E N P A U S E
Un bus. Une carte. Un pays. Six adolescents. Six histoires. Six secrets.
"Mesdemoiselles, messieurs, merci d'attacher vos ceintures. Les turbulences de la vie risqueront de secouer le navire durant quelques années mais, pas de paniqu...
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Charline.
Lorsque j'ai vraiment réalisé ce que signifiait « partir en bus avec cinq autres adolescents », j'ai cru que je ne pouvais pas ressentir plus de panique que je n'en éprouvais à cet instant. J'avais fait une énorme erreur à accepter ce voyage, moi qui pensais m'adapter, voire apprécier. Qu'est-ce que je peux être naïve, parfois ! Bien sûr que je ne vais pas m'adapter. Je suis différente, encombrante, handicapante. Non, je ne vais pas m'amuser, parce que qui voudrait être ami avec quelqu'un comme moi ? Qui voudrait devoir supporter de vivre avec un fardeau comme moi ? Personne, c'est évident. J'en avais les larmes aux yeux rien que de penser à ces deux mois d'horreur.
Ce que je ne savais pas, c'est que la peur pouvait être bien plus forte encore que durant la veille de mon départ. Au moment de quitter ma maison et de monter en voiture, une boule m'empêchait de respirer correctement et mon estomac vide se tordait. Heureusement que je n'avais pas déjeuner, ce-dernier se serait sûrement retrouvé dans un sac plastique.
Pendant le trajet jusqu'au point de rendez-vous, un silence de mort régnait dans le véhicule. Ma mère fixait la route comme si elle avait peur de se tromper de direction et ainsi perdre son dernier moyen de se débarrasser de moi ; je fixais la route dans le seul espoir que quelque chose survienne pour me permettre de fuir, loin de ce voyage qui m'attend. Comme si j'allais partir bien loin, handicapée comme je suis.
A la vue de la fontaine, près du parvis de la cathédrale surplombant vaniteusement les petites demeures qui l'entouraient, l'angoisse m'a pris à la gorge et je ne pouvais plus, à nouveau, avoir une respiration normale. J'essayais, par de grands gestes ridicules et un regard terrorisé, de faire comprendre à ma mère que je ne voulais pas sortir de cette voiture, je ne devais pas.
- Charline, ne commence pas à faire d'histoires. Rappelle-toi que tu as accepté de partir de ton plein gré.
Maintenant, c'est de ma faute, et seulement de ma faute, si je suis là, à devoir quitter mon confort et vivre l'enfer. Elle ne manque pas de culot !
Elle ouvre la grande portière et déplie la petite plateforme me permettant de descendre. L'air frais et le grand soleil réchauffant ma peau claire de ses rayons ne font qu'accentuer mon mal-être. Je suis bien ici, moi ! Je veux rester dans ma chambre, comme je le fais depuis l'accident, à regarder par la fenêtre et à espérer que tout redevienne normal. Cela fait si longtemps que j'attends de pouvoir sortir, et, maintenant, que je suis dehors, l'idée de m'enfuir est omniprésente. Quelle ironie, hein ?
Tandis que ma mère s'empare de ma grosse valise, je regarde aux alentours et ne remarque aucun car. Peut-être ne vient-il pas, finalement ? Peut-être ont-ils appris que j'étais handicapée et qu'ils ne voulaient plus de moi ? Quel soulagement ! Le visage déformé par la déception de ma mère sera ma plus belle récompense. Tu pensais vraiment pouvoir te débarrasser de ton boulet de fille aussi facilement ?