Chapitre 1

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Je suis allongée sur le sol froid de ma chambre. Je regarde l'éclairage au plafond tout en lançant une balle rouge en l'air, que je rattrape à chaque fois. Étrangement, la lumière ne me fait pas mal aux yeux. J'y perds mon regard et lance la balle machinalement, comme si un mécanisme. Chacun de mes mouvements s'apparentent à ceux d'un robot programmé à les faire. Les jours se ressemblent, sont tous les mêmes. Parfois, je me perds dans la date, je n'arrive à faire la différence entre le jour et la nuit seulement parce que la lumière de ma chambre s'éteint automatiquement à 22h30.

Mon regard est absorbé par la lumière, cette petite ampoule qui, à elle seule, éclaire la pièce. Régulièrement, la balle passe devant elle et la cache, l'espace de quelques instants. Une musique me vient en tête, la préférée de mon père, alors je me mets à la fredonner.

Sometimes I feel I'm gonna break down and cry, so lonely
Nowhere to go, nothing to do with my time

I get lonely, so lonely, living on my own.

Je regarde autour de moi, tout ce blanc me sort par les yeux, j'ai juste envie d'une chose : sortir. Je veux prendre l'air, me balader et voir autre chose que cette prison. J'étouffe ici, je n'en peux plus. Je me demande juste quand est-ce que je pourrais enfin sortir. Je m'ennuie à longueur de journée. La plupart du temps je regarde des vieux DVD que je connais par cœur, je lis des livres dont l'histoire n'est plus une surprise ou dessine sur mon bureau remplis d'esquisses. J'ai d'ailleurs accroché plusieurs de mes dessins sur les murs molletonnés de la pièce, au-dessus du bureau, histoire de rendre tout ça moins... blanc.

Sometimes I feel I'm always walking too fast, so lonely

Durant toutes ces années à être enfermée, j'ai pu acquérir de nombreuses compétences comme le dessin ou les langues. J'apprends toute seule à parler de nombreuses langues grâce aux films et aux livres que mes parents m'apportaient, un peu contre la volonté du Centre. Je fais également un peu de sport, du moins ce que je peux faire dans ma chambre, seulement pour garder la forme.

And everything is coming down on me, down on me, I go crazy

Je n'ai pas vraiment d'amis, je ne connais qu'une personne ici. AM201, ou de son vrai prénom Adrian. Notre horaire de promenade est la même et nous nous rejoignons toujours au même endroit. Nous n'avons qu'une demi-heure de sortie par jour et je passe ces trente minutes à discuter et marcher avec lui. Bien sûr, les employés qui nous accompagnent ne sont jamais bien loin, mais c'est déjà ça. Adrian a une vitesse et une force folle, ça m'a toujours impressionné. Il est la seule vraie personne qui soit venue vers moi, et mon seul ami ici.

Nous n'avons pas le droit de sympathiser avec les employés et de toute façon, vu comment ils sont agréables, ça ne donne pas envie d'aller vers eux. Et puis de toute façon, ce ne sont jamais les mêmes, ils changent tout le temps. À croire qu'ils se font tous virer au bout d'une semaine.

Oh so crazy, living on my own.

Le temps commence sérieusement à être long et je ressens vraiment le besoin de sortir, je ne supporte plus de rester enfermée ici, comme un lion qui tournerai en rond dans sa cage. Parfois quand je m'ennuie, il arrive que je me coupe avec une feuille de papier, volontairement, et je regarde la coupure se refermer immédiatement. Je pourrais faire ça pendant des heures. Mais il y a toujours un employé qui m'ordonne d'arrêter et menace de reprendre toutes les feuilles que le Centre a la gentillesse et l'amabilité de me fournir. Je devrais me montrer reconnaissante, selon eux. Pourquoi montrer une quelconque reconnaissance à des gens qui nous n'en montrerai aucune ? Mais j'arrête parce que sans ces feuilles je ne peux plus dessiner, c'est donc du temps en plus à m'ennuyer et à regarder dans le vide pendant des heures.

RF192Où les histoires vivent. Découvrez maintenant