Chapitre 28 : Les délices du désert

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— "Quand est-ce qu'on arrive ?"
— "Bientôt."
— Quand est-ce qu'on arrive ?"
— "Bientôt je t'ai dit."
— "Quand est-ce qu'on arrive ?!"
— "Rah, la ferme."

L'échange inutile entre le crâne orc, pendu à la hanche d'Emil, et le mage, soupirant sans cesse, constituait la seule animation du carrosse transportant le groupe jusqu'à Memausus. Escortés par la guilde de Course-désert, une demi-douzaine de ses membres chevauchait aux côtés du véhicule afin d'en garantir la sécurité.
Les coursiers les réveillaient à l'aube, préparaient leurs repas, s'assuraient qu'ils aient assez d'eau, et s'occupaient même de la pose de leur tente pour passer les nuits. Les aventuriers pouvaient dormir sans se préoccuper du moindre tour de garde, les mercenaires professionnels s'en chargeaient pour eux.
Les aventuriers avaient été contraints de débourser pas moins de six pièces d'or pour les services de leur escorte, une véritable petite fortune. En y ajoutant leurs achats effectués avant de quitter le Fort Carsioli pour réapprovisionner leur matériel, toute l'avance fournie par Yassindo avait été dilapidé. Le groupe en avait profité pour faire leurs comptes.
Aren était le plus pauvre d'entre eux. Il ne possédait que deux pièces d'or, et surtout aucune monnaie. L'elfe refusait de transporter de nombreuses bourses comme le faisait Emil, qui tintaient de bruits de métal à chaque pas. L'ingénieur possédait que trois pièces d'or, mais en ajoutant l'argent et le cuivre, il doublait pratiquement le total. Hugoi, qui dépensait assez peu, possédait quatre pièces d'or, et assez de monnaie pour commercer sans être gêné. Contrairement au mage elfe, le chevalier magique avait bien l'habitude de la vie dans une société basée sur l'argent. C'était également le cas de Lily. La jeune elfe possédait quinze pièces d'or, et gardait les anciennes devises elfique précieusement sur elle. Lorsqu'Emil pointa que les gains du groupe devaient être également partagés, elle menaça immédiatement l'homme de sa dague.

Malgré la présence d'une importante somme d'argent dans le carrosse, l'escorte mandaté par la guilde de Course-désert n'essayait pas de profiter de leurs clients. Ils n'étaient même pas aimables avec eux, et leur parlait à peine. En cause, Okar. Le crâne orc effrayait les membres de Course-désert, qui n'avaient jamais eu affaire à une entité de cette nature. Des os capable de bouger sans aucun muscle, sans aucun organe, sans aucune vie, et qui proféraient des propos le plus souvent menaçants d'une voix n'ayant besoin d'aucun poumon pour subsister.
Un crâne maléfique, un magicien et une assassin elfes. Que de bonnes raisons de rester à une distance raisonnable de leurs clients. Les aventuriers avaient déjà aperçu les membres de la guilde tirer au sort un matin celui qui devrait conduire leur véhicule pour la journée. Ils gardaient leurs interactions au plus strict minimum, dans les limites des termes de leur contrat.

— "C'est pas comme ça que j'imaginais le voyage !" Râla à nouveau Okar. "Deux semaines dans une boite, puis une semaine dans une boite avec des roues. Je rêvais d'aventures ! De grands espaces ! Où est l'honneur quand on se fait conduire ?"
— "On avait pas le choix, c'était ça ou la taule."
— "C'est mieux là peut-être ? On voit à peine dehors !"
— "Le carrosse est préféré à la calèche pour les escortes," apaisa Hugoi. "Elle diminue drastiquement les risques qu'un archer puisse nous toucher. Encore qu'ici, ce sont de fusils dont il faudrait se méfier..."
— "Je rêvais de véritables défis !"
— "Ca se voit que tu prends pas les coups." Rappela Emil.
— "J'ai prouvé être un excellent appât."
— "Je compte bien m'en souvenir."
— "Sinon, quand est-ce qu'on arrive ?"
— "Lily, ne t'y mets pas non plus !"

Les chamailleries incessantes du groupe emplissaient le carrosse de leur brouhaha. Les voix se superposaient, suivies par les cris. Les cavaliers de Course-désert se jetèrent un regard entendu, et pressèrent leurs montures. Depuis la veille, ils avaient bifurqué vers le nord, suivant les reliefs des imposants monts Martippe. Les mercenaires estimaient qu'à leur allure, ils atteindraient Memausus dans l'heure. Pourtant, celle-ci fut la plus longue de leur vie. Quand la seconde plus grande cité de Lonsam apparût entre les monts, ils poussèrent tous un soupir de soulagement.
Memausus se caractérisait par ses défenses. La ville n'avait rien à envier au Fort Carsioli. Des murailles de dix mètres de haut, qui s'étendaient à partes de vue pour couvrir l'immense cité. Elle ne possédait que deux entrées, une donnant sur les plaines désertiques, et l'entrée du tunnel passant sous les Martippe. Dans les deux cas, pénétrer la muraille n'était pas une chose aisée, en témoignait la très longue file de convois marchands et de voyageurs amassés à ses portes.
Les citoyens n'étaient pas épargnés. Un membre de la guilde du Port massiglien sortant de la cité le matin pour travailler aux mines, se voyait fouillé jusqu'à ses braies au retour. Cependant, quelques exceptions échappaient à cette règle, et le convoi de Course-désert en faisait partie.
Les privilégiés n'étaient pas soumis à ces désagréments. Les personnalités d'importances, celle avec les bourses bien fournies, étaient libre d'aller et venir à leur gré. Ce n'est pas d'eux dont se méfiait les responsables des différentes guildes de la ville. Les riches n'amorceraient pas de révoltes, et ils n'allaient certainement pas les agacer, au risque de nouer un peu plus fort le cordon de leur bourse.

L'aube d'une nouvelle èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant