Chapitre 11 _ Un désir de vengeance

134 14 8
                                    

Dans la sombre obscurité d'un château délabré, sur les terres allemandes, semblait se dégager l'odeur même de la mort. Il avait l'aspect de l'horreur, et nul ne s'en approchait vraiment. Oui, c'était bien dans cet imposant manoir que la plupart des forces d'Hadès résidait encore aujourd'hui. Ils agissaient, dans l'ombre, préparant contre les Chevaliers un assaut fantastique, récupérer les élues, et dominer le genre humain.

Si certains Spectres restaient au fin fond de l'Enfer, il y en avait un, particulièrement, qui aimait ce palais, et qui y restait tout le jour. Évidemment, il avait des responsabilités, alors il n'avait pas le choix de retourner dans l'Hadès. Mais Rhadamanthe n'était pas homme à devoir. Il n'était Juge que pour sa toute puissance, et il en était bien fier. Tous le craignaient, et tremblaient lorsqu'il approchait trop près d'eux. Tremblements qui ne lui échappait pas, et qui ne faisait que gonfler son orgueil.

Hélas, il y avait un sujet délicat qu'il ne souhaitait aborder. Il avait échoué. Lui, le plus puissant Spectre qui soit, celui à qui les deux autres Juges obéissaient sans discussion, avait subit la honte de l'échec. Oh, ce n'était pas une défaite, ce n'était pas l'issu d'un combat qui lui procurait tel sentiment. Non, cette gêne en lui était causée par une femme. Une faible femme dont il avait eu plaisir à torturer, aussi bien en blessant son corps jusqu'au sang qu'en frappant son âme pour la déchirer de toutes les façons possibles. Cette femme, une élue, dont il ne savait rien, l'avait ridiculisé, humilié, en aidant son autre prisonnière à la fuite, avant d'elle même fuir. Et pour couronné le tout, elle avait libéré Athéna, alors captive de leurs chaînes. Et même si le temps avait passé, il éprouvait toujours de la haine à l'égard de cette femme, et il jura qu'elle sera à nouveau en ses serres, et qu'il fera à son corps ce qu'il lui plaira, et qu'il trouvera le meilleure moyen qui soit pour réduire son esprit à néant. Oh, il espérait tant qu'il pourrait ainsi se divertir et se venger sur ce petit corps vivant. Quel intérêt aurait-il à torturer une âme décédée, qui n'a plus rien à perdre ?

Dès lors qu'Ofelia avait disparue mystérieusement des Enfers, il avait préparé sa vengeance. Car Pandore, qui dirigeait les Spectres en l'absence du Seigneur des Ténèbres Hadès, l'avait bien punit pour son échec, ce qui n'avait fait qu'accentuer sa honte et sa colère.

En cette journée, qui sonnait plus comme une sombre nuit au château, Rhadamanthe s'était assis sur son siège, comme à son habitude, et buvait tranquillement son alcool en se délectant déjà de sa vengeance. A chacune de ses gorgées, il imaginait la chair meurtrie de celle qui avait provoqué son échéance, et voyait sur son sol son sang se répandre. Il jouissait de la voir dépérir à petit feu dans son esprit, mais jamais il ne lui accorderait la mort. Non, jamais. Au contraire, il lui offrirait l'immortalité d'une souffrance éternelle aux Enfers. Et même lorsque son frêle corps se brisera des violences qu'il se plairait à lui faire, il continuerait, encore et encore, inlassablement, jusqu'à la destruction de son âme.

Il esquissa un sourire cruel en terminant son verre. Puis, son regard se leva vers le tableau, qui lui paraissait toujours de plus en plus vieux. Cette image fixe, qui représentait Dame Pandore enfant, souriant au monde et à la vie, l'écœurait de plus en plus. Sa supérieure était certes d'une beauté exquise, mais rien ni personne ne saurait le détourner de la vengeance qu'il planifiait. Sentant tout à coup que sa présence était requiert aux Enfers, il se leva, jeta son verre au sol, le brisant en milles morceaux, et quitta la pièce d'un pas lent et noble.

- Tient, tient ! Mais voilà le Seigneur Rhadamanthe !

Le Juge adressa un regard noir et courroucé à Zelos.

- Hors de ma vue, vil crapaud, et épargne mes oreilles de tes desseins. Jamais tu ne seras maître de ce château, tu mourras bien avant d'être promut à ce poste.

- Votre seigneurerie est si cruelle avec moi. Mais on se souviendra encore de votre échec, et lorsque je serais le Maître, je...

- Il suffit !

Rhadamanthe envoya une puissante bourrasque, et le Spectre se retrouva propulser contre le mur, qu'il traversa. Ensevelit sous les décombres, sa main de batracien surgit vivement, cherchant à extirper le reste de son corps.

- Ohlala ! Seigneur, Seigneur, aidez-moi...

- Misérable, comment oses-tu ? Crois-tu seulement qu'un jour, tu te verras diriger cet endroit ? Et même si cela arrivait, penses-tu sincèrement qu'un Juge tel que moi se laisserait dominer par une vermine telle que toi ? Ne t'avise plus de m'adresser la parole ou je te tuerais de mes mains.

Zelos se hissa hors des débris, et toussota légèrement avant de rétorquer sur un ton provocateur :

- Faites attention, votre seigneurerie... Vous en seriez à deux fautes !

Rhadamanthe le regarda d'abord simplement, le fixant de sa haine.

- Et Lady Pandore vous a déjà pardonné une fois... Vous pensez qu'elle sera disposer à fermer les yeux une deuxième ?

- Je ne supporte plus d'entendre ta misérable voix...

Le Juge leva le bras, et fit apparaître sur le bout de son doigt une sombre lumière. Le rayon produit fusa et s'engouffra dans la bouche de Zelos. Ce dernier vit ses derniers instants, et hurla de terreur. Ce Spectre était certes avide de pouvoir, mais il n'était qu'un peureux. Il avait défié Rhadamanthe en pensant lui être supérieur. Mais il s'était trompé.

Cependant, la mort ne vint pas le saisir. Mais une étrange sensation le dérangea à l'intérieur même de sa bouche. Et la douleur qui s'en suivit lui fit comprendre qu'il n'était rien arrivé de bon. Il toussa, et cracha sang et bave à la fois. Alors quelque chose tomba en plein dans ce mélange liquide répugnant. Zelos, paniqué, baissa les yeux, et réalisa seulement ce qu'il était advenu. Le Seigneur Rhadamanthe lui avait coupé la langue. Il essaya de parler, en vain. Seuls des sons sourds sortirent de ses poumons. Le Juge esquissa un sourire cruel et satisfait, avant de s'en aller d'un pas lent et digne. Apeuré, le Spectre fila à toutes jambes, en pleurant et en hurlant, tout droit vers la pièce réservée à Pandore. Lorsqu'il entra, la jeune femme le regarda, sans compassion. Et il criait, des larmes plein les yeux, en agitant les bras.

- Que t'arrive-t-il, Zelos ? demanda-t-elle calmement. Aurais-tu perdu ta langue ?

En guise de réponse, et pour bien se faire comprendre, il ouvrit sa bouche ensanglantée, toujours en agitant ses petits bras. Mais à cela, il n'eut pas la réaction escomptée. Non, Pandore souriait. Et elle reprit son art, en grattant tranquillement les cordes de son immense harpe.

- Il semblerait que tu ais jouer un peu trop avec le feu, Zelos. Je ne peux rien pour toi.

Le Spectre continuait de crier comme un attardé, et d'un coup Pandore lui ordonna le silence, ce qu'il n'eut pas le choix de faire. Mais ce fut bien difficile, car la douleur était horrible.

- Nul ne se confronte aux Juges, déclara-t-elle en cessant de jouer. C'est à moi, et à moi seule, de décider de leur sort, de leur sentence. Tu n'as en aucun cas le droit de te sentir supérieur à eux. Maintenant, va. Je vais bientôt avoir besoin de tous mes Spectres, et en bonne santé.

Zelos, abattu par ce qu'il venait d'entendre, fit demi tour, en se tenant la bouche d'une main pour retenir le mieux possible le sang qui coulait à flot. Une chose était sûre, maintenant il se ferait des plus discrets. 

Les Élues des Dieux _ Tome 4 _ L'avant GuerreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant