Chapitre 27 : Négociations

1 0 0
                                    

Chapitre 27 : Négociations

Aren n'appréciait guère l'homme qui venait d'entrer dans la salle des gardes. Il correspondait à la description faite par Emil. De longs cheveux bruns et lisse, la trentaine, et souriant. Yassindo Vittori dans toute sa splendeur. Cependant, le regard de l'humain le dérangeait. Ses précieux atours et ses bijoux ne cachaient pas son avarice. Il voyait leur groupe comme une simple ressource à être dépensée, de vulgaires outils à utiliser selon son bon vouloir.
— "Bien bien bien !" Commença Yassindo Vittori, s'asseyant à leur table, face à eux. "Voici donc mes nouveaux esclaves."
— "Je ne te—" Hurla Aren en réponse, prêt à faire appel à sa magie.
Hors de sa cellule qui restreignait ses pouvoirs, le mage pouvait aisément orchestrer leur évasion. Un premier sort pour éliminer les gardes qui les tenaient en joue avec leurs arbalètes. Hugoi et Lily en profiteraient sûrement pour s'occuper d'Ifkès. Ils garderaient le maître du Port massiglien en dernier, il ne semblait pas bien dangereux. Visualisant ses pics de terre, Aren fut interrompu dans sa concentration.
— "Arrête, Aren !" Tonna Emil, mettant son bras devant l'elfe. "Tu vas nous faire tuer !"
— "On l'appelle plus maître nageur ?" Remarqua Lily.
Aren, stupéfait par la réaction de l'ingénieur, tourna la tête dans sa direction. Le corps de l'homme était tendu, et il suait à grosses gouttes. Son regard tremblait à la vue de Yassindo Vittori, et il n'osait pas le quitter du regard. Comme si le moindre clignement de paupières pouvait conduire à l'éradication de leur groupe.
— "Emil..." Chuchota le mage, se calmant progressivement. "Tu en assumeras la responsabilité."
Si son impétueux camarade craignait tant le marchand, alors il agirait lui aussi avec prudence. Effrayer Emil Nesidri n'était pas une prouesse à la portée de tous.
— "Parfait parfait !" S'exclama Yassindo. "Un magicien capable de réagir rapidement sans perdre son sang-froid en dépit des provocations, un chevalier magique prêt à envoyer la table voler d'un coup de pied, et une gamine qui cachait encore une dague sur elle. Personne ne l'avait remarqué en deux semaines, petite ?"
— "Ah."
— "Tu vas me la prendre ?" Demanda Lily, le regard cauteleux.
Hugoi et la jeune elfe réagirent avec prudence aux paroles de Yassindo, qui avait tout deviné de leurs intentions. Pour Aren, le choc fut suffisant pour le tétaniser sur sa chaise. Ce marchand, frêle et insouciant, les dominait simplement en les regardant.
— "Ifkès, fous donc tes larbins dehors, s'il te plaît." Demanda Yassindo, alors que les deux gardes hésitaient à entreprendre des actions punitives à l'encontre du groupe.
— "Vous avez entendu le client ? Dégagez." Ordonna le vieux guerrier. "Et vous allez m'attendre tous les deux dans la première salle d'entraînement. Je vais vous apprendre à boire pendant le service."
— "Bien maître !" Répondirent d'une voix les deux hommes, rangeant leurs arbalètes au râtelier avant de quitter la pièce au pas de course.
— "Soyez indulgent," fit Hugoi. C'était leur dernière bouteille, j'ai confisqué les autres dans ma cellule, je leur ai interdit de s'en approcher.
— "Ivrogne." Lâcha Lily d'un soupir.
— "Un prisonnier ne devrait pas avoir à leur apprendre la modération," cracha Ifkès, agacé.
— "Passons aux affaires," déclara Yassindo, ramenant le calme à la table. "Emil, ça faisait longtemps."
— "Quelques mois seulement, monsieur Vittori."

