Chapitre 33

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Je suis allongée sur le lit à regarder le plafond d'un blanc qui me paraît parfait. Nous partons aujourd'hui. J'ai fait mes valises, que j'ai donné à un majordome qui a dû les mettre dans la voiture. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis comme ça, le regard fixé dans le vide. Je ne me rappelle même pas avoir cligné des yeux.

Est-ce que j'ai envie d'y aller ? Pas vraiment. Est-ce que j'ai peur ? Affreusement. Beaucoup trop de questions se bousculent dans ma tête et j'en ai assez de me les poser sans cesse. Est-ce qu'Ulysse Rolthmeir a prévenu Dane pour la puce ? Ça me paraît évident. Et est-ce qu'il va profiter de ma présence pour me faire passer des tests ? Je ne sais pas et ça m'effraie, d'autant plus que cette fois, je ne pourrais pas passer au travers parce qu'ils auront forcément, lui et ses hommes, les fameuses oreillettes, j'en mettrais ma main à couper.

Et puis il y a les autres chefs de région et leurs femmes. Ils se connaissent tous et moi je débarque, sortie de nul part. Les moments avec les épouses promettent d'être un enfer, finalement, comme le reste du voyage. Dans quel merdier je me suis encore mise moi ?

Le blanc du plafond me rappelle celui de ma chambre au Centre. Je pouvais passer des heures à le regarder, allongée sur mon lit trop dur ou le sol qui l'était sans doute moins. Et je ne faisais rien, rien à part penser. Des tonnes de choses me traversaient l'esprit, tout ce qu'il ne m'était pas accordé de dire à voix haute.

Cette couleur, avec les années, m'est devenue insupportable et pourtant, c'est celle qui a été choisi pour représenter le pays. Du moins, c'est celle qu'a choisi Dane quand il s'est imposé en tant que président. Elle représente la pureté, l'innocence, la virginité et le mariage. Tu parles. Pureté et innocence seraient sans doute les derniers mots qui me viendraient à l'esprit pour décrire notre pays et notre gouvernement.

Entre une république qui ressemble plus à une dictature, des femmes tuées parce qu'elles veulent protéger leur enfant présentant une malformation, des bébés pris à leur naissance quand ils s'avèrent être différents, enfermés toute leur vie et torturés sous prétexte que c'est pour la science, des rebelles qui n'hésitent pas à tuer quiconque se dresse sur leur passage, des villes entières encore en ruine, la présence de radiations, le nombre de gens fertiles qui baisse de plus en plus, la pauvreté des gens qui s'oppose à la richesse des habitants de Dornem, la capitale, et un tas d'autres choses. Je n'appellerai pas ça la pureté. Et puis, le blanc s'avère être très salissant, surtout s'il est recouvert de sang.

Parfois, je me demande ce qu'auraient été nos vies si Dane n'avait pas fait son coup d'état ou si les rebelles de l'époque avaient réussi à le renverser. Ça aurait été différent sur certains points, certes, mais est-ce que ça aurait été meilleur ? Probablement pas. De toute façon, on aurait tous trouvé autre chose pour nous plaindre du gouvernement, l'être humain est un éternel insatisfait.

Quand je pense que le taré qui a déclenché la Quatrième Guerre mondiale voulait refaire l'humanité en en exterminant la majorité, je pense que d'un côté il partait d'un bon fond, et qu'il avait peut-être même raison mais il s'y est juste mal prit, ses méthodes n'étaient pas les bonnes. Sauf que les survivants ont montré que même quand l'humanité est en danger, les humains sont incapables de se gérer et d'être tous en accord les uns avec les autres, et les générations suivantes en payent les conséquences. S'il y avait eu un vote pour déterminer le président, les renégats, qui n'étaient qu'à l'époque un simple groupe de rebelles, n'existeraient pas et ça nous enlèverait une grosse épine du pied.

-Rain, on va... qu'est-ce que tu fais ?

La voix me sort de mes pensées. Je baisse les yeux et remarque Jacen debout devant moi. Je reprends mes esprits. Merde, le départ !

RF192Où les histoires vivent. Découvrez maintenant