La nuit était tombée depuis un moment alors que la situation venait de se calmer. La lune montait haut dans le ciel et recouvrait les environs de sa pâle lumière jaune. Tandis que Vanessa soutenait David pour quitter l'immeuble affaibli par les secousses, deux silhouettes se dessinèrent, perchées sur les branches d'un grand arbre situé à proximité. Ils avaient observé toute la scène. Un individu, vêtu d'une veste sombre à capuche, était adossé sur le tronc de l'arbre, les mains enfoncées dans les poches de son jean. L'autre, une femme dont la longue robe se balançait au gré du vent, se tenait sur la branche suivante, ses cheveux luisant d'une couleur de feu inquiétante.
Une aura de force émanait d'eux, comme s'ils étaient des bêtes mythiques tirées d'une quelconque légende ancienne. La femme tenait entre ses mains une ombrelle, chose complètement inutile par ce temps et à cette heure. Elle la faisait tournoyer au gré de sa fantaisie, comme une enfant innocente, en chantonnant une mélodie connue d'elle seule.
- Cela fait-il aussi partie du plan ? s'enquit son compagnon d'une voix monocorde en frottant son bras gauche.
Un rire de fond de gorge résonna dans la pénombre en guise de réponse. La femme fit tournoyer encore plus furieusement son ombrelle.
- Pourquoi se priver alors que nous sommes aux premières loges pour observer le début d'une nouvelle ère ? Oh, ne me fais pas ces yeux-là, tu sais pertinemment que nous ne devons pas intervenir avant qu'Il ne nous en ait donné l'ordre. Il faut attendre qu'ils se réveillent tous. Laissons-les se brûler un peu les ailes. Le temps de la révolution approche mais on peut encore s'amuser.
L'autre eut un rictus de désapprobation.
- Tu n'as pas changé...
Les fines lèvres de la femme se relevèrent en un sourire satisfait.
- Je ne peux pas en dire autant de toi. Tu es moins intrépide qu'avant. Est-ce la Distorsion qui t'a rendu aussi ennuyeux ? Ou alors c'est la solitude ? Je t'ai tant manqué ?
Elle sembla flotter dans les airs et se posa délicatement sur la branche où se trouvait son ami. Elle s'approcha de son camarade qui ne cilla pas. Celui-ci resta adossé contre le tronc de l'arbre, les mains toujours dans les poches, comme si cette scène lui était déjà familière. Son agacement était invisible mais bien présent.
Une main posée à plat sur son torse, la demoiselle se colla à lui, appuyant sa lourde poitrine sur lui, à tel point que dans la pénombre créée par les arbres, on pourrait croire qu'il n'y avait qu'une seule personne. Ses cheveux roux flottaient toujours au gré du vent mais dévoilaient ses yeux couleur profondeur des mers, son nez mutin et ses minuscules taches de rousseur.
Elle rapprocha son visage de l'individu. Ses cheveux noirs assez longs lui mangeaient la moitié du visage mais elle connaissait déjà les traits qui se cachaient derrière. Pour cela la nature avait été fidèle à elle-même. Elle l'avait gâté en le rendant encore plus beau qu'auparavant. Il était si grand qu'elle devait se tenir presque sur la pointe des pieds pour pouvoir l'atteindre. Son nouveau corps avait beau avoir des attributs plus qu'intéressants, il la gênait un peu.
- Je ressens ton mécontentement, mais tu n'oserais pas me laisser toute seule, n'est-ce pas ? Pas après tout le temps que nous avons passé ensemble ou plutôt... celui que nous n'avons pas passé ensemble ? susurra-t-elle contre ses lèvres. N'oublie pas que tu es à moi, et que tu l'as toujours été.
Alors que seuls quelques centimètres les séparaient, la rouquine fut brusquement plaquée contre le tronc de l'arbre. Son ombrelle qu'elle avait lâchée sous le coup, s'envola et flotta dans les airs, comme transportant un voyageur invisible. Il la tenait. Ses deux petites mains étaient prisonnières d'une seule des siennes, beaucoup plus larges, beaucoup plus fortes, et étaient maintenues au-dessus de sa tête. Elle avait perdu son air enjôleur et son sourire de séductrice.
Les rôles étaient inversés maintenant. Il eut un sourire mauvais, presque cruel et à son tour, rapprocha son visage du sien, tout près, très près, trop près. Il glissa vers son oreille et chuchota d'une voix mielleuse teintée d'un soupçon de venin :
- A quel moment n'as-tu jamais été seule ?
Malgré l'obscurité, il vit nettement les couleurs disparaître de son visage. Il l'observa prendre peur. Sans que ses émotions transparaissent sur son visage, il aimait ça.
- Je suis le même qu'avant la Distorsion...
- Était-ce là l'occasion que tu désirais ?
Le coin de ses lèvres faillit se retrousser.
- Rappelle-toi ce que vous m'avez fait subir... lui dit-il en caressant son visage de l'index.
La fille fit une grimace qui déforma ses traits réguliers et lui donnait un air bien plus menaçant. Ses mains toujours prisonnières, elle ne pouvait pas faire appel à sa force physique. Alors elle fit mentalement appel à la nature. Une bourrasque de vent se souleva et le frappa de plein fouet.
- Très bien ! s'écria-t-elle en se libérant. Puisque c'est comme ça, pars ! Il y en aura bientôt des milliers comme toi. Mais ne te mêle plus de mes affaires. Je t'interdis d'intervenir !
La puissance qu'elle avait invoquée n'était pas élevée, mais suffisante pour lui faire perdre l'équilibre. Peu importe, il ne lutta pas et se laissa tomber de l'arbre sans aucune résistance. Son ombre transperça la nuit et presque dans un murmure, il lui répondit :
- Je n'ai plus d'ordre à recevoir de toi.
Et il ponctua sa phrase d'un doigt d'honneur.
Il ne se soucia pas du sol qui se rapprochait vite, trop vite. Alors qu'il aurait dû s'aplatir sur l'asphalte comme une crêpe, son corps traversa la surface du sol et il disparut, sans un bruit, sans laisser de trace.
La nuit avait retrouvé sa tranquillité, à l'exception d'un coin où une jeune femme fulminait. Des ondes malveillantes semblaient s'échapper de tous les pores de sa peau. Les poings de la fille étaient serrés à lui en faire blanchir les jointures, et elle se mordait la lèvre inférieure jusqu'au sang de frustration. Elle reprit très vite contenance, mais son visage n'avait plus rien d'affable.
- Comment oses-tu ? gronda-t-elle à son interlocuteur disparu. Je t'interdis de... Non, je dois garder mon calme. Il ne mérite pas cette attention que je lui porte, ou portais. Mais qu'importe de toute manière. Bientôt, il y en aura des milliers comme lui. Et il me suppliera de le laisser revenir à mes côtés.
Avec un nouveau regard vers l'endroit où il avait disparu, la jeune femme esquissa un sourire mauvais.
- Fais donc ce qu'il te plaira, mais fais attention à ne plus croiser ma route, l'hérétique...
La seconde d'après, elle avait disparu, laissant derrière elle le silence, et son ombrelle échouée au milieu de la rue, seule signe de sa présence en ces lieux.
A Suivre...
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Hello tout le monde. Merci d'être arrivés jusqu'ici. Qui pensez-vous être ces deux personnes ? Inutile de vous dire que vous le saurez plus tard. 😋
N'hésitez pas à commenter pour me dire ce que vous en avez pensé.
Bye bye.
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Distorsion T.1 [Derniers Chapitres Dépubliés]
ParanormalL'Université, ce grand moment de la vie où l'enfant sort enfin du cocon familial pour se frayer son propre chemin dans la société, ça, Vanessa l'avait désiré. Mais quitter son Cameroun natal pour la Belgique où elle ne connaissait personne, c'était...