L'attitude servile de l'ingénieur alarma le groupe, qui retrouva toute sa tension. Emil ne semblait pas vouloir négocier quoi que ce soit avec Yassindo Vittori, et attendait les ordres, déjà vaincu.
— "Tu m'avais manqué Emil. Tu ne peux pas imaginer quelle fût ma joie d'apprendre ta survie."
— "Il ne fallait pas vous inquiéter..."
— "Oh, je te rassure," continua Yassindo d'une voix toujours enjouée. "La colère a rapidement remplacé cette joie, lorsque j'ai appris que tu as tué l'émissaire de l'oracle à Caromago, sans compter les lourds dégâts infligés à la ville. Une ville où la guilde a beaucoup investi."
Yassindo commença à applaudir doucement, le regard toujours imperturbable. Les aventuriers sentirent leurs tripes se serraient à chaque fois que les mains du marchand s'entrechoquaient.
— "Il y a une excellente raison à cela," tenta l'ingénieur. "Laissez-moi vous expliquer."
— "Non."
— "Ah, dommage." Condéda Emil. "Les coûts des réparations... ?"
— "Seront bien évidemment ajoutés à ta dette. Je n'ai pas terminé le chiffrage ; attends-toi à la voir considérablement enfler."
— "Clochard," cracha Lily sans la moindre considération.
— "Je ne ferais pas la fière à ta place, jeune fille" continua Yassindo. "Vous êtes tous mes captifs. Il me suffit de présenter vos crimes à la guilde des comptoirs pour vous forcer dans un contrat à vie."
— "En quoi ça consiste ?" Demanda Hugoi, ignorant le fonctionnement de Lonesam.
— "Vous entrerez dans la guilde du Port massiglien," expliqua Emil. "Vous serez aux ordres de monsieur Vittori, et comme le laisse deviner le nom du contrat, vous lui obéirez jusqu'à la fin de votre vie."
— "De l'esclavage..." Fulmina Aren.
— "Oh, pas de leçon de morale, elfe de Dafaorn," s'amusa Yassindo. "Ton peuple s'est amplement servi dans notre population par le passé pour accomplir les tâches les plus ingrates, ou satisfaire leurs désirs. Je ne compte pas vous traiter aussi mal."
— "J'ai une question," fit soudainement Lily, semblant comprendre quelque chose. "Je vais vivre beaucoup plus longtemps que toi. Je suis libre si je te tue ? Enfin, si tu meurs de vieillesse ?"
— "Tu te trompes." Coupa le maître du Port massiglien, pas perturbé le moins du monde par la menace de mort de l'assassin elfe. "Le contrat vous liera à la guilde jusqu'à la fin de vos vies. Mes successeurs hériteront de vos services."
— "Emil !" S'emporta finalement la jeune elfe, révélant sa dague enchantée. "Tu nous as demandé de nous laisser faire, et ton plan, c'est de faire de nous les larbins de ton maître ?!"
— "Non, laisse-le finir." Tempéra l'ingénieur, alors que le métal de la lame approchait dangereusement de sa nuque.
— "Petite, donne-moi ta dague," Demanda Yassindo.
— "Pas question !"
— "Allons allons, si tu deviens mon esclave, je te la confisquerais tôt ou tard. Je vais seulement te l'emprunter."
— "Pour me planter avec ! Et ensuite, tu vas la revendre !" S'entêta la jeune elfe.
— "L'argent n'est pas un problème. Et tu es une petite magicienne entraînée à l'assassinat. Un modeste marchand essayant de te poignarder sans le moindre effet de surprise est-il vraiment une menace ?"
— "Lily, obéis pour le moment," conseilla Aren.
— "Au pire des cas, je lui casse la bouche." Affirma Hugoi.
Ifkès s'avança d'un pas, et le chevalier magique se leva, brisant au passage les dernières chaînes qui l'entravaient. Les deux hommes se toisèrent, prêts à en venir aux mains.
— "Ifkès, tu ne seras pas payé si tu l'abîmes sans mon accord," déclara Yassindo.
— "Comme tu veux." Lâcha le vieux guerrier, reprenant sa position initiale. "La guilde de l'Épée des flammes ne sera pas tenue responsable si les prisonniers décident de te tuer."
— "Nous verrons."
— "Faible." Railla Hugoi, avant de se rasseoir à son tour.

L'aube d'une nouvelle èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant