Chapitre 22 : L'unique chemin

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Son esprit flottait dans l'obscurité. Dans le vide, le néant. Autour de lui, il n'y avait plus rien. Ses émotions l'avaient quitté.

Cette rage, qui avait fait vibrer son corps, s'était évaporée. Hugoi comprenait. Sa conscience luttait pour continuer d'exister. Son âme, berceau de sa vie, s'était animée comme jamais. Elle l'avait inondé de mana au point de le briser.

Il en gardait des traces, de profondes séquelles. Son corps tout entier le faisait souffrir. Chaque fibre de ses muscles le tourmentait. Ils réclamaient encore plus de mana pour compenser la folie qu'ils venaient de traverser.

Ce mana, Hugoi n'en avait plus. Où plutôt, plus assez. Le chevalier magique s'était toujours représenté sa réserve de mana comme de l'eau, contenue dans un verre. Ses sorts le vidaient lentement, et le temps le remplissait petit à petit.

Même en cet instant précis, il sentait ce mana revenir. Goutte après goutte. Cependant, ce qui fut jadis qu'un verre était aujourd'hui une amphore, et il s'y perdait. Son âme avait menacé d'exploser, et ses sentiments, qui l'alimentaient, ne pouvaient plus suivre. Ses passions taries ne suffisaient plus.

Hugoi s'accrochait à la douleur. La dernière preuve de son existence, le seul lien restant avec son corps. Il cherchait à ouvrir les yeux. Il voulait en être certain, se rassurer. Ses camarades avaient-ils survécu à la bataille ? Ses souvenirs se fragmentaient petit à petit, et lui glissaient entre les doigts.

Seul, restait l'écho, un écho qui le rongeait. Celui des voix. Celui des lamentations de ceux dont il avait fait le choix de ne pas sauver. Celui de ses victimes. Hugoi sentit son esprit se déchirer un peu plus. Les voix le mettaient en pièces, les fantômes du passé l'agrippaient pour le faire sombrer.

Les âmes demandaient vengeance contre celui dont les poings les avaient privées de repos à tout jamais, et Hugoi ne trouvait plus la volonté de les repousser. De quel droit le pourrait-il ? Elles seraient le fardeau qu'il porterait à jamais.

Les morts l'entraînaient un peu plus encore dans le néant, et l'âme épuisée du chevalier magique continuait de le tirailler. Elle gonflait encore, alors qu'il n'avait plus aucune ressource pour la satisfaire.

Soudain, cette âme en expansion cessa sa dilation. Hugoi repéra une autre présence à ses côtés. Une présence assez forte pour occuper l'immense espace qui s'ouvrait à lui. Le chevalier magique s'y accrocha. La puissance l'engloba peu à peu, dévorant le vide qui menaçait Hugoi. La présence n'était pas inconnue du chevalier magique. Il en devinait presque le visage.

— Lily... Murmura doucement le chevalier magique.

— Ah, il se réveille, répondit la voix de la jeune elfe.

Hugoi ouvrit les yeux avec difficulté. Son corps tout entier le brûlait, et une migraine effroyable lui troublait l'esprit. Il eut bien du mal à se souvenir de l'endroit où il se trouvait, et ce qu'il y faisait. Combien de temps était-il resté évanoui ? L'homme perdait la notion même de réalité, et était ébloui par la lumière des torches qui se consumaient lentement sur le sol humide.

Le chevalier magique scruta son environnement. Lily se tenait à genoux à ses côtés, veillant sur lui. Le chevalier magique se sentit profondément rassuré par sa présence, et soulagé de la voir conscience. Une planque de sang séché couvrait une partie de son visage, cependant, la vilaine plaie dont elle avait coulé s'était refermée grâce à l'intervention d'Aren.

— Pas trop tôt, fit difficilement Emil.

— Ne bouge pas, tu n'es pas encore tiré d'affaire, demanda Aren.

L'aube d'une nouvelle èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant