Battement d'elle

Katy

Il ne pouvait pas y croire. Il ne voulait pas y croire. Il écoutait patiemment l'homme assis en face de lui. Il n'avait pas besoin de traducteur et cela lui évitait les intermédiaires. Il posait ses propres questions, mais l'agent, assis de l'autre côté du bureau en bois, n'avait pas l'air de comprendre ce qu'il voulait. L'homme s'acharnait à lui répéter que la voiture avait percuté le poteau avant de dévaler plusieurs mètres en contre bas.

Romain passa sa main sur son visage comme pour se réveiller de ce mauvais rêve.

_ O Corpo ? Demanda-t-il en regardant l'agent dans les yeux.

L'agent le regarda à son tour, puis regarda la vieille dame assise à ses côtés et secoua la tête. Romain se leva et alla à la fenêtre.

_ Elle est quelque part, dit-il en français.

_ Romain ? S'exclama Teresa en se tournant.

_ Je sais qu'elle est quelque part, Teresa. Son corps n'est pas dans la voiture.

_ Romain, c'est impossible. Tu as vu l'état de la voiture. Tu l'as vu tout comme moi, je l'ai vu, répondit la vielle dame. Comment...

_ Justement oui, le côté conducteur n'est quasiment pas brûlé et sa porte a été éjectée, rappela-t-il en se tournant vers elle pour la regarder.

Tous les deux avaient vu la voiture quelques minutes plus tôt. Le véhicule avait été ramené par une dépanneuse, des montagnes portugaises dans la cours du commissariat. En arrivant en ville, un policier s'était contenté de leur fournir les coordonnées GPS du lieu de l'accident. Sur place, Romain avait repensé aux mots de Katy le soir des élections américaines en regardant la roche abrupte environnante.

_ Tenez, dit l'agent en sortant un portable d'une enveloppe en kraft. Il reste encore de la batterie. On va vous rendre les valises qu'on a pu récupérer dans le coffre.

Romain revient sur ses pas et fit face à l'agent, les mains en appui sur le bureau.

_ Est-ce que vous allez faire des recherches, demanda-t-il en portugais.

_ Viens Romain, dit Teresa qui s'était levé. Elle posa sa main sur son épaule et récupéra le portable sur le bureau en bois. Viens, il vaut mieux y aller.

Il brancha le téléphone sur sa propre recharge qu'il avait laissé dans son salon, il y a deux jours. L'écran s'alluma. Il prit son propre téléphone et composa son numéro. « Mr Boombastic » la musique qu'elle avait choisie pour sa sonnerie le fit sourire. Sa voix se fit entendre dans le répondeur. Sa voix douce et chantante. Il repensa à ses lèvres, à son sourire qu'elle avait. Cette façon qu'elle avait de se mordre la lèvre. Le bip se fit entendre et il raccrocha quand il entendit frapper à la porte.

Il suivit Teresa dans une rue, non loin de son appartement et retient la porte en bois d'un petit immeuble. Elle avait à peine parlé depuis qu'elle était venue frapper à sa porte. Il réalisa à ce moment-là, qu'elle connaissait son adresse et se demanda qui lui avait donné.

_ Teresa ? Demanda-t-il en voyant la vieille dame sortir une clé de la poche de son manteau après être rentré dans l'ascenseur.

_ Je sais que Katy n'avait rien dit.

Romain se souvient qu'il avait vu Katy sortir de ce même immeuble, quelques jours avant Noël. Il lui avait demandé, le soir même, ce qu'elle faisait dans son quartier. Ses explications ne l'avaient pas convaincu. Surtout, parce qu'il l'avait vu prendre un homme dans ses bras devant la porte de ce même immeuble.

_ Romain, elle voulait emménager avec toi. Elle ne se voyait plus vivre chez Tamara. Elle voulait un endroit sans souvenir, sans les souvenirs de sa mère. Un endroit où elle pourrait s'en créer de nouveau, mais avec toi. Après les vacances, on se baladait et elle a vu la pancarte de la vente de cet appartement. Elle a eu un vrai coup de cœur en rentrant à l'intérieur. A Noël, elle a commencé les travaux. Elle a tout pensé, tout géré, tour refait à l'intérieur. Jusqu'à il y a quelques jours, ou elle a finit par tout décorer. Elle était stressée parce que tu demandais où elle passait son temps à l'approche de Noël et qu'elle voulait te faire une surprise. C'était sa surprise quand vous alliez vous revoir. Elle t'aimait vraiment, Romain.