Chapitre Vingt-et-un: La fête fort haine

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Le page entraîna Sorenn dans sa chute. Fatigue. Choc. Épuisement. Désespoir. La nouvelle eut l'effet d'une bombe sur l'équipage du Pandora IV. Ils venaient de perdre un élément exceptionnel et surtout, surtout, une précieuse amie. Sirius se chargea de prévenir les autres. Il s'excusa pour ce drame qu'ils traversaient, pour ce meurtre qu'il n'avait pas commis et toutes ces choses dont il n'était pas vraiment responsable. En tant que capitaine, c'était à lui de prendre pour les autres. Néanmoins, il ne voulait pas pleurer. Les princes ne pleurent jamais et il devait être là pour soutenir tout le monde, peu importe la souffrance qu'il endurait. Peu importe ses sentiments.

Il jugea bon de laisser Ilam seul quelque temps, décida de ne pas le solliciter pour l'expédition ; il valait mieux pour lui qu'il se repose un peu, ne serait-ce que quelques jours. Zora était morte. De toute manière, il ne pourrait qu'accepter la cruelle vérité et, dans l'idéal, s'en remettre avant l'assaut.

Le reste du trajet se fit dans le silence. Chacun se remémorait les instants passés avec la jeune femme. Sorenn eut bien du mal à affronter le regard désespéré du pilote lorsqu'il pénétra dans leur chambre. L'amoureux meurtri gisait sur sa couchette trempée par ses propres larmes.

Il se demandait pourquoi. Pourquoi elle, pourquoi maintenant. Pourquoi lui ? Pourquoi eux ? Pourquoi ce monde et cette haine, pourquoi cette tragédie et pourquoi, pourquoi, pourquoi...

La nuit n'apporta au garçon que des souvenirs supplémentaires pour alimenter ses sanglots. Son compagnon l'observait, allongé sur la couchette d'à côté. Il n'était pas doué pour réconforter et aurait bien besoin de l'être, d'ailleurs. À peine avait-il fait le deuil de Katz qu'il perdait Zora. Et combien d'autres amis allait-il perdre encore ? Combien d'inconnus allaient encore périr dans ce génocide ?

— Ilam... je sais que tu pleures.

Le page abaissa sa couverture, laissant apparaître un visage détrempé.

— Elle me manque, à moi aussi...

Il hocha la tête. Son ami se redressa, quitta son lit pour s'approcher de lui. Il ne trouvait rien à dire. Les mots ne pouvaient apaiser cette douleur alors il préféra se taire, lui apportant simplement ses bras et la promesse de le protéger aussi longtemps qu'il vivrait. Comme Zora l'avait fait. Comme elle l'aurait fait si elle était encore en vie.

— Tu sais, Ilam, finit-il par avouer, je pense qu'elle voudrait te voir heureux.

— C'est vrai ?

— Qui souhaiterait le contraire ? C'est très douloureux, mais je... je crois qu'on ne peut pas vivre pour les morts. Je crois qu'il faudrait, au contraire, continuer à sourire pour les honorer et achever ce qu'ils ont commencé.

Le page essuya ses joues du revers de la main. Sorenn, le voyant rassuré, repartit se coucher. Sa méthode n'était peut-être pas la plus efficace, mais au moins, il avait essayé.

Entrée en atmosphère dans dix minutes, annonça la pilote automatique dès la première heure, le lendemain.
Sorenn retrouva sa place au poste de commandes, ravalant ce nœud qui lui serrait la gorge.

— Marina, des nouvelles des vaisseaux alliés ?

Les trois ont survécu à l'attaque, mais l'Alagraph 710 a été sérieusement endommagé.

— Ses chances d'atteindre le sol sans danger ?

Inférieures à vingt-cinq pour cent.

— Envoie ces informations à Sirius et donne-moi les coordonnées fixées pour notre atterrissage.

Tout le monde était prêt. On fit avancer les civils hors du sas afin de faciliter la sortie des explorateurs. Parmi eux des guerriers, oui, mais également des scientifiques et des médecins, sans oublier nos deux bons vieux mécaniciens. Si un outil faisait des siennes, on saurait à qui s'adresser.

PANDORA-IV [Les enfants de Kirisben]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant