L'Annonce (4)

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Charline

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Charline.

C'est une journée sans couleurs qui touche à sa fin. Je n'ai rien fait durant ces douze dernières heures, excepté regarder de vieux programmes télé en m'empiffrant de bonbons acidulés. Le magnifique paysage qui s'offre à moi à travers la fenêtre me donne une horrible envie de balancer ma télécommande et de rejoindre ce monde qui m'attend. Bordel, je hais cette vie. Je suis hantée par d'incessants cauchemars et de flashbacks. Il faut que cela s'arrête, il le faut. Je vais finir par devenir folle, possédée par un passé incontrôlable et dangereux.

J'ai déjà vu ce film-là. C'est le moment où la jolie fille va avouer à l'amour de sa vie que, même si cela lui coûte sa famille et sa maison, elle accepte de le suivre à l'autre bout du continent pour vivre avec lui une belle et heureuse vie sans embûches. Comment peut-on être suffisamment naïf pour croire rien qu'une seconde que cette scène pourrait être vraie ? Que, oui, fondamentalement, rien ne nous ne retient, rien n'est impossible ? Si tu veux marcher, tu peux. Si tu veux te tirer d'ici, tu peux. C'est une question de volonté, paraît-il. Volonté mon cul. On a tous des limites, des choses que l'on ne peut pas faire, quoi que l'on fasse pour y arriver. La volonté a peut-être une part de responsabilité mais si les rêves étaient si faciles à atteindre, ils perdraient tout leur sens.

C'est seulement lorsque la publicité vient interrompre le film que je réalise que mes ongles sont plantés dans la paume de ma main. Des marques rouges profondément ancrées dans ma peau telles des tâches impossibles à retirer d'un vêtement me rappelle encore et toujours que c'est là. Que la douleur ne part pas, qu'elle est tenace et qu'elle ne me laissera jamais tranquille.

Je soupire longuement et tente de me détendre. Je me force à relâcher mon poing et à poser à plat ma main sur mon lit mais rien n'y fait. J'ai besoin de briser quelque chose, de sentir quelque chose. J'ai l'impression que plus rien ne fonctionne en moi. Mes sens, mes émotions, mes facultés motrices. Tout est sens dessus-dessous. Ma vie entière est un énorme bordel et mes repères sont inexistants, floutés par cet épais brouillard qui m'entoure depuis l'accident. Tout est déformé, plus rien n'est comme avant. Ma définition-même de « vivre » n'a plus de valeur.

Comme souvent durant ces journées sombres et étouffantes, mes pensées noires prennent le dessus et je perds pied. Elles occupent complètement mon esprit, m'empêchant de me concentrer sur autre chose. Je ne pense qu'à elles et elles ne concernent que moi. Elles sont devenues mon quotidien, ma bête noire, mon cauchemar, mon monstre du placard quand j'étais gamine. Elles vivent en moi et je les ai créées de toute pièce. Elles me rappellent ce que je suis devenue, ce que j'ai perdu, ce que je n'aurai jamais. Elles m'empêchent de me reconstruire, d'aller de l'avant, de voir plus loin que le lendemain.

Je saigne. Au sens figuré comme au sens propre. Mon âme saigne comme la paume de ma main dont j'ai finalement arraché un morceau de peau avec mes ongles. Comment en suis-je arrivée là ?

Destination : Vie ParfaiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant