Chapitre 25 : A l'air libre

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Emil ne masquait pas son agacement, alors qu'il progressait en tête du groupe au travers des sombres couloirs. S'éclairant à l'aide de la torche dans sa main gauche, il ne tenait son fusil que de sa main droite, dans une posture qui rendait l'arme bien difficile à utiliser. Si un chien à épines apparaissait au détour d'un couloir, il devrait dans un premier temps lâcher la torche avant de pouvoir tirer, une perte de temps qui pourrait se révéler fatale ; d'autant plus que la concentration de l'humain était perturbée par Okar, qui chantonnait pendu à sa hanche.
Le coupable de sa situation précaire titubait quelques mètres derrière lui. Aren avait su manipuler son destin d'une main de maître. Lui et Hugoi, trop épuisés pour remplir un rôle d'éclaireur, se tenaient relégués à l'arrière de leur formation. Le mage elfe avait demandé à Lily de rester près d'eux afin de les protéger. Les dagues de la jeune elfe seraient inefficaces face aux créatures. Sa nouvelle magie aquatique constituait son seul recours pour les attaquer, cependant, les limitations évidentes sur l'utilisation de ce pouvoir par la fille de Liarilia la rendait inutile en première ligne. Quelle sorte d'éclaireur tombait d'épuisement après une ou deux attaques ?
Cela ne laissait qu'un seul combattant valable pour avancer au-devant du danger, Emil. Lui, qui n'avait pas d'yeux pour percer l'obscurité, ni une ouïe exceptionnelle pour repérer les prédateurs, et encore moins une maîtrise de la magie pour former un rempart protecteur. L'ingénieur ne pourrait pas se battre beaucoup plus longtemps que Lily face à la menace. Il n'avait plus de grenades, ni de poudre noire pour en confectionner. En comptant la balle déjà chargée dans son fusil, il ne lui restait plus que cinq munitions. Une misère avec laquelle il devrait composer.
— Fais pas cette tête, lança tout à coup Okar, comme s'il pouvait lire les pensées de l'humain. Tu pourras toujours leur flanquer un bon coup de crosse dont tu as le secret.
— Ou alors je te balance pour faire diversion, les chiens adorent mastiquer les os, répliqua Emil.
— C'était qu'une idée !
— Et moi je cherche à te rendre utile.
Emil se concentra sur son rôle, ne répondant pas aux piques suivantes du crâne orc. S'il se laissait tenter par leur échange de railleries habituel, il se jetterait dans la gueule d'un chien à épine sans s'en rendre compte. L'homme n'avançait pas au hasard dans le défilé de couloirs désert. Il suivait des traces. Les prédateurs multipliaient les allées et venues depuis des siècles afin de s'abreuver dans les profondeurs du temple de Lumiriel. Bien qu'Emil ne soit qu'un piètre pisteur, même lui ne pouvait pas rater l'absence de poussière sur certaines parties des dalles. Il n'hésitait pas un instant en tombant sur une intersection, la route vers la sortie se dessinait sous ses pas sous la forme d'empreintes de canidés.

— Emil... Souffla Hugoi, grimaçant alors qu'il alertait son camarade.
— Je sais.
Le couloir obliquait légèrement sur la droite à une trentaine de mètres de leur position. Malgré ses faibles capacités de perceptions, Emil pouvait distinguer les contours des murs de Lumiriel grâce à la lumière qui en provenait. L'obscurité laissait sa place à la clarté, et celle-ci n'était pas due à des torches. Le soleil éclairait directement les entrailles du temple elfique. L'avertissement de Hugoi ne faisait que confirmer le pressentiment de l'ingénieur. Les chiens vivaient tout près de la sortie.
— Lily, appela doucement Emil. J'ai besoin de toi.
— Je n'irais pas voir à ta place, marmonna la jeune elfe.
— Pas besoin, répondit l'humain alors qu'il déposait avec précaution ses cinq cartouches restantes au sol, parfaitement alignées. J'aimerais que tu balances Okar aussi loin que possible.
— Traître ! S'emporta immédiatement l'orc.
— Continue à faire du bruit, encouragea l'ingénieur d'un sourire mauvais, ça m'arrange.
— Je te promets un atterrissage en douceur, s'amusa Lily, emballée par l'idée d'Emil.
L'humain décrocha Okar de sa ceinture ; l'orc tenta de le mordre pour se défendre. Emil lui barra aisément toute possibilité de contre-attaque en l'attrapant par ses orbites vides, mettant sa main hors de portée de sa mâchoire. Lily se saisit du bruyant projectile de la même façon, et après quelques pas d'élan, expédia sa victime en direction de la sortie.
— Vous me le paierez ! Gueula Okar, alors qu'il s'écrasait non loin du virage après quelques rebonds.
— Recule maintenant, commanda immédiatement Emil à Lily.
La jeune elfe s'exécuta sans un mot, et se plaça rapidement derrière l'ingénieur. Emil s'allongea au sol, tout près de ses munitions, et pointa le canon de son fusil en direction de la lueur au fond du couloir, après avoir éteint sa torche. Une position parfaite pour du tir de précision, où ses victimes se dessineraient à la lumière du soleil sans pouvoir repérer le tireur embusqué.
— Vous aviez pas le droit de me faire ça ! Continuait de râler Okar. J'ai les orbites face au sol ! Je les entends, je les vois pas ! C'est de la torture ! Mes os sont bien trop précieux pour servir de repas à ces cabots ! Honte à vous de jouer avec mes sentiments ! Je pensais qu'on était allié ! Ahhhh, elles sont là !
Une première balle détonna. L'ombre d'un chien grandissait non loin du crâne orc, et Emil le toucha en pleine tête alors que sa gueule dépassait tout juste le tournant. L'ingénieur replia immédiatement le canon de son arme, et y inséra la nouvelle cartouche. Une recharge rapide, permise par la poudre noire directement contenue dans la munition.
Le second tir fit également mouche. Le cadavre du second chien glissa contre le corps de la première victime. Emil ne relâcha pas sa concentration. Il recharge une nouvelle fois son fusil, avec des gestes précis et sûrs. Aren, Hugoi et Lily observaient l'ingénieur en silence. Okar continuait quant à lui de geindre.
Un troisième tir, puis un quatrième, firent taire définitivement les aboiements des chiens. Pas un seul des prédateurs n'avait survécu assez longtemps pour se rendre compte de la présence du groupe.

L'aube d'une nouvelle èreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant