Chapitre XIX

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« Contre nature ? Vous savez ce qui est contre nature ? C'est d'avoir rejeté son fils, la chair de sa chair. C'est l'une des pires choses que l'on puisse faire. Vous devriez avoir honte, honte de m'avoir chassé comme vous l'avez fait ! Je ne sais même pas ce qu'est devenu mon premier amour, et j'espère que vous n'avez pas porté plainte contre lui ! De toute façon, votre plainte n'aurait pas abouti. Il n'y avait pas d'attouchements ou que sais-je. J'étais parfaitement consentant, et ça vous a horrifié. J'avais honte, au début. Maintenant, je l'assume parfaitement. J'ai trouvé quelqu'un qui m'aime pour qui je suis et pour ce que je fais. Alors soit vous l'acceptez et vous revenez sur votre décision, vous admettez qu'il est concevable que votre fils aime un homme, soit vous restez buttés et stupides, fervents croyants aveugles que vous êtes, la vieille et toi. »

Il retira son arme de la bouche de son père, l'essuyant grâce au tissu des vêtements de celui-ci, un air de mépris imprimé sur son visage. Le vieil homme s'essuya les lèvres en fixant son enfant, partagé entre haine et dégoût. Il posa le canon de son fusil sur le torse du musicien, reniflant.

« Tu mériterais que je te tue ! Tu ne dois pas vivre, tu...tu es un monstre, un envoyé de Satan ! Comment as-tu pu entrer dans cette maison alors qu'il y a des crucifix à chaque mur et même un au-dessus de la porte ?!

-Tout simplement parce que vos crucifix et autres marques chrétiennes n'ont jamais eu aucun effet. Que ce soit sur moi ou qui que ce soit d'autre. Cessez vos stupides croyances, elles sont parfaitement inutiles.

-Blasphème ! Hérésie ! J'espère que tu seras rapidement puni pour tes crimes et que quelqu'un te tuera ! »

Même s'il ne comprenait rien, le cadet sentait que la situation s'envenimait et que les deux hommes n'arriveraient pas à régler leurs différends. Il serra un peu plus la main de son amant qu'il fit reculer légèrement. Ce dernier avait réellement envie de tirer mais se retenait, se raccrochant comme il le pouvait à l'idée que Wolfgang ne le supporterait pas. Serrant les dents et inspirant profondément, le natif de la ville tira simplement dans la jambe de son père avant de claquer la porte, encore plus furieux. Le blond se mordit la lèvre, les yeux baissés. Il avait le sentiment que c'était de sa faute, entièrement de sa faute si le brun était en colère. Celui-ci s'empressa de quitter les lieux, tirant le compositeur germanique avec lui. Ils regagnèrent l'autre bout du quartier et s'adossèrent à un mur, le cœur battant la chamade à cause de la course qu'ils venaient de faire. L'Autrichien passa doucement une main dans le dos de l'Italien, tentant de le calmer à nouveau.

« C'était une mauvaise idée...je suis désolé... Je voulais pas que tu t'embrouilles avec lui.. Je pensais que ça se passerait mieux..

-Je ne t'en veux pas, je m'y attendais de toute façon. On ne change pas le passé et les mentalités aussi facilement. Leur fermeture d'esprit me désespère mais en soi, ça me convient. Même si l'on s'était réconcilié, j'aurai gardé cette haine et cette amertume.

-Tu lui as quand même tiré une balle dans la jambe !

-Il l'a cherché.

-Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

-Il m'a dit que je devais payer pour mes crimes, qu'il espérait que quelqu'un me tue. S'il veut tant me voir disparaitre, qu'il me tue lui-même ! Cela règlerait le problème.

-Je préfèrerai qu'il te laisse en vie, je tiens à toi, moi.

-Je sais, de toute façon je l'aurai tué avant qu'il ne puisse faire quoi que ce soit. »

Antonio posa doucement sa main sur la joue du cadet, collant leurs fronts, se fichant bien que les passants les regardent de travers, encore fallait-il leur accorder un peu d'attention. Le prodige de Salzbourg le regarda droit dans les yeux, cherchant une réponse à ce comportement.

MaestroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant