Chapitre XXXVIII

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Léréna

Debout sur le bord d'une falaise, elle regardait ses dragons voler au dessus de la mer. Une brise glaciale venait fouetter légèrement son visage. L'herbe, à moitié ensevelie sous la neige, bougeait au grés du vent, ainsi que sa fourrure et ses longs cheveux à moitié détachés.

Elle les entendait pousser des cris amicaux au loin. Parfois, il frôlaient l'eau de leurs ailes et même plongeaient dans la mer pour attraper des dizaines de poissons à la fois qu'il lançaient dans les airs, les brûlaient et les mangeaient.

Les regarder ainsi l'apaisait. Elle pouvait se vider la tête et ne penser à rien sinon à ses dragons. Elle aimait n'entendre que les cris de ses bêtes et le vent s'écrasant contre les falaises.

Elle entendait des pas se rapprocher mais ne bougeait pas. Elle savait déjà qui arrivait grâce à ses pouvoirs. La personne, Aelis, s'arrêta à côté d'elle et regardait elle aussi au loin. Elle portait une robe d'un magnifique bleu nuit qui mettait en valeur son petit ventre rond. Elle avait sur les épaules une longue cape noire et une fourrure claire. Ses longs cheveux blonds, qui n'étaient attachés que sur le dessus, volaient à cause du vent.

-Je voulais te remercier pour ce que tu fais pour moi et mes enfants, dit-elle. Je ne te le dirais jamais assez mais merci, merci énormément.

-Tu aurais fait pareil pour moi, répondit Léréna.

-La Léréna d'il y a seize ans ne l'aurait pas fait, elle nous aurait tué à la seconde où nous aurions passé les portes de la salle du trône.

-Peut-être aurai-je dû le faire.

-Pourquoi ? Pourquoi tu ne l'as pas fait ? Tu avais maintes occasion de le faire, et tu l'as encore maintenant. Après tout ce que j'ai fait tu me laisse toujours la vie sauve.

-J'ai mieux à faire que de te tuer, j'ai un royaume à gouverner et deux autres à conquérir.

Aelis tourna la tête vers la reine et la regarda longuement.

-Tu as tellement changé depuis que je te connais. Je t'ai vu enfant, adolescente, j'étais là quand ta mère a été enterrée, quand tu as tué ton père, quand tu as du contrôler un dragon et des pouvoirs, quand tu es devenue reine et bien d'autres choses. Je t'ai vu souffrir en restant forte et je t'admire énormément pour ça. Calleb aussi d'ailleurs. Même s'il disait qu'il te détestait, il ne le pensait pas une seconde et je le savais. Même après tout ce que tu as fait, il avait toujours de l'affection pour toi et il t'admirait.

Elle s'arrêta une seconde et tourna la tête vers l'horizon. Elle regarda les dragons qui s'approchaient puis repartaient.

-Tu te souviens quand on s'amusait à imaginer notre futur mari et nos futurs enfants ? Où on habiterait qu'elle serait la taille de notre demeure, qu'elle seront les nobles que nous fréquenterions, où nous voyagerions.

-Tu as eu tout ça. Un mari, des enfants, une immense maison, des nobles avec qui prendre le thé et discuter, de nombreux bals et je ne sais quoi encore.

-Crois-moi, j'aurai préféré avoir une autre vie. Surtout après avoir perdu Calleb. Je me suis mariée à Ulrick simplement pour le bien de Hanz. Et en tant que reine, il était de mon devoir de donner des héritiers à mon roi. J'étais obligée de sourire à toutes ces réceptions, même quand je n'allais pas bien. Tu veux que je te dise, quand je donnais naissance, Ulrick pariait avec d'autres nobles sur le sexe de l'enfant et se saoulait jusqu'à ce que le bébé naisse. Et maintenant, il est devenu fou, complètement obnubilé par toi et par le fait de gagner cette guerre qu'il perdra à coup sûr. Il est même allé jusqu'à m'insulter et me frapper. Quand je suis partie, il m'a regardé comme si j'étais une prostituée qui n'avait pas voulu faire ce qu'il voulait. J'aurai préféré avoir cette vie aux côtés de Calleb.

-Tu as fais tout ça pour Hanz, pour son bonheur.

-Peut-être qu'il aurait été plus heureux si je m'étais mariée à un autre homme. Mais les Dieux sont cruels avec nous, ils aiment nous voir faire des erreurs, échouer, tomber. Il faut juste leur montrer qu'on peu se relever.

-Un jour, un homme m'a dit "la vie est une danse, tant que tu bouges, tu vis. Si tu tombes, tu te relèves et continues de danser. Mais si tu t'arrêtes, la mort te rattrape et t'emporte. Car tu auras beau courir, elle ira toujours plus vite que toi. Alors danse, danse jusqu'à ce que la mort t'attrape".

-Poétique et tellement vrai.

Le silence s'installa. Elles regardaient toutes les deux la même chose, songeant à des choses différentes. Aelis pensait à ce que venais de dire Léréna.

-Je voulais aussi te remercier d'avoir pris soin de Hanz, continua-t-elle. Il a tellement changé avec toi. Il ressemble tellement à Calleb.

-C'est mon neveu, et il était seul et effrayé, à courir dans la forêt. Je crois que les Morgoths l'ont traumatisé.

Aelis lâcha un léger rire.

-J'aurai du lui parler de toi. Il lisait tant de livres sur l'Histoire du monde. Il admirait le Roi au neufs dragons, même s'il le trouvait méchant, il disait qu'il le préférait aux personnages à l'eau de rose des histoires de sa gouvernante. Combien de fois il nous a demandé un dragon. Il avait des étoiles plein les yeux quand il en parlait.

-Il a beaucoup de choses à apprendre encore. Il veut devenir roi mais il n'en a pas l'étoffe.

-Peut-être plus qu'Ulrick.

Le silence s'installa de nouveau. Léréna, même si elle ne portait pas Aelis dans son cœur, aimait ces discussions. Elle savait qu'Aelis était compatissante et douce, et qu'il était difficile qu'une discussion avec elle finisse mal.

-Aelis, commença la reine. Nous allons bientôt partir pour Licana. Tu resteras ici avec tes enfants et je voudrais que tu me représente quand je ne serais pas là.

L'interressée tourna la tête et la regarda avec un peu d'incompréhension.

-Tu veux que je gouverne Tyria pendant ton absence ? Demanda-t-elle interloquée.

-Peut-être que tu ne le veuilles pas après tout, je demanderai à mes conseillers de Tyria de le faire...

-Non ! Enfin comme tu veux, mais je te promet que je ne te décevrait pas.

-Bien alors tâche de ne pas faire s'effondrer ce royaume sans moi.

-Je n'oserai pas.

Aelis se mit à rire alors que Léréna lâcha seulement un sourire en coin, avant de reprendre son air sérieux.

-J'emmène Hanz avec moi. Et il va peut-être y avoir une bataille. Il a une petite chance qu'il y reste, comme la plupart de mes hommes, même si je veillerai sur lui. Mais je ne pourrai pas constamment le regarder.

-Je ne t'en voudrais pas si jamais il... (Elle prend une grande inspiration) Ce ne sera pas de ta faute. La guerre est la guerre. Les gens se battent et certains meurent.

-La guerre peut être cruelle, mais pas autant que les dieux.

Les dragons passèrent au dessus d'elles, sous leur regard admiratif, en lançant quelques cris. Elles se tournèrent pour continuer de les regarder.

-Vice dokharo al meerar.
Nous devrons tous mourir

La Reine Noire - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant