Amour véritable

3

Ils se mirent à marcher l'un à côté de l'autre, traversèrent le boulevard sur un passage piéton et continuèrent leur promenade jusqu'à la plage.

Le cadre était magnifique. Ça faisait longtemps que Romane n'avait pas vu un pareil spectacle que celui des reflets de la lune sur l'eau. Et d'être avec Ben pour y assister, c'était magique !

Sur le coup d'une impulsion, la jeune femme retira ses escarpins et descendit sur le sable. Habituellement chaud, il était plutôt frais à cette heure de la nuit. Elle s'avança peu à peu du bord de l'eau.

– C'est tellement beau...

– Pas autant que toi...

Il n'avait fait que chuchoter cette phrase, mais puisqu'il se trouvait juste derrière elle, Romane eut tout le loisir de profiter du compliment. Elle savait que si elle se retournait, elle serait pratiquement dans ses bras.

Ben pouvait presque sentir la chaleur du corps de Romane. Elle était si belle dans cette robe qu'il avait du mal à contenir son désir. Un moment, elle hésita, mais à l'instant même où elle allait se retourner, il aperçut une étoile filante.

– Regarde... Fais un vœu...

La jeune femme regarda longuement le ciel et Ben ne put s'empêcher de poser ses mains sur ses épaules dénudées.

Elle n'avait pas cillé. Lentement, elle baissa la tête et commença à faire des dessins dans le sable avec ses orteils parfaitement manucurés.

– C'était quoi, ton vœu ?

– Je ne te le dirai pas...

– Pourquoi ?

– Si je veux qu'il se réalise, je ne dois pas le dire tout haut...

– Ah, je vois...

De ses épaules, les bras de Ben descendirent lentement jusqu'à ses avant-bras. Elle n'avait toujours pas cillé. Il continua. Progressivement, il l'attira contre son torse, tout en la serrant dans ses bras.

– Ben...

– Chut... ne t'inquiète pas...

– J'ai peur...

– Je sais. Ne t'inquiète pas, répéta-t-il.

Romane avait le besoin de se confier. Elle avait parlé de sa fausse couche à Ben depuis leur déjeuner à la cantine de l'hôpital, mais elle n'avait pas dit que c'était la faute de Gilles. Elle se sentait en sécurité dans ses bras et ne voulait pas avoir de secret pour lui.

– Ce soir-là, il était saoul et on s'était disputé... il me criait des horreurs, je ne me suis pas laissée faire et comme il n'arrivait pas à avoir le dessus, il s'est mis à me battre...

– Tu n'es pas obligée de me raconter...

– Si... j'y tiens...

Ben resserra tendrement son étreinte et Romane continua de parler.

– Ce n'était pas la première fois qu'il me battait. C'est sa manière à lui de fonctionner. Au début, ça ne m'a pas sauté aux yeux. On était amoureux depuis le lycée, jamais je n'aurais cru ça de lui. Mais ça s'est déclaré à la mort de son père. Il a complètement changé de comportement. Il refusait que je travaille et aussi que je porte des jupes, il ne me laissait pas voir mes amis et on a été obligé de déménager quand il a été muté à Paris. Là, ça a été pire. Je n'avais même plus le droit de téléphoner à ma propre mère... Je ne sais pas pourquoi mais je me disais qu'il allait changer... ce n'était pas le Gilles que j'avais connu au lycée... Je voulais faire des efforts pour lui... Je pensais que c'était une passade... À un moment, ça s'était arrangé. Il faisait des efforts lui aussi. Puis, je suis tombée enceinte et sa mère est venue s'installer à deux pas de chez nous. Elle passait de temps en temps, boire un café, discuter entre filles et me donnait plein de conseils sur la maternité... au bout d'un moment, elle a multiplié ses visites. De quelques fois par mois, elle passait pratiquement toutes les semaines et en moins de quinze jours, ça a été pratiquement tous les jours, puis elle passait parfois plusieurs fois par jour. Au début, je l'aimais bien, mais son attitude m'a très vite glacé le sang. Il m'arrivait de ranger notre appartement d'une certaine manière pour me rendre compte deux jours plus tard que tout ce que j'avais fait avait été remanié d'une autre façon... Quand j'en parlais à Gilles, il me disait que j'exagérais, qu'elle faisait ça pour nous rendre service, que ce n'était pas bien grave... puis mon ventre a commencé à grossir et elle est devenue de plus en plus possessive avec son fils.