Chapitre 5

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Je ne sais plus quoi penser. Ai-je pris la bonne décision ? Bien sûr, je ne peux pas participer à cet enfer. Je me bats pour en sortir, pas pour en être une des auteurs. Je n'ai pu que prendre la bonne décision.

Cette journée est passée encore plus lentement que les autres, surtout que l'on m'a privé de ma sortie pour l'événement du matin. J'ai dû demander à un employé de dire à Adrian que je ne pourrai pas être là pour la prochaine sortie non plus et que je m'excusais. Le pauvre, il a dû s'inquiéter en ne me voyant pas venir. Et certainement que mon message n'a même pas été passé, il doit être autrement plus inquiet.

De plus, les rations de mes repas ont été diminuées pour me rajouter une réprimande, ce qui fait que j'ai encore plus faim que d'habitude. Je me suis endormie très tôt et j'ai fait des cauchemars toute la nuit. J'ai rêvé de mon futur mari, sans voir son visage et d'Ulysse qui me torturait pour l'obliger à rentrer dans ses rangs. Je revois son sourire étrange et cette lueur carnassière dans ses yeux. Et il prenait du plaisir à m'entendre le supplier d'arrêter, alors il continuait jusqu'à ce que je plie totalement à tous ses désirs.

Je me suis réveillée plusieurs fois dans la nuit, des sueurs froides et des frissons parcourant tout mon corps, et la puce dans mon poignet me lancinait. C'était comme si je recevais de petites décharges dans le bras, assez forte pour que ça me fasse grimacer mais assez faibles pour qu'elles soient supportables. J'ignore si ça vient de mon imagination ou du Centre qui essaie de me faire passer un message mais il m'a fallu plusieurs dizaines de minutes pour m'endormir à cause de cette douleur aiguë.

Est-ce que ça va être comme ça maintenant ? Ils vont me rappeler sans cesse à l'ordre par le biais de ma puce, me faisant comprendre que jamais je ne pourrais réellement m'éloigner du Centre ? Il va falloir que je trouve un moyen de l'enlever. Mais ce ne sera pas chose facile à cause de la régénération de mon corps qui m'empêchera d'aller profondément dans ma chair pour récupérer le petit objet. Ou alors, il me faudra de l'aide. Mais à qui en demander quand on n'a personne ? Et puis on ne laissera jamais faire, des employés débarqueront à la seconde où je commencerai à me mutiler. Alors la punition sera juste horrible et les interdictions plus nombreuses.

Ce matin je me suis réveillée la boule au ventre, si bien que j'ai eu du mal à avaler mon petit déjeuner, très sommaire pour ne pas changer. Pendant un moment, j'ai regretté d'avoir jeté le fraisier de ma mère hier, j'aurais mieux fait de le savourer avant de tout balancer. J'ai tourné en rond dans ma chambre toute la journée, imaginant des centaines de scénarios pour mon rendez-vous de ce soir. Je ne sais pas si je dois être heureuse, stressée, en colère ou triste. Ou les quatre à la fois.

J'ai juste envie de voir comment il est, si c'est un vieux croûton ou si ma mère, son nouveau mari et le président ont eu la gentillesse d'en choisir un jeune. Jeune et riche, ça pourrait faire rêver. Et bien pas moi. Quand je disais vouloir être libre je voulais me retrouver seule et avoir la possibilité de faire ce dont j'ai envie pour la première fois de ma vie. Au lieu de ça, je vais devoir me plier à d'autres règles, peut-être pas si différentes de celles instaurées ici. J'imagine déjà ce que sera ma nouvelle vie : enfermée dans un manoir beaucoup trop grand et dans lequel je ne cesserai de me perdre, entourée de gens qui m'adresseront à peine la parole, exécutant seulement leur travail, et un mari qui attendra de moi que je lui donne bon nombre d'enfants. Peut-être que c'est la vie dont aurait rêvé ma mère mais ce n'est pas celle que j'avais envisagée.

Tout en tournant en rond, je me suis imaginé au moins une bonne dizaine de plans différents pour m'échapper d'ici, avec Adrian, et fuir cette vie qu'on s'apprête à m'imposer, une vie que je rejetterais toute ma vie s'il le faut. Mais tous ces plans aboutissent à la même chose, une réalité qui rattrape tous mes rêves et les étouffe : on nous retrouvera forcément et seule la mort accueillera résultera de tout cela. Alors à quoi bon se démener et se battre pour quelque chose dont la fin est aussi funeste ?

RF192Où les histoires vivent. Découvrez maintenant