Chapitre 22

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Je suis dans un kiosque situé dans le jardin, assise sur un banc à dessiner. Cet après-midi, je n'ai pas tellement d'inspiration. Je ne peux m'empêcher de regarder mon poignet, c'est comme un automatisme. Même si je sais que la puce n'est plus là, j'ai l'impression de la sentir encore, comme si j'avais oublié une partie et que cette partie continuait à faire son boulot.

Et ce qui me tue, c'est de voir que mon tatouage est intact. Il est là, tel un survivant, comme s'il ne s'était rien passé. Parfois, je me dis que ma capacité à me régénérer est plus une malédiction qu'un don. Même si ça s'avère être pratique quelques fois, c'est à cause de ces aptitudes si j'ai vécu un enfer jusque-là. Et mon instinct me dit que ce n'est pas prêt d'être fini. Que je le veuille ou non, mariée ou pas, le Centre me considère comme sa propriété.

Cela fait plus de deux mois que je suis ici maintenant et nous n'avons toujours pas eu de nouvelles d'eux, et ça m'inquiète. Ils ont forcément dû voir que ma puce ne fonctionnait plus, alors pourquoi est-ce qu'ils ne réagissent pas ? Ça me préoccupe tellement que j'en ai dû mal à dormir. Non pas que j'ai spécialement envie de les voir mais les connaissant, ils n'auraient jamais laissé ça arriver sans intervenir. Comme le dit si bien Jacen, s'ils sont en silence radio, c'est qu'ils préparent quelque chose.

Soudain, une idée qui me donne froid dans le dos me traverse l'esprit. Et s'ils m'avaient transplanté une autre puce sans que je ne m'en aperçoive ? Ou même plusieurs ! Un frisson parcourt tout mon corps. Je sais pertinemment que c'est possible, ils sont capables de tout. Plusieurs fois je tombée dans les pommes après les tests, ils auraient pu en profiter. Et quand j'y pense, j'ai certaines parties de mon enfance dont je ne me rappelle plus, notamment la dernière visite de mon père avant sa mort. Je me souviens qu'il m'avait ramené deux nouveaux livres, que nous avons discuté et qu'il m'avait raconté des anecdotes amusantes sur ses collègues. Et puis il avait commencé à se comporter étrangement, regardant régulièrement la caméra, ce qu'il ne faisait jamais. Sois courageuse ma fille, tu es bien plus forte que n'importe qui, c'est ce qu'il m'avait dit et puis c'est le trou noir. C'est comme s'ils avaient voulu effacer quelque chose de ma mémoire. Après tout, je m'attends à tout avec le Centre.

Mon père. Je me suis souvent interdit de penser à lui, après sa mort. Et puis, j'ai dû me rendre à l'évidence, ce n'est pas en ne pensant pas à lui que la douleur allait disparaître, alors j'ai arrêté ce petit manège. Ça fait tellement longtemps qu'il est parti que je ne me souviens plus de son visage. J'ai essayé de nombreuses fois de le dessiner mais rien ne le représentait vraiment, j'avais l'impression que ce n'était pas lui que je dessinais, il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas. Pourtant, je l'ai vu tellement de fois, je m'en veux d'avoir oublié à quoi il ressemble. Le temps a effacé son visage mais les souvenirs avec lui sont restés bien ancrés dans ma mémoire.

Je me mets à fredonner sa musique préférée. Du plus loin que je me souvienne, il me l'a toujours chanté. Et lorsqu'il ne le faisait pas, je le lui réclamais. Parfois, sans m'en rendre compte, je la chantais à moi-même et à chaque fois que je le faisais alors que j'étais avec un employé, on m'ordonnait de m'arrêter. Mais une fois, un agent s'est mis à la fredonner à cause de moi, et ce jour-là, je me rappelle m'être sentie heureuse. Heureuse de savoir qu'avec une simple chanson, j'étais capable de les hanter inconsciemment.

Un majordome arrive rapidement vers moi et me sors de mes pensées. Il se poste devant moi, se redresse de sorte à ce que son dos soit bien droit et place ses mains derrière son dos. Les employés ici sont tellement solennels, ça me change des connards du Centre.

-Madame, monsieur Ewing demande votre présence dans son bureau, me dit-il.

C'est étrange, habituellement, il ne me demande pas lors de mon temps libre, il aime me le laisser et je trouve ça attentionné de sa part de vouloir me laisser souffler. Mais, étant donné que c'est occasionnel, c'est que ça doit être urgent.

RF192Où les histoires vivent. Découvrez maintenant