Chapitre 2

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Nous revenons de ma sortie et je rentre dans ma chambre. Je reste quelques instants plantée devant la porte à regarder le lit face à moi. Si seulement je pouvais rester un peu plus longtemps en dehors de cette chambre, je sens que je vais devenir complètement folle à rester ici. Après m'être faite pousser par l'employée pour que je sorte de mes pensées et que je me dépêche, je me dirige vers l'armoire, blanche, et je prends une autre combinaison et une culotte, blanches aussi. Cette armoire est remplie de ces affreuses tenues avec mon identification dessus. Je rêve d'y mettre feu et de regarder les flammes les dévorer tout doucement. L'employée qui m'accompagne m'attend à la porte et me regarde attentivement. Comme si j'allais rentrer dans l'armoire et m'enfuir dans un autre monde, comme dans ce vieux film, Narnia.

Je souffle assez fort pour qu'elle l'entende et qu'elle comprenne que j'en ai plus que marre, avant de refermer l'armoire, en claquant légèrement la porte. Certains diront que je fais tout pour leur donner une raison de me punir, je leur répondrais que toute opportunité de sortir de cet endroit est à prendre. Je passe devant elle et lui lance un regard noir, puis nous nous dirigeons vers la salle de bain commune. Ma chambre se situe dans l'aile ouest de Centre, réservée aux patientes femelles. Nous avons toutes une chambre et nous disposons d'une immense salle de bain que nous partageons. Il n'y a pas de douches pour tout le monde alors nous avons chacune nos horaires. Mon créneau se situe après ma promenade. Tous les jours je me retrouve avec les mêmes filles mais parler entre nous en formellement interdit. D'ailleurs, en parlant avec Adrian, je transgresse cette règle mais, après des années pendant lesquelles les agents se sont battus pour qu'on se taise, ils ont finalement lâcher l'affaire. Nous sommes les deux seuls patients autorisés à parler ensemble et, bien entendu, ça attise la jalousie des autres qui, à chaque fois qu'on se retrouve tous les deux, les regards noirs proviennent de tous les côtés. C'est aussi pour ça que, durant nos sorties, nous sommes autant surveillés, ou plutôt épiés, par les employés. Mais avec le temps, j'ai appris à les ignorer et je m'y suis habitué.

Nous rentrons dans la salle de bain, qui est bien entendu entièrement blanche – est-ce une surprise ? - et il y a déjà des filles sous la douche. D'un côté il y a les lavabos et en face d'eux, les douches. Tout au fond, il y a nos casiers. Leur nombre est si impressionnant que si je me mets à un bout, je ne verrais pas l'autre. Je me dirige vers le mien et je place mon poignet devant le petit écran qui scanne ma puce pour ouvrir la porte. À l'intérieur, il y a toutes mes affaires, shampoing, brosse, brosse à dents, dentifrice, serviettes, etc..., qui sont changés chaque jour pour éviter que des messages soient passés. En plein milieu de la pièce, il y a une immense corbeille à linge en pierre. Quand on se penche au-dessus de celle-ci, ce n'est qu'un grand trou. Nous devons y mettre nos combinaisons sales et elles atterrissent dans la buanderie où le personnel va les laver et nous les rapporter. Je me suis toujours dit que si j'étais assez rapide, je pourrais me jeter dans ce trou et je pourrais m'enfuir. Mais beaucoup trop d'agents surveillent la salle et, quoi que je fasse, ils me retrouveront toujours avec la puce implantée dans mon bras, alors j'ai abandonné l'idée. Mais peut-être qu'un jour, si les renégats se décident à attaquer le Centre, tout le monde serait tellement paniqué que, en me faufilant dans la foule, je pourrais atteindre ce fameux trou et m'enfuir le plus loin possible, et arracher cette puce. Un jour je le ferai, je me le suis promis. Mais quand est-ce qu'il arrivera ?

Je chasse cette pensée et prends tout ce qu'il faut pour faire ma douche pour me diriger vers celle-ci. J'ouvre la porte et rentre à l'intérieur en jetant un coup d'œil vers la femme qui m'accompagne. Elle s'est placée devant la porte de la douche, les mains croisées devant elle, le dos bien droit et le regard fixée en face. Parfois je me demande comment ils font pour rester dans cette position aussi longtemps. Est-ce qu'ils apprennent à le faire quelque part dans une école de futurs employés du Centre ? Et est-ce qu'ils n'en n'ont pas assez de rester constamment le dos parfaitement droit ? Mais après tout, il y a pire comme souffrance dans la vie.

RF192Où les histoires vivent. Découvrez maintenant