Chapitre XXXV

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L'Empereur Joseph II venait d'entrer dans le tribunal. Wolfgang, Antonio et Maître Von Kreit se retounèrent et mirent également un genou à terre, le brun prit doucement la main du souverain entre ses doigts avant de déposer un baiser sur le dos de celle-ci, comme il était parfois coutume de le faire.

"Votre Majesté.. Que faites-vous en ce lieu si funeste ? Souffla l'Italien

-J'ai appris qu'une bien sombre accusation était sur vous dirigée. Vous n'êtes pas un meurtrier, Maestro. Et vous êtes sous ma juridiction.

-Votre Majesté.. Cet homme a tué son père, il est mieux de le faire exécuter! Intervint le juge

-Oseriez-vous remettre en cause mon jugement ? Antonio Salieri est sous ma protection. Je décide de son sort.

-Mais Majesté.. C'est contraire à la justice, aux lois.

-Les lois, et la justice, c'est moi. Taisez-vous ou c'est vous qui irez tout droit à l'échafaud. Le menaça-t-il d'une voix ferme

-Bien Majesté..." Murmura-t-il, tête basse

Tous se relevèrent et furent autorisés à quitter le tribunal, tandis que l'accusé remerciait l'Empereur d'être venu l'aider. Joseph II soupira doucement et demanda des explications au compositeur qui lui raconta alors l'altercation entre lui et son père, ne lui donnant cependant pas le sujet de cette dispute. Curieux, le souverain voulut en savoir plus, posant quelques questions qui mirent le latin mal à l'aise, tandis qu'il se mordillait doucement la lèvre, vérifiant d'un coup d'oeil qu'il ne restait que l'Empereur et Wolfgang. Le juge et l'avocat avaient quitté les lieux, de même que l'assistance. À première vue, ils étaient seuls, tous les trois, mais Antonio préférait rester prudent, parlant donc à voix basse.

"Je vous sais ouvert d'esprit, et je sais que vous ne me ferez pas abattre pour cela...

-Expliquez-moi, Maestro. Vous ne craignez rien.

-Je... J'aime les hommes, Majesté. Et, en l'apprenant, mon père m'a chassé de chez lui lorsque j'avais quatorze ans. En m'emmenant en Italie, le Maestro Mozart pensait simplement nous réconcilier. Malheureusement, cela ne s'est pas passé comme prévu et mon père a à nouveau refusé d'admettre que j'étais bel et bien son fils. Pour lui, je n'étais que l'enfant de Satan."

Le souverain sembla extrêmement surpris mais hocha simplement la tête, lui expliquant qu'il ne craignait rien tant qu'il serait sous sa protection.
Antonio s'inclina à nouveau, le remerciant pour son extrême tolérance et sa bienveillance à son égard. La main de l'Empereur se posa sur son épaule en guise de soutien, montrant également qu'il était normal de le protéger en ces sombres instants. Le jeune homme se redressa en hochant doucement la tête tandis que le second compositeur venait doucement prendre sa main.

Devant ce geste plutôt inattendu, Joseph II haussa les sourcils avant de leur demander s'ils étaient amants. Ecarquillant les yeux, les deux musiciens devinrent écarlates et se lâchèrent immédiatement. L'Empereur crut voir deux adolescents pris en flagrant délit alors qu'ils se courtisaient sans l'autorisation préalable de leurs familles. L'homme finit par ajouter que cela n'était pas important tant qu'ils restaient discrets et qu'ils ne faisaient rien d'outrageant ou d'indécent au sein de son palais.

Les deux amants retournèrent calmement chez eux après s'être inclinés devant Joseph II qui les laissa partir sans plus de question. Le reste de la journée fut consacré à la composition, aucun ne se parlait, ils n'en avaient pas besoin.

La fin de l'année approchait, et avec elle, toutes les cérémonies religieuses auxquelles Antonio participa bien contre son gré. Les messes l'ennuyaient plus que tout, se sentant de moins en moins à sa place à Vienne. Il craignait réellement que quelqu'un fusse dans le tribunal le jour où il avait tout expliqué à l'Empereur. Si cela avait été le cas, l'Italien était un homme mort.

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