3- Le refus

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Un bruit strident me sort de ma léthargie et me vrille les tympans. J'ai mal aux bras, je peux à peine bouger, je me sens si lourde que j'ai l'impression d'être collée au lit. J'ai la gorge sèche et je constate que ce bruit exaspérant n'est autre que le bip du moniteur qui surveille mes constantes. J'ai mal au ventre, mes avant-bras me tiraillent. J'ai mal, je me sens tellement fatiguée.

La porte s'entrouvre et une infirmière et le médecin rentrent dans la chambre, ils vérifient ensemble mes constantes et discutent de mon état actuel comme si j'étais invisible. Puis, vient l'arrivée de mes parents. J'ai la sensation qu'ils n'ont pas dormi depuis des jours. Des cernes creusent leurs visages, leurs cheveux sont coiffés négligemment, ils se sont habillés avec des vêtements non repassés. Ils ont pris facilement dix ans dans la tronche d'un coup. Depuis combien de temps suis-je ici ?

- Ma chérie, pourquoi tu as fait ça ? Pourquoi ? Demande ma mère en accourant vers mon lit, les larmes coulant sur ses joues.

-Ava tu aurais dû nous parler ! dit mon père sur un ton froid les bras croisés sur son torse, qui était en retrait jusqu'à maintenant.

Ma mère me prend dans ses bras comme si sa vie en dépendait. Elle sanglote dans mes cheveux, elle pleure si fort que je sens ses larmes couler sur mon cou. Elle me serre trop fort, vraiment trop fort. Je peux ressentir tout son désespoir, sa tristesse, son incompréhension envers mon geste. Ils n'auraient pas dû me sauver, justement pour ne pas avoir ce genre de reproche, pour ne pas voir la pitié dans les yeux de ma mère. Pour ne pas voir l'incompréhension de ce geste par mes proches, par les médecins aussi. On ne devait pas me sauver. Je ne le voulais pas être sauvée. Je souhaitais vraiment mourir et de ne plus faire partie de ce monde. Le cauchemar serait enfin terminé.

Comment ont-ils réussi à me garder en vie ? Le couteau, l'heure trop matinale pour que je sois dérangée. Mais merde ! Je devais mourir ! Je ne veux pas être ici. Je ne veux pas m'en sortir. Pourquoi ? Pourquoi ont-ils fait ça ?

Je les déteste tous.

Au lieu de compatir envers ma mère et de lui donner des explications, je la repousse et tourne la tête. Je regarde dans le vide. Le néant. Je prends une grande inspiration.

- Laissez-moi mourir ! Hurlais-je.

Trois mots, une phrase, la seule qui sort de ma bouche avant de tourner le dos à ma famille et de fermer les yeux. J'entends ma mère fondre en larme, me supplier de me battre, de parler, de lui expliquer mon geste. S'en est trop pour le moment, je n'ai qu'une envie, être seule.

J'entends le médecin leur parler, leur dire que ma réaction après une tentative de suicide ratée est presque normal. Pour une fois que je suis dans la normalité. Quelle ironie.

J'entends la porte se refermer ce qui m'indique que je suis enfin seule. Je ne devrais pas être en vie.

Je contemple la chambre où je suis allongée. Elle est blanche, tout est blanc, les draps, les machines auxquels je suis reliée. Je ne sais même pas à quoi elles me servent. Il y a un fauteuil, une armoire et une porte jaunâtre qui doit donner sur la salle de bain.

Je baisse la tête sur mes bras. Ils sont entourés de pansement, un petit tube est enfoncé sur le dos de la main, il me gêne. Je ne veux pas être aidée.

Dans un excès de rage, j'enlève le cathéter qui me fait vraiment mal, le sang jaillit sur ma peau blanchâtre. Les draps prennent une couleur rougeâtre. Je ne m'attarde pas puis je retire mes bandages aux bras. La peau n'est pas encore cicatrisée. Ma peau, elle est encore rouge et gonflée au niveau de la blessure, il y a beaucoup des points de sutures. Je veux les enlever je veux voir le sang couler, je veux partir d'ici. Je veux mourir.

Je prends la petite trousse de couture que j'avais cachée sous mes draps. J'ai réussi à me la procurer grâce à ma mère. Quand ils sont venu me rendre visite plutôt dans la journée, ma mère avait posée sont sac à proximité de mon lit sur la table de nuit, puis le médecin à voulut parler à mes parents seul à seul, ils ont suivi le professionnel. Ma mère avait oubliée son sac j'en avais donc profité pour fouiller à l'intérieure de celui-ci, j'avais tout d'abord trouvé une trousse plein de crayon, puis je suis tombée sur une petite pochette noire, qui contenait tout un nécessaire de couture, du fils de différente couleurs, des aiguilles ainsi qu'une paire de petits ciseaux.

Je m'empare de la paire de ciseaux, ils sont si fins et si petits. Ni une ni deux, je commence à placer les ciseaux à l'endroit où je veux couper les fils de suture. J'essaye une première fois mais les fils sont bien épais pour les couper en une seul fois alors je recommence encore et encore puis je m'énerve car les sutures tiennent. « Mais putain laissez-moi crever ! Tout le monde dit que je dois mourir alors pour le bien de tous laissez-moi mourir. Mais putain ! »

Je force encore et encore et enfin le file lâche. Je recommence sur une autre. J'ai mal. Mon bras me brûle. Mais je m'efforce à vouloir les enlever.

Je crie de douleur quand j'arrive à couper d'autres points de suture. Je vois le sang apparaître. La plaie se ré-ouvre, ma peau est rouge elle me fait mal. Mais la douleur et supportable comparer à ce que je ressens dans mon cœur. J'y arrive enfin. Je vais enfin réussir à mourir. Je me sens comme apaiser de voir le sang couler de mon bras. Je vais pouvoir enfin finir ce que j'avais commencé et rejoindre le paradis ou l'enfer.

La porte de ma chambre s'ouvre violemment et je vois plusieurs personnes en blouse blanche se ruent vers moi, mais je continue à m'acharner sur les points restant. Les agents hospitaliers me prennent la paire de ciseaux et ils essayent de me rallonger mais je me débats, mes cheveux volent dans tout les sens. Je hurle à plein poumons. Je veux qu'ils me lâchent, je veux partir loin d'ici ! Je continue de m'agiter sur le lit pendant que les agents tentent de me tenir et de m'attacher au lit mais je résiste encore et encore.

- Non ! Je veux mourir ! braillais-je

- Madame, calmez-vous ! Intervient-il

- Non ! Laissez-moi ! Je dois mourir ! Vous ne comprenez pas ? Abrutis ! Vous êtes tous débiles ! dis-je au personnel énervée. 

Je sens qu'un des médecins me piquent le bras et me rallonge sur le lit avant que mes yeux ne se ferment malgré moi.

***

Une semaine, une semaine est passée depuis ma tentative de suicide. Une semaine que je ne parle pas, que je ne mange pas, que je ne bois pas. Rien du tout. Une semaine que mes parents passent tous les jours, qu'ils essayent de me résonner, une semaine que je n'ai pas vue ma sœur.

Une semaine que je suis majeur.

Le combat de ma vie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant