Chapitre 8 : Kassim

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Personne ne savait vraiment où placer la frontière entre Vernor et Lonesam. Les deux pays humains, bien que de croyances et de cultures opposées, commerçaient sans remous dans une zone pourtant contestée. La haine rampante de Lonesam envers la magie n'entravait pas leur pragmatisme. Les ressources manquaient, et ils dépendaient de Vernor pour s'en procurer. Une raison bien suffisante pour museler leur aversion pour les arts occultes et ses pratiquants.

Le Zyreb, fleuve du nord de Vernor, ou du sud de Lonesam selon les points de vue, constituait une de ces zones de flou. Au-delà de sa rive, on n'y trouvait plus aucune cité du pays de la magie. Seul se dressait Port Grech sur une rive, et la cité revendiquait sa propre autorité. Ainsi, certains voyaient en ce fleuve la frontière de Vernor. Cependant, Lonesam ne possédait non plus aucune bourgade sur ce territoire. Les premières villes du pays des technologies se situaient bien plus au nord, au-delà d'une petite chaine de montagne, où sur les rives opposées du lac de Xydra. Tant bien que d'autres estimaient que ces monts délimitaient le territoire de Lonesam.

Cette zone tampon servait les intérêts des deux nations. Ces terres, pour le moment inexploitées, pouvaient servir au besoin de monnaie d'échange en cas de tumultes entre les deux pays. Si les intérêts de l'Etat entraient en jeu, le territoire serait bien vite offert au voisin, afin de s'assurer les meilleures conditions lors d'une éventuelle négociation. En cas d'évènement attisant les flammes de la guerre entre les humains, celle-ci pourrait ainsi être évitée.

Sur la rive sud du fleuve de Zyreb, Devla développait ses activités autour de son port. Le débit du cours d'eau diminuait fortement dans la zone, au fur et à mesure qu'il s'élargissait dans la plaine. Ce calme permettait à la cité de construire ses infrastructures maritimes sans craindre de les voir un jour ravagées par une crue, qui se déverserait naturellement au nord. Ainsi, des grandes installations furent bâties au fil des années, chaque nouvelle génération de devlans apportant son lot de nouveautés.

Seuls quelques kilomètres séparaient Devla du lac de Xydra, et remonter le fleuve à contre-courant pour revenir en ville était aisé. Une simple voile faisait l'affaire, tant le vent soufflait régulièrement vers l'ouest, pris dans un couloir naturel crée par les monts du nord, et le relief d'Eleburn au sud. La possibilité de se laisser porter dans un sens comme dans l'autre, amplifiait l'attractivité de Devla pour le commerce maritime.

La ville s'assurait d'être en capacité d'accueillir en permanence jusqu'à cent navires de toute taille, ainsi que leurs équipages. Cela impliquait que suffisamment d'auberges soient ouvertes en toute période afin d'héberger l'afflux de population. Les coûts importants engendrés par les dépenses de personnel, nourriture, literie, ou écuries, parfois gaspillées pendant les creux d'activité, se résorbaient amplement par les bénéfices découlant de la position de Devla comme carrefour entre Vernor et Lonesam. La cité par ses attraits supplantait Port Grech, dont la neutralité lui donnait pourtant un grand intérêt comme lieu de négociation.

Les produits échangés chaque jour à Devla se comptait en dizaines de tonnes. Qu'il s'agisse de bien manufacturés en provenance de Lonesam, ou de ressources à l'état brut de Vernor. Par ses taxes sur toutes les marchandises, la cité récupérait une importante part du butin, et s'assurait de partager les recettes équitablement entre tous les acteurs de cette réussite. L'absence de corruption, traquée comme la peste par les dirigeants de la cité, lui assurait la stabilité, et une image immaculée aux yeux des marchands de tout horizon.

— Le port est plein, trouver un navire ne devrait pas nous poser de difficultés, analysa Aren à la vue de la centaine de bateaux alignés sur les quais.

L'aube d'une nouvelle èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant