CHAPITRE 56

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Les jours qui suivirent la rupture furent flous pour Lukas. Hayden avait fini par le ramener dans sa chambre, où il s'était endormi d'épuisement. Le lendemain, il n'était pas allé à l'université, incapable de sortir de cette torpeur, dans laquelle il s'enfonçait. Encore une fois, il ne ressentait plus rien, excepté un vide immense. Il y veillait. Dès qu'il commençait à éprouver cette sensation douloureuse à la poitrine, il avalait un cachet. Il ne savait pas quoi faire d'autre. Alors, il s'asseyait sur le balcon, insensible au froid, et fixait l'océan sans vraiment le voir. Ash avait failli mourir. Cette phrase tournait en boucle dans sa tête. Son esprit ne pouvait s'empêcher d'imaginer la scène. Et lui riait en compagnie d'Alexeï, pendant que Edward Hastings avait ses mains autour de la gorge de son fils. Le brun se laissait ronger par les remords et la culpabilité, et personne ne faisait rien. Sa famille avait trop peur de déclencher quelque chose en appuyant sur le mauvais bouton.

Lukas marchait droit devant lui. Il ne savait pas ce qu'il faisait là, mais il avançait dans ce champ ravagé. Les bombes avaient formé des cratères terreux, qui ouvraient le sol telles des gueules béantes. L'herbe était encore en train de brûler à certains endroits sous des braises ardentes. De la cendre tombait du ciel, comme des flocons tièdes, d'un gris foncé. Dans l'air flottait une odeur de sang, de poussière, et de poudre. Le brun regardait autour de lui, aux aguets, mais il n'y avait personne, l'endroit était désert.

— Jake ! appela-t-il. Peter !

Seul l'écho de sa voix lui répondit. Un corbeau s'envola dans un battement d'ailes furieux, en croassant. Par réflexe, Lukas se retourna un pointant son arme sur lui, mais l'abaissa aussitôt. Le sentiment de solitude était de plus en plus pesant. Une part de lui s'accrochait à la confiance aveugle qu'il avait en ses camarades. Jamais ils ne partiraient en l'abandonnant. Pourtant, la panique montait peu à peu. Le champ n'en finissait plus, semblait infini. Il tournait en rond depuis des heures.

Soudain, une détonation déchira le silence, et Lukas se tourna dans sa direction, tendu. Mais il était seul à des kilomètres à la ronde. Un bruit lourd se fit entendre derrière lui. Une masse était étendue sur le sol à quelques mètres. Il s'en approcha, le cœur battant. Deux yeux gris le regardaient, suppliants.

— Ash ! s'écria le soldat en se précipitant vers lui.

Une tache rouge s'épanouissait sur sa poitrine, imprégnait le tissu kaki. Le blond voulut parler, mais un filet de sang s'écoula du coin de ses lèvres. Sa poitrine se soulevait bien trop rapidement, à la recherche d'air. Ses yeux d'acier étaient terrorisés.

— Ça va aller, mentit le brun en posant ses mains sur la blessure, comme s'il pouvait empêcher le sang de couler.

Son regard  argenté se voila lentement, avant de fixer le vide. Lukas le secoua pour le réveiller, en criant son nom, mais Ash ne réagit pas. Son torse était immobile, sa peau froide.

Lukas se réveilla en sursaut, et plaqua une main sur sa bouche pour retenir un hurlement. Son cœur cognait douloureusement dans sa poitrine, sa respiration était irrégulière. Ce n'était qu'un cauchemar. Et pourtant, l'image était si nette. Le brun se recroquevilla dans l'espoir de calmer la douleur qui irradiait. Ash était en sécurité chez les Phi. Mais c'était aussi ce qu'il croyait samedi dernier. Ses ongles s'enfoncèrent dans la peau de son bras, comme pour s'accrocher à la réalité. La vie était trop fragile. Un rien pouvait l'arracher.

Le besoin de savoir Ash en vie devint incontrôlable. Le brun prit son téléphone et l'appela. Une fois. Deux fois. Trois fois. Il tomba directement sur la messagerie. Incapable de raisonner de façon logique et cohérente, il se mit à paniquer. Le manque s'abattit sur lui, impitoyable. Il avait dit adieu à ses amis, mais aujourd'hui leur absence lui était insupportable. Perdre Ash venait d'apporter le coup de grâce.

Toucher le ciel [EN RÉÉCRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant