Semaine 12

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19 mars, il ne peut pas y avoir de journée plus plate.

20 mars, Florian est arrivé ce matin à 3 heures. Il a crié sous ma fenêtre. Je n'arriverai jamais à aimer Florian.

— Cher frère par adoption, dis-je

— Cher frère adopté, répond-t-il.

Il est très grand, Florian. Dans son manteau noir, avec sa cravate verte pâle, il est assez impressionnant. Il me jette un petit paquet cadeau. Tu penses m'acheter comme ça ?

Jeanne le prend dans ses bras, et Arthur lui tape dans le dos. Peu importe l'heure, peu importe si Jeanne a les cheveux ébouriffés et Arthur une tête à faire peur. Ils sont tous les trois et plus rien ne compte. Je me glisse dans un coin, je mange un bol de céréales, je m'habille, fais un brin de toilette (j'ai horreur de me sentir sale) et embarque mon sac.

— Bonne journée, les Paillon. Je dors chez Jannick, ce soir.

Ils s'en foutent. Je file vers 7 heures et demi, et ils sont toujours en train de papoter.

Je croise Jannick à l'arrêt de bus, comme tous les matins. Il est dans la lune, les écouteurs vissés aux oreilles, un crayon collé dans la main. Je m'assois à côté de lui, avant que l'abri ne soit submergé par ces satanés collégiens et les autres lycéens.

Man of la Mancha ?

— Si, señor, dit-il en retirant un de ses intra-auriculaires. Ça va ?

— Bof, Florian est rentré en France, ça pourrait aller mieux.

— Dur quand on vit en fils unique quand ses parents s'occupent de quelqu'un d'autre.

— Puis-je te demander un service ?

Il hoche la tête. Tout ce que je veux, hm ?

— Puis-je dormir chez toi ? demandé-je d'une voix sucrée, ma voix pour persuader les gens.

— 'videmment, tu sais que mes parents t'adorent !

— Super, tu es vraiment un ami, souris-je en lui tapant dans les mains.

Il me sourit, en repoussant ses cheveux qui lui allaient dans le visage.

— Coupe-les, lui conseillé-je, ou du moins attache-les.

— Plutôt mourir, rit-il. Pas touche à mes tifs.

Le professeur de sport m'a fait sauter.

Je le hais.

Blandine m'en veut visiblement, et vu qu'elle n'aime pas Jannick plus que ça, elle a arrêté de lui nettoyer les dents avec la langue. Et Jannick s'en accommode bien, il n'aime pas beaucoup Blandine. Il la trouve « perfide ». Oui, j'étais fort étonné que Jannick connaisse le mot « perfide », et après réflexion je trouve qu'il va bien à Blandine. Bien qu'à une certaine époque pas si lointaine, je lui aurais collé « ingénue ».

Mes lunettes me protègent très bien des boulettes de pain.

Le père de Jannick nous a récupéré. Avant qu'il n'arrive, nous avons eu le temps de partager une cigarette. Il est professeur d'Allemand au collège Jean Moulin juste au dessus du lycée. Il a un accent assez marqué, et parle avec son fils en allemand. J'envoie un SMS à Arthur, puis à Jeanne, tout en me sentant très exclu.

D'ailleurs, Friedrich Wagner est la seule personne sur terre, excepté Anne Wagner née Soulier, à appeler Jannick [yanik].

— Ça fait un moment qu'on ne t'a pas vu, Mathis, lance Herr Wagner. Comment vont tes parents ?

Albert vivra 16 ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant