Semaine 46

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12 novembre, garde les pieds sur Terre, Mathis. Reste calme. Tout va bien. Tout est trop... Trop grand, trop important. J'ai les nerfs à vif depuis que je me suis réveillé. J'ai l'impression que tout le monde crie tout le temps en tout lieu. Le moindre geste me met sur mes gardes. Je ne sais pas... Je suis loin. Je suis très loin. Je ne comprends plus rien. Des mains me tirent vers l'arrière, me cachent les yeux.

Un baiser dans le cou.

- Salut, toi, souffle-t-elle.

Je me retourne, elle se penche légèrement pour m'embrasser.

- Je sèche, aujourd'hui, annonce-t-elle. J'monte à la Roche-Arnaud. Tu suis ?

- Évidemment, que je suis.

Mahia passe sa main dans ses cheveux, et attrape mon poignet. La foule de l'usine lycéenne grouillante se presse contre les portes vitrées, mais pas nous. Elle m'entraîne vers le stade au-dessus des bâtiments. Le vent, la pluie fine... Il fait froid, mais j'ai tellement chaud. Elle se retourne vers moi, s'appuyant l'épaule contre le grillage. Elle m'attrape par la capuche, m'embrasse, reprend la montée. Nous rejoignons la forêt derrière le site, une forêt de conifères trempée pleine de ronces. La grimpette vers la Roche-Arnaud, une infernale ascension dans les bois mouillés, commence. Quand quelqu'un monte au sommet du rocher, il ressent un immense sentiment d'accomplissement personnel... Je plaisante, tu ne ressens rien du tout, la seule réaction possible se résume en trois lettres : « c bo ». Parce que oui, là-haut, c'est beau. Et l'endroit idéal pour fumer un joint à la vue et au su de tous sans que personne ne puisse rien faire. Pour plus de discrétion, vous avez les bois ou les grottes, un peu plus bas.

Je ne suis monté qu'une fois. Début Seconde, pour voir. Puis je n'ai plus eu le temps.

- T'es lent, Mathis, mais t'es leeeeent !

- Mon corps de lâche est capable de faire des travaux de souplesse, mais pas trop d'endurance, rétorqué-je.

Elle m'embrasse encore.

- Parfois, c'est mieux quand tu la fermes, sourit-elle. Allez, on y est presque.

Elle me tire jusqu'au plateau rocailleux. Plus d'arbre, juste une cabane de bois pétée, du vide, du vide, partout aux alentours. C'est calme. On entend une faible rumeur, des oiseaux peut-être au loin. Mahia s'assoit au bord, je m'installe à ses côtés.

- Mathis, regarde.

On voit toute la ville d'ici. Elle sort de son sac du papier à rouler et de l'herbe, et me tend une feuille.

- Tu sais rouler un pet ou j'dois te le faire ? Demande-t-elle.

- Mais pour qui me prends-tu, chérie ?

Elle rit, en me filant de la beuh. Nous allumons nos joints respectifs. Une odeur âcre, suave, sucrée dans l'air. Le rire de Mahia. Le vent. Je l'embrasse dans un panache blanc.

13 novembre, j'ai soif. J'ai mal à la tête et surtout je ne me rappelle pas bien d'hier. Juste de m'être réveillé ce matin avec Mahia à côté de moi, par terre, au sommet de la Roche Arnaud.

Je regarde mon portable.

De Gabriel, et de la plupart de mes fellow camarades :

Maaaaathis, t'es où ?

De Jeanne :

Je ne sais pas où tu es ni avec qui tu es, la seule chose est sûre est que tu vas m'entendre

J'ai préféré appeler Jeanne.

- Allô, Mathis ?

- 'lut, Jeanne...

Albert vivra 16 ansOù les histoires vivent. Découvrez maintenant