L'aube d'une nouvelle ère

Chapitre 1 : Le premier soir

— Nous devrions approcher de ce qui reste de Ranuvai avant la nuit, déclara l'humain au crâne chauve et à la peau tendue par les muscles, qui ouvrait la marche pour son groupe.

— Hugoi, qu'est-ce qui nous attend exactement ? Demanda le grand elfe blond, dont la longue cape rouge virevoltait au vent.

— La même chose que lors de la retraite de votre armée, Aren, répondit l'homme avec une pointe d'agacement dans la voix. Le village est détruit, rien n'y a bougé depuis des semaines.

— Eh Eh ! Coupa un autre humain à la crinière rousse, et portant une courte barbe. On ne se dispute pas, on collabore. On oublie tranquillement le passé, on n'y pense plus. Ensemble, regardons vers l'avenir !

Emil prononça sa dernière phrase en pointant un doigt vers l'horizon, visiblement très fier de rabattre le caquet du chevalier magique de Vernor et du mage de Dafaorn. Cependant, il entendit le profond soupir de la fillette elfe blasée qui marchait à ses côtés.

— Tu n'es pas d'accord Lily ? Demanda Emil en repositionnant son fusil correctement sur son épaule.

— Non, j'étais d'avis de vous tuer tous les deux, lâcha l'enfant vêtue entièrement de noir, en montrant les deux dagues pendues à ses hanches.

— Lily, appela la voix autoritaire d'Aren qui n'avait pas manqué la remarque de sa compatriote. Je sais que cet humain vient de Lonesam, et que son pays est le fléau de notre peuple. Toutefois, tu n'as pas oublié ce que nous avons affronté cet après-midi ? Dois-je te ramener devant le charnier où commencent à pourrir les corps de nos armées respectives ? Peut-être trouveras-tu un orc qui a survécu cette fois ?

Le silence s'installa dans le groupe de quatre. Chacun repensait au carnage dont ils furent témoins, et dont ils ne réchappèrent que par courage, couardise, ingéniosité et chance selon le cas. La guerre faisait rage depuis toujours sur les terres de Meiralys entre les grandes nations. Les humains de Vernor à l'ouest, ceux de Loneam au nord, les elfes de Dafaorn à l'est, et les orcs de Vucior au sud. Lorsque les orcs et les elfes s'allièrent au cours du conflit, les humains firent de même, plongeant le continent dans le chaos.

La ligne de front se trouvait aujourd'hui à Vernon, non loin de la frontière avec Dafaorn et Lonesam. Cette région se trouvait prise entre des montagnes au sud-ouest, et un immense lac au nord. Les armées se poussaient l'une contre l'autre sans céder, et rasaient les malheureux villages sur leurs routes. Depuis leurs capitales, les oracles de chaque nation galvanisaient leurs troupes pour ne pas perdre de terrain, car la guerre allait se jouer à l'issu de ces batailles. Les chevaliers magiques de Vernor, les ingénieurs mercenaires de Lonesam, les mages et assassins de Dafaorn, les guerriers et chamans de Vucior ; tous s'entretuaient sans relâche pour la victoire finale. Le groupe prenait part à un tel affrontement dans la matinée, et ils furent les témoins du tournant de la guerre.

Alors que chaque armée tenait péniblement ses positions, ils apparurent. Des créatures humanoïdes à la peau rouge sanguine, grandes et épaisses comme trois orcs. Une gueule bestiale surmontée de cornes, et tous armés avec des haches gigantesques, même pour leurs tailles. Ils n'étaient qu'une dizaine, et pourtant, ils tuèrent le millier de soldats présents à eux seuls, dans la confusion générale.

Hugoi n'avait pas reculé. Lorsque ses camarades, ses amis, tombèrent un à un à ses côtés, le chevalier magique était entré dans une rage folle, et avait défié l'un des monstres. Ses armes, ses poings, s'étaient abattues sans relâche sur le corps de son ennemi, jusqu'à ce que sa hache l'atteigne. Mourant, il fut sauvé par Aren à l'issu de la boucherie. Le mage elfe avait usé de sa magie pour refermer ses nombreuses blessures, l'épargnant ainsi d'une mort douloureuse.