Chapitre X

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L'enfant ne put qu'accepter et s'approcha du piano avant de s'y installer. Les partitions en tête, le blond commença à jouer le morceau qui laissait transparaitre toutes sortes d'émotions : Tristesse, mélancolie, une once de colère envers les médecins incapables et beaucoup d'amour. Un amour perdu, l'amour d'un fils pour sa mère. Léopold fut profondément touché par l'œuvre de son fils et comprit alors que tous ses jugements étaient faux. Jamais son enfant, la chair de sa chair, n'avait pensé un seul instant à le rendre malheureux, lui qui avait d'abord tenté de l'empêcher de voyager, l'avait privé de l'amour d'Aloysia pour l'envoyer à Paris. Jamais Wolfgang n'avait eu de telles pensées et ce fut en écoutant ce morceau pour piano qu'il put enfin le comprendre et reconnaitre ses erreurs. Il s'en voulait. Le patriarche de la famille Mozart ne pouvait que s'en vouloir du mauvais jugement qu'il avait porté sur son fils, son enfant prodige, celui qui apporterait gloire et reconnaissance sur leur nom. De son côté, le petit génie de la famille jouait avec fièvre, se laissant emporter par la musique. Sans s'en rendre compte, la pièce lui fit couler plusieurs larmes alors qu'il continuait inlassablement de laisser courir ses doigts fins sur les touches blanches. Remarquant le mal qu'il se faisait, le Maître de Chapelle s'approcha du jeune homme, posant une main sur son épaule pour le stopper. Le blond eut du mal à s'arrêter mais enleva finalement ses mains de l'instrument, se tournant vers Salieri sans comprendre.

« Pourquoi m'as-tu arrêté.. ?

-Je vois bien que ça te fait mal de jouer cette pièce, qu'elle t'évoque de mauvais souvenirs.

-Antonio... »

Un sourire éclaira le visage de Mozart malgré ses larmes et il remercia, la gorge nouée, son ami de prendre soin de lui. Peu à l'aise, le concerné se massa la nuque en fixant le sol avant de lui dire que ce n'était rien. Riant de la modestie et de la gêne de l'aîné, l'Autrichien vint le serrer contre lui avant de lui ébouriffer les cheveux ce qu'il n'apprécia pas du tout, secouant la tête avant de plaquer les mèches avec ses mains comme il le pouvait. Attendris par la scène, Léopold et Nannerl se sourirent avant que cette dernière ne parte leur faire du thé. Wolfgang se décida enfin à lâcher le brun qui commençait à suffoquer sous son étreinte et les deux maestros purent retourner s'assoir. L'ambiance était clairement plus détendue que lorsque la conversation s'était engagée entre les deux hommes de la famille. Pourtant, pour une raison totalement inconnue, Antonio ne se sentait pas à sa place, comme s'il était de trop. Il ne cessait de regarder le sol ou les murs, de se masser nerveusement la nuque ou de s'attraper le bras pour se le masser et se détendre. Remarquant son malaise, le blond lui prit la main avant de le tirer dans un des couloirs adjacents, espérant connaître la cause de cette gêne et comment y remédier.

« Quelque chose te tracasse ?

-C'est juste que j'ai l'impression de n'avoir rien à faire ici, de ne pas être à ma place. Je suis un étranger après tout.

-Ne dis pas de bêtises, tu es le bienvenu ici ! Je pense que mon père et ma sœur te voient d'un très bon œil, tu as fait bonne impression, tu sais.

-Ça n'a rien à voir, Wolfgang. Je n'ai plus rien, plus de famille. Je n'ai pas envie de troubler la tienne, maintenant que vous vous êtes réconciliés, je dois partir et retourner à Vienne.

-Antonio... Tu réfléchis beaucoup trop, personne ne te jugera, nous ne sommes pas en Italie et ma famille est différente de la tienne. Je te l'ai dit, mon père n'est pas très ravi de me voir m'abandonner aux jupons des femmes mais il le tolère. Et puis, personne n'est obligé d'être au courant pour ce que tu ressens.

-Ils auront peur, peur que je te saute dessus. Et à nouveau, je serai considéré comme un monstre. Je ne veux pas cela, je préfère partir.

-Regarde-moi. »

MaestroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant