[CHAPITRE 6] Déchirure.

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J'ai du mal à comprendre.

J'ai l'impression que mon cerveau est prisonnier dans une bulle.

Il me faudrait un Retourneur de Temps pour revenir cinq minutes en arrière.

Juste cinq petites minutes.

Mais je ne peux pas.

C'est impossible.

―Ron...

Ce simple mot me fait l'effet d'un coup de poignard en pleine poitrine.

Prononcer ce nom me déchire de l'intérieur.

―Ron... je répète, ma voix rendue hachée par les sanglots qui me nouent la gorge. Ron... attends... je t'en prie...

―Non, j'ai suffisamment attendu ! rétorque-t-il.

Impuissante, je suis incapable de faire le moindre mouvement. Désemparée, je l'observe fourré à la va vite ses quelques affaires personnelles qu'il laissait tout le temps traîner dans la tente. Tomber sur ses chaussettes m'agaçait constamment, hors, en cet instant, je ferai tout pour que rien ne change. Je serai capable d'échanger tout ce que j'ai de plus précieux pour continuer de voir ses habits s'éparpiller partout.

Oui, je ferai tout.

―Ron... je sanglote, incapable de me retenir plus longtemps. S'il-te-plaît... nous pouvons encore arranger les choses...

―Sûrement pas, grogne-t-il en envoyant valser un pull qui ne lui appartient pas. J'en ai marre, Hermione ! Tout ça... ces Horcruxes, cette quête... ça me gonfle ! Il est hors de question que je reste une minute de plus dans cette tente !

―C'est ça, fuis ! gronde une autre voix dans mon dos.

Je me retourne aussitôt et en dépit de ma vue rendue floue par les larmes qui coulent sur mes joues, je reconnais la chevelure de jais de Harry. Je n'ai pas besoin d'y voir clair pour remarquer la lueur furieuse sur son visage. Cette haine dans ses yeux, le battement frénétique d'une veine sur sa tempe.

Merlin, comment les choses avaient-elles pu dégénérer de cette façon ?

Cinq minutes plus tôt, tout allait bien.

Cinq minutes plus tôt, je coupais soigneusement les cheveux beaucoup trop longs de Harry.

Cinq minutes plus tôt, je prenais conscience que nous n'avions pas besoin d'un crochet du Basilic pour détruire le Horcruxe.

Cinq minutes plus tôt, je comprenais qu'il nous fallait l'épée de Gryffondor.

Cinq minutes plus tôt, l'espoir renaissait et un sourire illuminait le visage de Harry.

Cinq minutes plus tôt, la colère de Ron éclatait, faisant imploser les rares vestiges de notre amitié rendue fragile par tous ces mois d'attente.

―Ron... j'essaie de nouveau.

Il ne répond pas, alors je m'approche de lui. Mes pleurs résonnent et ricochent contre chaque morceau de tissu qui nous entourent. J'aimerai être plus forte que ça, être digne et trouver les mots pour le convaincre, mais sa souffrance n'a fait que croître au fond de lui depuis ce transplanage raté qui l'a rendu paralysé. La blessure de son bras s'est résorbée, mais les cicatrices qu'il porte, lui rappellent à chaque instant ce qu'il s'est passé.

Me rappellent à chaque instant l'erreur que j'ai commise.

Il n'esquisse pas le moindre mouvement à mon approche et fourre son dernier vêtement dans son sac à dos, qu'il noue d'un geste sec, ses mouvements rendus chaotiques par sa colère. Je tente de m'emparer de l'objet, mais il me repousse avec une telle violence, que je manque de m'étaler par terre. Ses yeux brillent froidement lorsqu'il me toise et la peur m'envahit.

LA LOUTRE ET LE RENARD [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant