Semaine 28

53 7 8
                                        

9 juillet, Rita est de retour en France.

10 juillet, je suis allé au cinéma avec Rita, premier aperçu de la France en rentrant de Köln, ou Cologne pour nous pauvres franchouillards. Nous sommes allés voir un film avec Tom Hanks et Nicole Kidman, qui était assez correct.

— J'ai pas aimé plus que ça... Mais l'histoire était cool, dit Rita. Pop-corn ?

— Volontiers, réponds-je. J'ai trouvé suffisamment de défauts pour ne pas le placer en grand film, mais assez de qualités pour que ça ne soit pas un navet.

— Si tu le dis...

Nous longeons la place du Breuil, qui est assez animé par les préparatifs du 14 juillet. Deux avocats en robe sortent du tribunal pour griller un cigarette. Une femme avec une poussette et un bambin à ses côtés entre dans le parc municipal.

— Les paons doivent être sortis...
— On va les voir ?

Elle sourit. Elle sait que je ne sais pas dire non à une fille qui sourit.

— Si tel est ton désir, articulé-je en remettant en place mes lunettes.

Je cherche mon paquet de cigarettes, et mon briquet.

— Une ?

— Nan, ça ira, je touche pas aux Sweet Smokes.

— Parce que ça fait SS ?

— S'pèce de nazi, rit-elle. Ah, ils ont changé les fleurs. C'est moche.

— J'approuve, baillé-je en me laissant tomber misérablement sur un banc.

— T'es devenu vieux, Mathis.

— J'ai quinze ans, déjà un pied dans la tombe, respecte-moi gamine.

Elle s'assoit à côté de moi, ajuste sa jupe au dessus de ses genoux et met une mèche derrière son oreille.

— Arrête de t'inquiéter de ton apparence, tu es très jolie.

— Arrête de balancer ta clope sous mon nez, ça pue.

Je l'écrase.

— On ira acheter des crêpes, ça te va ? proposé-je.

— Ouais, pourquoi pas. Vu que t'as payé pour le ciné, je m'en occupe !

Je m'étire, en baillant plus fort.

— Tu dors bien, en ce moment, Mathis ?

— Ne t'inquiète pas pour moi.

Le soleil chauffe ma peau, et une brise rend ce début de canicule supportable. Les chèvres bêlent quand des enfants approchent. Je me lève, et vais m'appuyer contre la rambarde de l'étang des cygnes.

J'ai envie de sauter par dessus. C'est stupide... Je sais que j'ai pied.

Une petite fille passe à côté de moi, avec son grand-père.

— Regarde, papi ! Les canards !

Une vague de mélancolie me serre le cœur.

— Mathis, tu m'inquiètes, murmure Rita.

— Rita. Si je te disais que je vais...

Mes mots s'étranglent dans ma gorge. Des larmes me piquent les yeux.

— Mathis ?

Elle comprend que je ne veux pas en dire plus. Elle le respecte, elle ne va pas chercher à comprendre. Elle respecte. Quand elle me voit fondre en larmes, elle me prend dans ses bras, et ne dit rien.

Albert vivra 16 ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant