elle lui demanda, c'était le pardon, d'avoir profité de son argent, d'être tombée amoureuse de lui, et de lui avoir caché la venue au monde de son propre enfant. Il la pardonna, et lui-même s'excusa de lui avoir fait subir de telles souffrances. Et pour montrer son honnêteté, il lui ouvrit un nouveau compte bancaire sur lequel il versait de l'argent chaque mois, je ne sais plus trop combien. Et...il revenait à Dakar tous les 3 mois environ. Je le voyait, ma mère racontait dans son journal qu'on sortait souvent en famille, et qu'il a été présent à mes 2, 3 et 4 ans. Tout ce passait bien pour eux. Excepté la distance, ils avaient le bonheur d'une famille et l'argent...et puis...tout bascula du jour au lendemain...tout leur bonheur...disparut...par..."

Je n'arrivais plus à formuler des phrases entières. Mon corps et mes lèvres tremblaient, ma voix ne résonnait plus.

M. Ndiaye : - "Arrête-toi là, ce n'est pas grave.

Bintou : - "Si, c'est grave ! Elle n'a pas pensé à moi, elle a préféré choisir l'argent et tout quitter pour fuir à Podor, retourner dans sa region natale, et ne plus donner de nouvelles à mon propre père, plutôt que de vivre cette vie avec lui ! Tout la dérangeait, tout ! Cela ne lui suffisait plus d'avoir un être cher à son cœur et de vivre en famille, même à distance ! Il faisait tout son possible pour elle, il venait de plus en plus, il investissait même dans une maison à sacré cœur pour elle, il comptait venir vivre avec nous pour être réunis pour toujours, mais elle n'a pas su profiter de ces occasions pour rester auprès de la personne qu'elle aimait ! Elle a tout lâché...pour un autre homme...plus riche...plus beau, d'après elle, et plus facile à atteindre...sans penser au fait qu'en grandissant, je me demanderais où étais mon père, pourquoi il m'avais abandonné, et que je culpabiliserais en pensant que je suis la cause de leur rupture et de sa disparition, alors qu'il n'a rien à voir dans cet élancement, ni moi-même.

M. Ndiaye : - "Calme-toi.

Bintou : - "J'ai toujours été jalouse de mes camarades de classe. Ils avaient un papa qui venait les chercher à la sortie de l'école et non pas un bus, ou une mère constamment en retard à cause de quelques réunions avec des riches investisseurs. Le week-end, ils sortaient en famille, se balader, manger un bout quelque part, au parc de Hann, contrairement à moi, qui restait seule chez moi, à attendre que le temps passe, pour aller à l'école, le seul endroit où je pouvais sortir et me promener. Ils faisaient des gâteaux ensemble, tandis que moi je cuisinais pour moi-même, ou que je réchauffais des plats préparés dégueulasses, à peine mangeables, et que ma mère se dandinait d'un restaurant à un autre pour soit disant des affaires. Et le soir, je regardais la télé seule, avant d'aller m'endormir dans mon lit, sans personne pour me souhaiter bonne nuit, me raconter d'histoire, ou me faire de baiser pour bien dormir !! Je n'ai jamais eu la vie que je voulais à cause des erreurs d'une mère égoïste ! Tout ce que je voulais...c'était...avoir..."

Monsieur Ndiaye me prend dans ses bras et m'enlace fortement.

M. Ndiaye : - "Lâche-toi, vas-y. Pleure autant que tu le peux.

Bintou : - "J'aimerais tellement qu'il soit encore là...mais il...il est partit...avant même que je puisse lui dire au revoir...ou que je l'aimais...

M. Ndiaye : - "Partit ? Comment ça ?

Bintou : - "Il est....mort..."

Monsieur Ndiaye me serra encore plus, avant de me murmurer "je suis désolé", tout près de l'oreille. Et, sans comprendre pourquoi, je me mets encore plus à sangloter et je l'entoure des bras à mon tour.
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ÉPERDUMENT | Tome 1.☆Terminée☆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant