31 juillet, j'ai fait faire le tour du propriétaire à Antoine. La maison, le village... Et évidemment mon quartier général, chez les Wagner.
— C'est ton petit frère ? s'exclame Rita.
— Nooooon, crois-tu ma chère ?
— Pourquoi ta copine a une voix de mec ?
Rita passe d'un air excité et joyeux à une attitude plus réservée et triste.
— Et pourquoi as-tu une voix de sale gosse insupportable ? dis-je immédiatement pour la défendre.
— ... Pardon madame.
— C'est mieux, soufflé-je. Pardon, Rita, il est un peu...
— Y'a pas de mal, sourit-elle, bien que le cur n'y soit pas.
1 août, comme d'habitude, et comme soit je suis chez Rita soit Rita vient chez Arthur et Jeanne, nous nous retrouvons dans ma chambre alors qu'il fait dehors un temps magnifique.
Je serais bien allé à la piscine, mais mon amie ci-présente refuse systématiquement. Donc nous jouons aux jeux-vidéos toute la journée, et c'est très bien comme ça.
Soudain, Rita m'embrasse.
— ... C'était quoi ? demandé-je avec surprise.
— Un test, répond-t-elle comme si c'est quelque chose de banal.
— Concluant ?
— Meh, pas touche aux meilleurs amis.
— C'est bête, les fantaisies de ma tante ne se réaliseront jamais.
Elle me sourit, finit sa canette de soda, puis me bat à Mario Kart sur mon circuit préféré.
— Brande bran, espèce de coureuse de rempart ! m'écrie-je.
— Je sais, je sais.
2 août, je sifflote un air heureux. Tout va bien.
Tout va bien.
Rita est revenue me voir. Nous sommes partis à vélo dans le village.
Elle est bien plus rapide que moi.
Nous ne sommes rentrés que très tard. C'était une belle journée.
« Et si je te disais que tu n'en croirais pas tes yeux, même en des milliers de lucioles ? »
Couchés dans le champ de son voisin, nous regardons les étoiles. Elle me sourit, je lui souris.
« Regarde, Mathis, là-bas, la Grande-Ourse !
— Et le Lion !
— La Chevelure de Bérénice !
— Céphée !
— Les Oiseaux de Paradis... »
Je tends la main vers le ciel. Elle m'imite. Et nous rions. Nous avons à nouveau 8 et 9 ans.
J'y repense, j'y repense... Nous nous sommes bien trouvés, n'est-ce pas ? Des larmes me brouillent la vue, mais ce n'est qu'un peu de nostalgie.
3 août, j'ai les nerfs en pelote dès le matin, car ma puce fait de plus en plus sa vie. Vous devez connaître la chanson, à force. Tétanie musculaire, et une crise tonico-clonique des plus horribles. Je peux l'assurer, j'ai lavé mes draps à la main après. Si j'avais pu, j'aurais assassiné Léon.
Donc j'ai ramené Rita à la maison. On a fumé, en intérieur car Arthur rodait dans les parages.
Mauvais plan ? Mauvais plan.
Arthur nous a trouvés – ou Antoine nous a dénoncé et Arthur est venu – nous a passé une gueulante et a renvoyé Rita chez elle.
— Pourquoi ?
— Parce que vous êtes mineurs tous les deux ! s'exclame Arthur, énervé. Mathis, enfin !
— Je ne passerai pas l'année.
— Mais ta copine, elle, si. T'as pas à faire ça !
Et il crie, il hurle. Ses mots pleuvent comme des coups. Même si je ne l'écoute pas, ça me transperce la peau. Mes yeux me piquent.
— De toute façon, si je meure maintenant, tu t'en ficherais. Je peux bien me suicider, tant que j'y suis, murmuré-je en regardant un couteau de cuisine à travers mes larmes.
— Mathis, je... Bordel, Mathis, pas touche à ce couteau !
Il me le prend des mains, et attrape mes épaules.
— Mathis. Écoutes-moi. Je fais ça parce que je t'aime. Tu comprends, abruti ? Je t'aime, je t'aime mon fils, je t'aime.
Je sanglote de plus belle. Je n'arrive pas à m'arrêter. Je ne sais même pas pourquoi je pleure. Je n'arrive pas à m'arrêter, alors que je me fais plus de mal que de bien. Arthur me prend dans ses bras, en me caressant les cheveux.
Ça va aller, c'est lui qui le dit.
Ça va aller.
Ça va aller.
4 août, est-ce que tu croirais en des milliers de lucioles ?
5 août, je suis allé chez Gabriel. Il a appelé tout le monde. Donc nous venons. Il vit en haut d'un immeuble, avec ses deux parents. Mais sa mère n'est pas souvent là. Monsieur son père est un homme amical, sympathique, avec des cheveux roux et des lunettes sur le nez qui lui donnent un air de bibliothécaire. En fait, il travaille à la Sécu.
Faya est là. Elle sourit, mais au fond de ses yeux on voit l'étendue de sa tristesse. Emmy semble ailleurs... comme toujours, j'aimerais dire.
Louna babille joyeusement. Léo rit. Rita aussi.
Je me sens... seul.
6 août, Jeanne et Arthur ont bouclé des valises.
— Qu'est-ce que vous faites ?
— ... Ben... On prépare les bagages pour demain, souffle Jeanne.
— Parce que nous partons demain.
— Merci de vivre ici, Mathis, ironise Arthur.
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Albert vivra 16 ans
Genç Kurgu. [TERMINÉE ; 1ER JET] Question : Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? Mathis Paillon a 15 ans. Il mourra à la fin de l'année, et le sait pertinemment, à cause d'une puce dans sa moelle épinière. Pour lui, c'est évident qu'il soit à mo...