Dante frappa à nouveau à la porte, poussant délicatement la plaque de voir qui grinça, exactement comme celles du tribunal. Tout lui paraissait dissonant. Rien n'était accordé, tout sonnait faux. Les paroles des magistrats lui avaient donné de l'espoir, mais paraissaient horriblement hypocrites. Les attentions de Dante, les promesses de Maître Von Kreit, et même les siennes, tout lui paraissait artificiel. Il se sentait terriblement mal par rapport à cela, ayant peur de ne pas arriver à sortir Antonio de prison. L'idée que son amant prenne la peine capitale lui était inconcevable. Comment un être aussi bon, aussi doux, pouvait-il être condamné à mort ? Et surtout comment un juge pouvait-il accepter de ne pas croire un homme se proclamant innocent lorsque celui-ci se nommait Antonio Salieri ? Non, vraiment, Wolfgang n'arrivait pas à concevoir une telle injustice. Il pouvait toujours faire appel à cette personne, mais n'osait pour le moment pas. Il savait que si jamais il lui demandait de l'aide, personne n'aurait rien à redire. Un autre long soupir franchit ses lèvres alors qu'il posait la boîte aux côtés de la tasse, l'air déprimé. Il s'enroula dans la lourde couverture, telle une magnifique crêpe sucrée, la tête enfouie dans l'oreiller, serrant contre lui une chemise prise à Antonio, s'imprégnant de son odeur, comme s'il était là, fermant doucement les yeux. Il s'imaginait deux semaines auparavant, se remettant lentement de leurs ébats puissants et amoureux, qui les avaient occupés durant une bonne partie de la nuit. Un petit sourire étira ses lèvres en y repensant, mais celui-ci disparut presque immédiatement en pensant au lendemain, jour où son amant avait été arrêté.
Lâchant un long soupir, il s'enfouit un peu plus sous la couverture, serrant davantage la chemise contre lui, se mettant inconsciemment à pleurer à cause du manque. Il avait besoin d'une présence à ses côtés, de quelqu'un à qui parler mais ne savait pas vraiment à qui parler. Wolfgang n'avait pas d'amis à la Cour, ou très peu, mais il ne pouvait parler à personne de sa relation avec Antonio. La seule personne au courant était Haydn, et le jeune homme ne voulait plus vraiment lui parler depuis que son aîné avait embrassé son amant. Sa relation avait le père de la symphonie se trouvait entachée à cause de son amour pour le Maître de Chapelle, mais il préférait mille fois vivre sa vie avec quelqu'un de son âge, qui l'aimait pour ce qu'il était et non pas pour ce qu'il faisait. Le jeune Autrichien avait la triste impression que le violoniste ne "l'aimait" que pour son talent et son corps, sans chercher à voir plus loin. Bien sûr, le plus âgé profitait sans scrupules de la naïveté de son cadet mais celui-ci ne s'en était rendu compte que trop tard, repoussant ses avances un brin trop tard.
Le prodige de Salzbourg revit Haydn embrasser ce qui lui appartenait, un frisson de dégoût puissant parcourant son échine. Non, vraiment, il ne pouvait plus le voir. Pas après ce qu'il avait fait. Cela n'avait eu beau être qu'un baiser, Joseph aurait pu aller beaucoup plus loin si le blondinet n'était pas entré dans le bureau.
Heureusement que je suis arrivé..Je ne sais pas jusqu'où il serait allé, mais ce fou aurait très bien pu le violer..et seulement pour lui faire du mal... Antonio aurait vécu la même chose qu'avec moi, lors de notre première fois..mais certainement en beaucoup plus douloureux...
Au vu des réactions du latin lors de leur première fois catastrophique, le compositeur germanique n'avait aucun doute sur le fait que, si jamais le plus vieux avait abusé de Salieri, celui-ci n'aurait pas eu la force de se défendre. Il sentit le goût acide de sa bile remonter doucement dans sa gorge et envahir son palais. Il se dépêcha de se lever et d'aller rejeter ses tripes dans les toilettes de la salle de bain, juste à côté de la chambre, l'estomac noué par toutes les visions d'horreur que son esprit créait.
Il s'essuya les lèvres d'un revers de main avant de se redresser, allant se laver le visage, puis les mains, l'eau ruisselant le long des mèches de son front et sur ses joues, gouttant ensuite sur le rebord du lavabo. Il saisit une petite serviette, s'essuya la figure et retourna sous les draps, se sentant horriblement seul. Sa respiration et le tic-tac incessant de l'horloge pour seuls bruits, le virtuose lâcha un long soupir de désespoir, claquant l'arrière de son crâne contre la tête de lit, exactement comme le faisait Antonio contre les pierres froides de sa cellule.

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Maestro
FanfictionAntonio Salieri, compositeur officiel de la Cour de Vienne, a des journées bien mornes et chargées. Tentant de s'éloigner de cet énergumène, il finit néanmoins par s'en rapprocher. Malheureusement, l'époque de cette histoire ne leur permettait pas...