Chapitre XII

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Antonio avait presque tout entendu de la discussion des Mozart et préféra ne plus sortir de la chambre. Il resta un long moment dans la pièce, avachi sur le lit, la main sur le ventre, les yeux levés au plafond. Il n'était nullement rassuré de rester seul, ayant peur que ses hallucinations se manifestent à nouveau. Le brun restait allongé là où Wolfgang avait dormi la veille, s'imprégnant du reste de ses effluves alors que ses pensées se dirigeaient automatiquement vers le virtuose. Apparemment, leur proximité dérangeait le père alors qu'ils n'étaient rien de plus que des amis. Finalement, s'était-il peut-être trompé ? Que ce soit en Autriche ou en Italie, l'idée qu'un homme puisse être proche d'un autre en dérangeait plus d'un.

Je vais finir par croire que c'est moi le problème dans toute cette histoire...

Lâchant un soupir, il se débarrassa des bandages de son poignet droit, contemplant avec une fascination morbide ce qu'il s'était infligé la veille. Peut-être que dans sa folie et dans sa détresse, cela lui avait apporté du réconfort, exactement comme lorsqu'il avait ouvert ses veines. Une larme coula et il posa son bras abîmé sur ses yeux pour cacher sa honte et sa tristesse. Mozart avait raison, il devait s'aérer la tête mais comment ? Se mutiler n'était pas la solution et il n'avait aucune inspiration pour composer. L'alcool ? Pas devant la famille de son ami. Il n'avait définitivement rien pour oublier les évènements de la veille. Pour ne rien arranger, il n'avait aucune épaule sur laquelle pleurer, se contentant donc de vider l'eau de son corps sur son bras, de très légers sanglots secouant son torse.

Lorsque ses yeux furent secs, il daigna se redresser et sécher ses joues en soupirant longuement. Il voulut se lever pour ouvrir la porte mais Nannerl entra dans la chambre, s'installant aux côtés de l'Italien.

« Je suis désolée si vous avez entendu la discussion entre Wolfy et notre Père, il n'avait pas à porter ainsi de jugement.

-Ce n'est rien, j'ai l'habitude... Où est Wolfgang ?

-Je crains qu'il ne soit partit voir des filles de joie pour se débarrasser de sa colère. Pourquoi ? »

Cillant, le Maître de Chapelle serra légèrement les draps, restant calme. Il n'allait certainement pas montrer sa jalousie, surtout qu'il n'allait pas empêcher son ami de faire ce qu'il désirait. Gardant la tête haute et un regard impassible, il se contenta d'hocher la tête.

« Je me demandais juste où il était passé mais cela ne m'étonne pas.

-Parfois, j'aimerai réellement qu'il se pose avec quelqu'un pour éviter qu'il ne dépense tant d'argent dans quelque chose d'aussi futile.

-Wolfgang parlait d'une certaine Aloysia, hier. Qui est-ce ?

-C'est une femme dont il s'est épris il y a trois ans. À dix-sept ans, il a quitté Salzbourg pour voyager et est arrivé à Mannheim où il a rencontré Aloysia. Il est tombé sous son charme mais Père l'a envoyé à Paris, les séparant avant qu'une véritable relation ne puisse se créer entre eux. Lorsque Wolfy est revenu, Aloysia était devenue célèbre, embauchée à l'opéra, et surtout mariée. Depuis, il ne se lance que dans des coups d'un soir. Personne ne l'intéresse à Vienne ?

-Pas à ma connaissance. Mais nous nous fréquentons seulement depuis quelques semaines dont deux et demie de voyage.

-Pour deux personnes qui ne se fréquentent que depuis peu, vous semblez bien complices, tous les deux.

-Il sait se faire apprécier, ce n'est pas de ma faute.

-Il faut vraiment être aveugle pour ne pas remarquer Wolfy, que ce soit positivement ou négativement. Son caractère ne vous épuise pas ?

-Je m'y suis fait. Et puis, il apporte un peu de vie et de fraicheur à mon quotidien, c'est plaisant.

-Je comprends. Je vais vous laisser, j'ai des choses à faire. A plus tard !

MaestroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant