Prologue

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Nous sommes tous rassemblés dans la grande salle, face à l'immense écran qui, dans quelques instants, va diffuser un discours du président Stanislas Dane qu'il va prononcer pour le cinquantenaire de la fin de la Quatrième Guerre mondiale. Le silence règne, personne n'a le droit de parler au risque de se prendre un coup par un des employés du Centre. Ils sont alignés le long des murs, parfaitement espacés à la même distance les uns des autres, la tête haute et les mains derrière le dos. Je jette quelques coups d'œil autour de moi, cherchant désespérément Adrian, mon seul ami ici, du côté des garçon. Mais, alors que nos regards se croisent et que je lui accorde un léger sourire, une femme, une employée, vient me gifler pour m'obliger à replacer ma tête. La fille à côté de moi, qui semble avoir quelques années de moins que moi se tend et ose à peine me regarder. Ma joue me lance et je devine, vu la douleur que je ressens, qu'une trace de main la décore.

Une musique retentit, l'hymne de la République d'Esdras, et le président apparaît sous les acclamations des habitants de la capitale, Dornem, venus pour le voir. Il salue la foule, plaque un sourire radieux sur son visage. Tout habillé de blanc, seulement le symbole de la République cousu sur sa veste ressort. Alors que les acclamations résonnent dans ma tête, traduisant la joie du peuple, moi je ne peux la partager. Je hais cet homme. Si je suis enfermée ici, au Centre, c'est uniquement de sa faute. Je déteste cette vie qu'il m'a imposée, qu'il nous a à tous imposée. Jamais je ne pourrais l'applaudir et l'aimer comme tous ces gens le font, jamais. Si les employés du Centre ont, comme une seule personne, levé leur bras dans un signe militaire, moi j'ai baissé les yeux vers mon poignet pour regarder ce tatouage que je déteste du plus profond de mon âme. RF192.

RF192, c'est mon identification, mon nom depuis que je suis ici. Rain, Femelle, 192ième. Ici, tous les patients, comme ils aiment nous appeler, ne sont appelés que par leur identification. On nous dit que c'est plus simple comme ça, mais je pense que ces codes ne sont là que pour prouver que nous ne sommes que des rats de laboratoire, pour nous enlever toute humanité.

Je suis ici depuis ma naissance pratiquement. Lorsque ma mère a accouché, les médecins avaient décelé une chose étrange dans mon cerveau et dans mon système immunitaire, des anomalies, et j'ai été placée en surveillance jusqu'à ce qu'ils arrivent à une conclusion : je devais être emmenée au Centre pour qu'on s'occupe de mon cas et que je sois élevée avec des enfants comme moi. Alors mes parents, pensant qu'il s'agissait de la meilleure option, ont accepté qu'on m'emmène. Depuis, je n'ai jamais quitté cet endroit.

Le discours commence. La voix du président résonne dans la pièce qui, jusqu'à ce que tout ce cirque commence, était plongé dans un silence religieux, mais je ne l'écoute pas, je ne veux pas l'entendre. De toute façon, celui-ci sera comme tous les autres, il ne dira ce qu'il veut bien que le peuple entende. A quoi bon écouter des mensonges ? Mais c'est tout ce qu'on nous donne et ce, depuis cinquante ans.

À la fin de la quatrième guerre mondiale, le fou furieux qui l'avait déclenché a décidé de lancer toutes les bombes nucléaires qu'il avait fait fabriquer sur chaque continent pour ne pas être arrêté et mis à mort. Il s'est finalement suicidé ravagé par la honte de ses actes et de leurs conséquences. Son corps n'a jamais été retrouvé, certainement ensevelit sous les décombres des bâtiments qui se sont écroulés à cause de la guerre et des bombes.

Tout a été détruit, il ne restait que des ruines et aujourd'hui, cinquante ans après cette catastrophe, la nature a repris le dessus sur ce qu'avaient construit nos ancêtres. Des grandes villes ultra-modernes il ne reste que les carcasses des buildings et quelques cadavres de voitures. La technologie qu'ils utilisaient, qui était devenue poussée et juste incroyable, a été perdue. Tous les fichiers, les satellites, les antennes, tout a été détruit, il ne reste plus rien.

RF192Où les histoires vivent. Découvrez maintenant