Chapitre 34 : Remise en question

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L'aube perçait tout juste à travers le bois contenu dasn les murailles de Memausus. Les aventuriers traversaient en silence le jardin menant à la villa où habitaient Virgil et Candice.
Convoqué par les deux monstres, le groupe transpirait déjà à grosses gouttes. Alors qu'ils se regardaient pour élire celui qui frapperait à la porte de l'édifice, celle-ci s'ouvrit, révélant une jeune femme aux cheveux vermillons.
— "Restez dehors." Ordonna-t-elle en guise de bonjour. "Nos activités se dérouleront à l'extérieur aujourd'hui."
Candice portait aujourd'hui encore une tenue faite pour le mouvement. Un long pantalon en toile, taillé large, et un simple haut en laine. Derrière elle apparût Virgil, vêtu d'un simple pantalon en cuir et d'une chemise blanche. A sa ceinture, de nombreuses fioles, et il avala cul-sec le contenu de l'une d'entre elle lorsque les rayons du soleil frappèrent sa peau. Les deux immortels apparaissaient relativement décontractés, et cela jurait avec la tension affichée par les aventuriers.
— "Vous n'avez pas tenté de vous enfuir, une bonne chose." Félicita le dhampire.
— "Nous ne voulions pas gâcher cette faveur que vous nous avait accordé en nous laissant vivre." Tenta Emil.
— "Garde tes tournures cauteleuses pour toi," trancha immédiatement Candice. "Nous ne sommes pas friands de tels artifices."
— "Bien..." S'excusa l'ingénieur, la tête basse.
— "Dans ce cas," reprit Aren. "Jouons cartes sur table. Pourquoi souhaitiez-vous nous revoir ? Nous nous serions bien passés d'une pareille rencontre."
— "Mieux." Fit Candice, qui laissa son maître se placer à ses côtés.
— "Vous avez du pain sur la planche, je ne peux pas vous l'enlever." Commença Virgil. "Sauver Meiralys, rien que ça. Tout en escortant l'Héritière, et vous devez obtenir l'aide des quatre oracles par-dessus le marché. Une telle alliance n'est arrivée qu'une fois par le passé."
— "Pour combattre les géants." Indiqua Lily.
— "Oui, et les démons sont une menace au moins aussi grande qu'eux. Dans l'idée, aussi naïf que cela puisse paraître, vous êtes sur la bonne voie."
— "Attendez le gros 'Mais' avant de glousser." Intervint Okar.
— "En effet, comme le remarque l'orc du bosquet... Vous êtes faibles."
Virgil laissa retomber le silence sur ses invités. Le dhampire souhaitait que les aventuriers digèrent ces mots, et les acceptent comme une réalité. Et si certains refusaient de l'admettre, ils ne supporteraient pas d'attendre sans rien dire. Le dhampire ne fut pas déçu.
— "Vous ne pouvez pas nous comparer à l'Enfant des flammes." Contesta Hugoi. "Nous ne sommes que de vulgaires mortels, et... Et elle est..."
— "Je suis une entité fondamentalement identique à Cyvid." Acheva Candice. "Est-ce le son d'une pathétique excuse que j'entends ?"
— "Non, simplement-"
— "Le monde n'abrite pas que des individus ordinaires." Coupa l'Enfant des flammes. "Certes, je suis plus difficile à manier que le commun des mortels, et je me suis retrouvée sur votre chemin. Peux-tu pourtant m'affirmer que cela ne se reproduira pas ? Que quelqu'un d'autre dépassant tes attentes ne viendra pas se placer au travers de votre route ? Tu laisses ta conscience justifier vos défaites par le simple fatalisme, parce que l'adversité était trop grande."
— "Nous affrontons des démons," argumenta Aren. "Ils sont un ennemi commun à tous les peuples vivant dans Meiralys. En expliquant notre situation, nous pouvons nous faire des alliés."
— "Vraiment ?" S'étonna Virgil. "Tu ne sais ni ce que sont les démons, ni d'où ils viennent. Tu ne connais pas non plus l'ensemble des peuples et civilisations de Meiralys. Comment peux-tu oser prononcer une telle affirmation, en pensant que cela ferait pencher la balance en votre faveur ?"
— "Ces créatures ont des alliés ?" S'inquiéta Lily.
— "Avez-vous eu l'impression que les démons frappaient au hasard ?" Demanda simplement l'alchimiste.
— "Non." Avoua Emil. "On a remarqué une cible en particulier.
Lily baissa la tête, alors que tous se tournaient dans sa direction. Une cible des démons. D'abord sur le champ de bataille. Puis à Mikoriya alors qu'ils étaient en bordure du village. Enfin, au fond du temple de Lumiriel, ne laissant plus le moindre doute sur les intentions des créatures. Elles souhaitaient sa mort, et elle ignorait qui les poussait à intenter à sa vie.
— "Si je me fie aux descriptions de l'orc du bosquet," indiqua tout à coup Candice. "Les démons que vous avez croisés jusqu'à présent sont les plus faibles de leur engeance."
— "Pardon ?"
— "Quoi ?"
— "C'est une blague ?"
— "Encore une sacrée bonne nouvelle."
— "Du calme." Ordonna Virgil avant de reprendre. "J'imagine que vous commenciez à prendre confiance en vous, après tout. La nouvelle doit vous faire un choc. Vous avez réussi à vaincre un démon par vos propres moyens, et quelque part, ça vous rassurait. Perdre contre Candice n'a pas remis en cause cette confiance, car vous la considérez comme un être à part. Navré de vous apprendre que certains démons ne sont pas que des bêtes féroces."
— "Ils peuvent êtres animés d'une intelligence fourbe." Expliqua Candice. "Vous en verrez capables de jeter des sortilèges. Oh, et habituez-vous aux boules de feu comme celles d'hier."

L'annonce provoqua un frisson de terreur aux aventuriers, qui imaginaient un tel adversaire. Une créature aussi puissante qu'intelligente ne tomberait pas en lui lançant un Hugoi enragé dessus. Pire, si sa magie s'avérait aussi puissante que Candice le décrivait, ils finiraient tous en cendres.
— "Haut les cœurs !" Scanda tout Virgil, faisant sursauter le groupe au passage par son ton enjoué. "Nous vous offrons, aujourd'hui seulement, et à vous et à vous seuls, la possibilité de vous en sortir contre pareils ennemis !"
— "Contre ma volonté." Précisa Candice. "Je reste d'avis que vous n'êtes pas une escorte adéquate pour l'enfant de Liarilia."
— "Euh... Et concrètement, que comptez-vous faire ?" Interrogea Emil d'une voix hasardeuse. "Nous donner une potion qui extermine les démons ?"
— "Non, nous allons consacrer cette journée à vous rendre bien plus forts que vous l'êtes. Plus efficaces, plus habiles."
— "Je doute fortement de ce que vous avancez." Exprima Aren. "Si nous mettons Emil de côté, nous faisons déjà partie de l'élite de nos nations."
— "Connard, je vais te mettre une balle dans le fion, et on reparlera de l'élite de ta nation."
— "Vous êtes tous les quatre des gros ploucs." Interpella Okar, depuis la ceinture de Lily. "De mon temps, un orc ou un chevalier magique entraîné vous aurait retourné. Et je parle même pas des mages elfes, ils étaient autrement plus impressionnants que le grand guindé."
— "Rappelle-moi qui t'a sorti des tréfonds de Lumiriel, lieu de ta ridicule mort ?"
— "Un grand plouc. Tu ne vaux pas un clou comparé à tes aïeuls. Tu te crois bon car les humains sont devenus aussi mauvais que vous."
— "Ton peuple aussi, Orc du bosquet." Glissa Candice.
— "Je suis une perte irremplaçable."
— "Le potentiel ne manque pourtant pas." Tempéra Virgil, reprenant le flot de la discussion à son compte. "Ce potentiel ne demande qu'à être cultivé, guidé. De simples conseils suffiront."
— "Une journée suffira ?" Demanda Lily, qui malgré son appréhension initiale n'avait rien contre la possibilité de devenir plus forte, pour son propre bien.
— "Oui. Et c'est à toute l'assistance que nous vous apporterons. Vous devrez ensuite vous débrouiller seuls... Nous ne souhaitons plus être acteurs du destin de ce monde."
L'expression du dhampire s'apaisa, mélancolique. Candice apparut aussi tout à coup plus douce aux yeux des aventuriers, comme si elle se remémorait les moments les plus heureux de sa longue existence.
— "Quelles sont ces corrections ?" Fit la voix de Hugoi, pragmatique, ravivant l'échange. "Votre expérience est bien plus vaste que la nôtre, je vous l'accorde, mais nous avons connu notre lot de batailles. Je partage les doutes d'Aren."
— "Orc du bosquet. Je te laisse leur expliquer." Invita le dhampire.
— "Ils vont mal le prendre."
— "Et ce sera une première étape. N'arrondis pas les angles, tu as aussi vu leur faiblesse."
— "Difficile de les rater, elles crèvent les yeux ! Ca me fait rager dès qu'ils se battent ou se pavanent comme s'ils avaient réussi quelque chose." Se lança Okar. "Hugoi est balaise, taper fort c'est son truc. Sauf qu'il sait pas se battre, c'en est presque tragique. Et si on met dans la balance le fonctionnement intermittent de ce qui lui sert de cervelle, nous avons l'incarnation du guerrier médiocre qui se repose sur la force brute."
"Emil, c'est tout le contraire. Il sait se servir de son cerveau, et il a juste le vice nécessaire pour faire tourner une bataille en leur faveur. Enfin, je parle d'un ingénieur qui n'a même pas conscience de ce qu'il pourrait faire, et il est complètement inutile au combat."
"Aren est une calamité. J'ai pas d'autres mots. Un magicien aussi lent pour lancer un sortilège devrait rester dans un atelier, loin du champ de bataille. Créer des pics de roches pour embrocher ses ennemis est efficace uniquement si tu leur laisses pas trois jours pour les éviter !"
"Lily est la seule à avoir une excuse. La pauvre découvre tout juste ses pouvoirs, et ces abrutis d'elfes ont voulu faire d'elle une assasssin alors qu'elle est l'Héritère. C'est un miracle qu'elle parvienne à lancer un sortilège comme un magicien classique."
— "D'une traite." S'étonna Virgil.
— "L'avantage d'être mort, j'ai pas besoin de reprendre mon souffle."
— "Je suis mort aussi une fois, j'ai toujours besoin d'air."
— "T'as trop de chairs, il faut se concentrer sur l'essentiel."
— "J'en ai assez entendu." Coupa Hugoi, alors que le dhampire et le crâne échangeait des plaisanteries. "Je ne saurais pas me battre ? C'est la meilleure."
— "Le crâne a depuis longtemps perdu ses yeux. Ne fais pas attention à lui." Apaisa Aren.
— "... Mouais."
— "Ca ne sonne pas si faux que ça."

L'aube d'une nouvelle èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant