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PDV ROSE

-Chérie ? On est là. C'est fini. Ça va aller.

Mes parents accourent vers moi, paniqués.
Si j'avais eu la force de prononcer plus de deux mots dans la même phrase j'aurais refusé d'appeler mes parents malgré la gravité de la chose.

Je n'arrive pas y croire.

Pourquoi ?

-Tu vas bien ?

Je ne réponds pas mais mon père met sa main sur mon menton et m'oblige à le regarder.

Dès que nos regards se croisent, je fonds en larmes. Des sanglots s'échappent de ma bouche, le suivant  toujours plus fort que les précédents. 

Mes parents me prennent dans leurs bras et me caressent doucement le dos.

-Ça ira. Tout ira mieux, murmure ma mère.

J'essaie de la croire mais je sais déjà que rien ne sera plus jamais pareil.
Tout à changé.

En seulement quelques minutes, ma vie a chamboulé.
Mon monde s'est effondré.
Mon cœur s'est brisé.

Après quelques minutes mes parents s'éloignent doucement et mon père essuie mes larmes avec ses pouces.

Un infirmier arrive près de nous après avoir été appelé par mes parents. Il demande à mes parents s'il peut me parler seul à seul et ces derniers acceptent sans me demander mon avis.

Mes parents s'éloignent et je les vois chuchoter en me lançant des regards inquiets.

L'infirmier s'approche de moi et me dit :

-Bonsoir, je suis Mr Avery. Vous voulez bien que l'on discute ?

Ma bouche s'ouvre mais aucun son n'en sort.

Mr Avery me regarde et je vois dans ses yeux un regard rempli de pitié.

Non.

Je ne veux pas de ça.

-Rose. Je suis là pour vous aider.

J'essaie de lui répondre mais je n'y arrive toujours pas. 
Je serre les poings.

Je commence à avoir très chaud alors que la température n'est pas très élevée et que je suis toujours dehors.

Mes mains commencent à devenir moites et ma vue se brouille.

Je n'ai pas le temps de faire un signe au docteur qu'un grand trou noir s'installe.

***

J'entends des voix autour de moi, on m'appelle mais je suis dans l'incapacité de répondre.

-Rose ? Tu m'entends ?

Mes yeux s'ouvrent doucement et se posent sur ma mère, assise près de moi. Elle passe sa main sur mon front et dit :

-Tu as de la fièvre.

Je regarde autour de moi et je remarque que je ne suis plus au même endroit. J'inspecte de nouveau le lieu mais je ne reconnais pas l'endroit où je me trouve. Ma mère, voyant mon regard perdu, me regarde puis me dit doucement :

-Nous sommes dans le cabinet de l'infirmier Mr Avery. Nous avons eu très peur lorsque tu t'es évanouis, nous avons préféré venir ici.

Je ne demande pas pourquoi ils ne m'ont pas plutôt emmenée à l'hôpital connaissant déjà la réponse. Ma mère évite le plus possible de retourner à l'hôpital depuis son cancer. Elle a peur de ressentir de nouveau la peur qu'elle avait toujours sur les épaules à l'époque, et à vrai dire, je la comprends.

Je hoche la tête et une violente migraine m'attaque au crâne. Mon père s'approche de moi et me tend un gobelet avec un médicament.

-Tiens, bois ça. Ça te fera du bien.

Je bois sans protester et je repose le gobelet tandis que je sens une nouvelle fois le regard pesant de mes parents sur moi.

-Chérie, il va falloir parler de ce qu'il s'est passé ce soir. C'est important de parler, tu sais.

-Je le sais. Mais, pour le moment, est-ce qu'on peut rentrer à la maison s'il vous plaît ? J'ai besoin de me reposer.

Mes parents se jettent un regard. Et comme d'habitude ils se comprennent, rien qu'avec ce seul regard.

-Tu te sens capable de te lever ?

Comme réponse, j'essaie de me lever, mes parents viennent m'aider et me proposent de m'appuyer sur eux. Je souris faiblement à ma mère pour lui dire que je suis prête à rentrer et nous rentrons tous les trois dans le plus pesant des silences.

Personne ne parle pendant le trajet vers la maison. Personne n'ose parler ou personne ne sait quoi dire. Et ce n'est pas moi que ça dérange. Je n'ai aucune envie d'en parler pour le moment, je veux juste oublier et arrêter de penser à ce qui vient tout juste de se passer.

Juste oublier.

Même si je doute très fort que je puisse un jour le faire. Oublier.

Une fois dans l'allée de notre maison, qui est aussi la maison d'enfance de mon père, mes parents me suivent de près jusqu'à  la porte d'entrée pour être présents si je fais un autre malaise. Lorsque nous sommes enfin à l'intérieur, j'enlève rapidement mes chaussures et je me précipite, sans un mot, dans ma chambre. Je m'y enferme à clé et m'affale sur mon lit. J'essaie de dormir un peu mais à chaque fois que je ferme les yeux, le visage de mon agresseur apparaît.

Et je revis la scène, encore et encore.

Je prends mon oreiller, le met sur ma tête, et je me mets à crier.

Sans m'en rendre compte, mes larmes ont suivi le mouvement et ont rejoints la bataille. Mes sanglots se déversent sur mon oreiller et il devient très vite trempé de larmes.

Je ne sais pas si mes parents m'entendent, mais en tout cas, ils ne me le font pas savoir. Je préfère rester seule pour l'instant et je crois qu'ils l'ont compris.

J'adore mes parents, ils sont un peu comme des modèles pour moi. Ils m'ont eu très tôt, je pourrais croire que j'ai été un "accident", ce qui est le cas, mais mes parents m'ont dit plusieurs fois que j'étais la plus belle chose qui leur soit arrivée.

N'arrivant pas à dormir, je me lève et vais prendre une douche. Je me sens extrêmement sale, je sens encore ses mains sur moi, et ses baisers dans mon cou. Que se serait-il passé si personne n'avait été là pour m'aider ?

Je préfère ne pas y penser.

Je prends des vêtements propres et me dirige vers la salle de bains. Je m'y déshabille et me faufile dans la douche. Je mets l'eau et me lave.

Soudain, des voix se font entendre.

-Maman ? C'est toi ?

Une ombre s'installe derrière moi et je me retourne brusquement.

Non, non, pas lui.

Pas lui.

Mon agresseur se tient devant moi et je me mets à le frapper. Mes mains me font très vite mal.

-C'est de ta faute. Tu l'as bien mérité.

Je crie et tape de plus en plus fort.

Mes parents arrivent en courant et  regardent autour d'eux.

-Rose, calme-toi. Calme-toi.

J'arrête de frapper et je découvre qu'il n'y a personne d'autre que mes parents et moi dans la salle de bains. Mes mains sont en sang et il y a quelques traces de sang sur le mur.

-Chérie, il n'y a personne.

Ne me laisse pas seul Où les histoires vivent. Découvrez maintenant