Chapitre XXIII

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Wolfgang posa doucement une main sur l'épaule de son amant pour le ramener à lui, le faisant légèrement sursauter. Aucun des deux ne parla et lorsque la cérémonie se termina, ils sortirent les derniers, avec le cortège portant le cercueil jusqu'au cimetière de Vienne. Le trajet fut long et pénible pour le plus âgé qui gardait les yeux rivés au sol, ne parvenant toujours pas à y croire, encore à moitié plongé dans ses souvenirs. Tout lui revenait par bribes, lui arrachant quelques soupirs nostalgiques mêlés à de petites perles salées coulant sur ses joues déjà humides.

Le convoi arriva au cimetière après une bonne vingtaine de minutes alors que le ciel se dégageait doucement, laissant apparaître un soleil froid dont les pâles rayons se réfléchissaient faiblement dans les flaques d'eau et les perles translucides déposées sur l'herbe tendre du cimetière. Des dizaines de tombes étaient fleuries mais rien n'enlevait à cet instant sa morbidité. Le cortège s'arrêta devant un trou prévu pour le cercueil de Gassmann qui fut déposé à l'intérieur, devant le regard embrumé de son élève qui, ne pouvant se retenir davantage, pleura sur l'épaule de Wolfgang pendant que des hommes recouvraient de terre le corps du défunt et son armure de chêne. Antonio se remit à sangloter, complètement dévasté, alors qu'il ne restait plus que lui et le blond lorsque le trou fut entièrement bouché. Une éternité passa pour que l'homme se calme, son aimé se contentant de lui caresser le dos. Alors qu'ils s'apprêtaient à partir, le plus âgé crut voir deux silhouettes familières un peu plus loin, devant une minuscule pierre tombale, l'enterrement ayant été fait de manière négligée, le cercueil mal enterré, la terre irrégulière par-dessus. Fronçant les sourcils, le latin s'avança vers les deux personnes, un homme et une femme. Lorsqu'il les reconnut, son cerveau s'arrêta et refusa la première hypothèse qui lui avait traversé l'esprit. ça ne pouvait pas être ça, c'était impossible. Le couple se tourna en entendant des pas et l'homme écarquilla les yeux en voyant le brun.

« M...Maestro Salieri.. !

-B..Bonjour, Monsieur...

-Maestro...Nous voudrions..vous annoncer quelque chose...

-Pardonnez moi mais je..je ne pense pas que ce soit le moment..je...je n'ai vraiment pas la tête à cela et...

-Comment pouvez-vous nous refuser cela alors que nous avons besoin de vous parler ?!! S'offusqua la femme en toisant le musicien avec une haine et un mépris palpable

-Madame..ne vous offusquez pas..je...mon maître est mort et je...

-Votre maître est mort ?! Vous m'en direz tant ! Moi, c'est mon fils qui est mort ! La chair de ma chair !! J'ai perdu mon seul enfant, le seul qui ait survécu !! Et par votre faute !!! » Cria-t-elle,

Le cœur d'Antonio cessa de battre pendant un instant alors que ses jambes se dérobaient sous lui, le faisant tomber à genoux. Le père du défunt tenta de calmer sa femme en la raisonnant lui demandant de ne pas en vouloir au compositeur. Ce dernier sentit les larmes lui monter à nouveau mais il refusa de les laisser couler.

« Alarich...est mort... Non..je..je ne peux pas y croire...pas lui...non... » Murmura-t-il en serrant l'herbe entre ses doigts

C'était une déchirure pour lui, un véritable supplice que d'apprendre la mort de son protégé alors qu'il ressortait tout juste de l'enterrement de celui qui lui avait permis d'acquérir sa place, n'ayant même pas encore fait son deuil. Tout lui tombait dessus et son cerveau n'arrivait même pas à suivre, préférant déconnecter la raison au profit des saignements du cœur, il fallait combattre les sentiments par les sentiments, non par la raison. Il se releva et s'inclina devant la famille dévastée de feu son élève.

« Je...je suis désolé... Toutes mes condoléances... À présent, permettez-moi de me retirer... »

Le brun quitta le cimetière à la hâte, retrouvant sans mal sa demeure malgré sa vue brouillée par les larmes et son esprit embrumé de tristesse. Wolfgang le suivit et décida de rester avec lui pour l'aider à surmonter cette épreuve difficile, jusqu'à ce que son amant lui demande de le laisser seul. L'Italien s'était assis sur le tapis devant sa cheminée allumée, le regard vide réfléchissant le feu qui n'arrivait pas à apaiser le froid jeté sur son cœur brisé. Fronçant tristement les sourcils, le cadet embrassa doucement sa tempe et le laissa tranquille, se disant qu'il ne valait mieux pas aller à l'encontre de sa volonté.

MaestroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant