Chapitre 12

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Allongée dans mon lit, je fixe le plafond. Mon cerveau ne cesse de me refaire vivre ce qu'il s'est passé aujourd'hui. Je revois les yeux remplis de rage et de tristesse de KF186. Elle était autant abattue que perdue, animée par la douleur d'avoir perdu celui qu'elle aimait. Et tout ça, est arrivé par ma faute. Je suis responsable de la mort d'un agent qui, lorsque je l'ai dénoncé, ne faisait que son travail. Il avait une famille, c'est certain. Des parents ont perdu leur fils à cause de moi. Est-ce qu'ils s'en remettront ? Non, bien sûr que non. L'absence de leur fils va laisser à jamais un trou béant dans leur cœur. Je connais parfaitement bien cette sensation, je ne me suis jamais vraiment remise de la mort de mon père. Je viens de détruire toute une famille avec de simples mots.

Je porte mes doigts à ma gorge. J'ai encore l'étrange impression que les doigts de KF186 se referment dessus. Je l'ai détruite elle aussi. Lorsque je me suis introduite dans sa tête, j'y ai vu tous les souvenirs qu'elle a partagé avec lui et tout l'amour qu'elle lui portait. Est-ce donc ça l'amour ? Aimer quelqu'un plus que sa propre personne et être anéanti lorsqu'elle s'en va ? Si c'est ça, alors je souhaite ne jamais aimer Jacen à ce point.

Et puis il y a eu le rendre-vous avec Ulysse. Les hurlements d'Adrian résonnent dans ma tête, en même temps que ceux de KF186. Je revois l'agent lui faire du mal, les larmes couler sur son visage en criant mon nom et en suppliant qu'on arrête. Mon cœur est comprimé dans ma poitrine. C'est donc ça que je vais retenir de mes derniers jours au Centre ? De la souffrance ?

J'aimerai tant que mon père soit là pour seulement me prendre dans ses bras. Il ne dirait rien, il se contenterai de m'enlacer et de caresser doucement mes cheveux. Je ferme les yeux et l'imagine près de moi. Sois courageuse ma fille, tu es bien plus forte que n'importe qui. C'est la dernière chose qu'il m'ait dite. Le lendemain, un agent entrait dans ma chambre pour m'annoncer sa mort. Je me souviens avoir pleuré pendant toute une semaine. J'étais restée dans mon lit, ne mangeant que lorsqu'on m'y obligeait. J'avais même refusé de prendre mes sorties. Ce n'est qu'une semaine après que ma mère est venue me rendre visite pour me dire qu'elle revenait de l'enterrement. Elle m'avait rapporté un lys blanc qu'elle avait posé sur mon bureau et m'avait dit que, à partir de ce moment, nous allions devoir être fortes et se débrouiller sans mon père. C'est la seule fois où je l'ai vu pleurer.

Le bip retenti dans ma chambre mais je ne cille pas, les yeux rivés sur le plafond blanc. J'entends des pas se rapprocher, la porte n'a pas été refermée. Il y a une semaine, j'aurais sans doute tenté de m'échapper. Aujourd'hui, je n'en ai pas la force.

-RF192, vous avez le droit à une sortie supplémentaire pour votre dernier jour au Centre, c'est un cadeau de monsieur Rolthmeir.

Le dernier cadeau qu'il m'a fait m'a complètement brisée. Mais je me redresse, lentement. L'employé me sourit doucement. C'est rare. Mais je ne relève pas.

-Où souhaitez-vous aller ? Il me demande gentiment.

Je réfléchis un instant, je ne veux pas retourner dans le jardin, je ne le supporterai pas.

-Dans l'endroit que vous préférez ici, j'annonce stoïquement.

Il est d'abord surpris mais se reprend rapidement et acquiesce. Il m'invite à le suivre et je le suis bêtement, sans savoir où il va m'emmener. Nous parcourons différents couloirs et montons des escaliers qui me semblent interminables pour arriver sur les toits du bâtiment. Là-haut, une immense terrasse a été aménagée au-dessus de l'aile nord et nous avons une magnifique vue sur la ville.

C'est à couper le souffle, je peux voir l'entièreté de la ville et non plus qu'une seule partie. Je vois des petits points noirs se balader dans les différentes rues, certains sont à cheval, d'autre en vélo ou à pied, deux ou trois voitures circulent. Je m'appuie sur le rebord et admire tout ça. Je vois l'hôpital dans lequel je suis née, les différents petits commerces et quartiers, plus ou moins riches. L'architecture ne ressemble en rien à la modernité du Centre, la majeure partie des maisons sont en pierres ou en briques. Je vois au loin une vieille usine abandonnée où la nature a repris ses droits et la ville est entourée par une forêt dont je ne vois pas la fin. Plus loin il y a un lac où les gens doivent se baigner quand il fait chaud et tout à fond j'aperçois les montagnes. Ce paysage est absolument sublime.

RF192Où les histoires vivent. Découvrez maintenant